Épodes (Horace, Leconte de Lisle)/11

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1er siècle av. J.-C.
Traduction Leconte de Lisle, 1873
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XI. — À PETTIUS.


Pettius, il ne me plaît plus, comme auparavant, d’écrire des vers, frappé que je suis d’un profond amour, de cet amour qui me fait brûler entre tous pour les adolescents et les jeunes filles. Voici que Décembre a trois fois dépouillé les forêts de leur honneur depuis que je n’aime plus Inachia avec fureur. Hélas ! combien, honteux maintenant d’un tel mal, j’ai été la fable de toute la Ville ! Combien je rougis de ces repas où ma langueur et mon silence et les soupirs sortis du fond de ma poitrine trahissaient mon amour ! « Se peut-il que le cœur sincère du pauvre ne l’emporte point sur le désir du gain ! » Je gémissais ainsi en pleurant près de toi, quand le Dieu sans pudeur qui m’échauffait révélait mon secret dans la chaleur de l’ivresse, « Ah ! si une libre colère pouvait brûler dans mon cœur et jeter aux vents ces vaines plaintes qui ne calment en rien mon mal, je n’aurais plus honte de cesser le combat contre des rivaux indignes ! » Ayant ainsi parlé, austère, et m’en applaudissant, et comme tu me conseillais de retourner dans ma demeure, j’étais ramené par mes pieds incertains vers cette porte non amie, hélas ! et ce seuil si dur où j’avais rompu mes reins et mes flancs. Maintenant, je suis possédé par l’amour de Lyciscus qui se vante de l’emporter en mollesse sur les femmes ; et ni les libres conseils de mes amis, ni les amers dédains ne peuvent m’en détacher ; rien, si ce n’est un autre amour pour une blanche jeune fille ou pour un adolescent arrondi qui renoue sa longue chevelure.