Étoiles (Mendès)
ÉTOILES
’Ange des nuits sur la colline
Jette son voile déplié,
Et, perdu dans la brume fine,
Le mont chancelle et se dandine
Comme un cyclope estropié.
Là-bas, fantastique décombre,
La vieille tour du vieux manoir
Se drape dans les plis de l’ombre
Comme un bandit au regard sombre
Dans l’ampleur de son manteau noir !
Vaste fourmilière de mondes,
Le ciel, tout bigarré de feu,
Ruisselle de paillettes rondes,
Immense écrin de perles blondes
Doublé d’un large satin bleu !
Et moi, vers la nue étoilée
Je lève mes regards séduits,
Et ma fantaisie envolée
Monte et papillonne, affolée
Par les douces clartés des nuits.
Qui donc est là-haut qui secoue
Rubis et perles dans les airs ?
Serait-ce pas Dieu qui se joue
Et qui, comme un paon, fait la roue
Avec tous ces yeux grands ouverts ?
Le poète aime les féeries :
Peut-être, pour valser en rond,
Sont-ce de blanches Valkyries
Qui, comme en guirlandes fleuries,
Passent, une escarboucle au front ?
Peut-être, ivres du suc des roses,
Quelques sylphes au vol moins sûr
Allument-ils des torches roses,
Pour regagner les portes closes
Qui défendent leurs nids d’azur !
L’Ange des nuits sur la vallée
Laisse tomber ses voiles noirs,
Et ma fantaisie envolée
Monte et papillonne, affolée
Par les douces clartés des soirs !