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Épisodes, Sites et Sonnets/Lux

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Épisodes, Sites et SonnetsLéon Vanier (p. 19-23).

LUX

La torche des glaïeuls s’enflamme aux clairs midis
Qu’un bois d’ombre bleuit par delà le grand Fleuve
Aux bords frôlés de brise, un peu, pour que s’y meuve
En ondes le flot glorieux des blés blondis ;

L’essaim bourdonne en nimbe autour des ruches pleines
Parmi le val où l’herbe abonde de fleurs d’or,
Et dans l’Azur fendu d’un sillage d’essor
Des vols d’oiseaux fuyards rament à toutes pennes ;

Tout l’éphémère éclat des rives et des ciels
Rayonne en ces midis qui mûrissent les miels
Et c’est la chute lente et seule d’une plume,

À l’horizon des routes où vont nos pas seuls
Jusqu’à la nuit d’un crépuscule où se consume
Le flamboiement fleuri de pourpre des glaïeuls.

LUX

C’était l’aube d’un jour de gaîtés et de rondes
En la clarté rieuse et rose des matins
Où le Printemps s’échappe à ses exils lointains
Pour d’un rire éveiller le sommeil des vieux mondes,

C’était l’aube d’un jour de joie et d’allégresse
Dans l’azur rajeuni de l’Orient charmé,
C’était l’effeuillement des couronnes de Mai,
La moisson douce et la vendange sans ivresse,

De simples fleurs que se paraient les chevelures
Et non plus de l’orgueil d’un pampre rougissant,
Ce n’était pas l’orgie équivoque et le sang
Des grappes ni sa pourpre chaude et leurs souillures


La fraîcheur nuptiale et claire des rosées
Mouillait seule les doigts et perlait seule aux mains
Des Vierges qui passaient, blanches, par les chemins
Dans le silence des campagnes reposées.

Il s’en venait parfois sur les brises chargées
De parfums l’éclat pallié d’un rire pur,
Et tout là-bas la mer infinie et d’azur
Prolongeait l’horizon des plaines étagées,

Le doux vent qui poussait les lames sur les grèves
En lents écroulements d’écume au sable clair
Apportait d’un pays autre de par la Mer
Le vol transmigrateur des Espoirs et des Rêves ;

C’était comme le souffle d’un Dieu qui délivre !
Et l’attrait rayonnant de cette nouveauté
Rajeunissait l’enchantement et la beauté
De la vie et donnait de fous désirs de vivre…

Voici le Temple enguirlandé du seuil au faîte
Le marbre blanc scintille et rayonne aux frontons,
Voici la porte ouverte et le parvis ; montons
L’escalier incrusté jonché de fleurs de fête :


Autour du toit un vol de colombes fidèles
Tourne et s’abat épars parmi l’azur profond
Du ciel, et c’est ainsi que viennent et s’en vont
Les heures s’envolant avec un frisson d’ailes ;

En cortège vers l’ombre et l’abri des ramures
Les couples vont rêver leurs rêves préférés,
Et des oiseaux goulus piquent les grains pourprés
Des muscats grappelés et des grenades mûres ;

Le soleil qui ruisselle inonde les porphyres,
Les plaines et les bois et la mer sont de l’or !
Là-bas, dans la forêt massive qui s’endort,
Passe l’appel jeté des Odes et des Rires.