Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin

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Bérubet, phot.
SCEAU
De l’Abbesse de La Vassin,
(1302)
Archives nationales, no 9,265.
Extrait des Mémoires de l’Académie de Clermont.


ÉTUDE HISTORIQUE
sur
L’ABBAYE ROYALE DE LA VASSIN
PRÈS LA TOUR D’AUVERGNE


par
Élie JALOUSTRE,
Membre titulaire de l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Clermont-Ferrand.



CLERMONT-FERRAND
TYPOGRAPHIE FERDINAND THIBAUD, LIBRAIRE
Rue Saint-Genès, 8-10.
1878.

ÉTUDE HISTORIQUE
sur
L’ABBAYE ROYALE DE LA VASSIN
PRÈS LA TOUR D’AUVERGNE.





I


Au fond des montagnes de l’Auvergne, non loin du massif des Monts-Dore, à l’extrémité sud-ouest de la commune de Saint-Donat et sur les confins des départements du Puy-de-Dôme et du Cantal, il est un petit vallon solitaire auquel on arrive après avoir traversé les bois et suivi un ravin resserré où mugissent les eaux claires d’un torrent : c’est le vallon de La Vassin où s’élevait avant la Révolution une abbaye de femmes de l’ordre de Cîteux, sous le vocable de Saint-Jean.

« Si vous voulez connaître, a dit Herder, le genre de vie des habitants d’une contrée, vous retrouverez dans la nature externe et dans les circonstances du voisinage la solution du problème que vous cherchez à résoudre. »

En voyant cette clairière si tranquille, si étroitement confinée dans sa retraite, si fermée à tous les bruits terrestres, on pressent tout de suite qu’elle a dû être une cellule : cellule bien calme et vraiment selon le vœu de saint Rernard qui, pour ses abbayes, ne voulait que les lieux profonds dérobant la vue du monde et ne laissant que celle du ciel.

Au nord et à l’ouest les bois de Montoveix, au midi ceux de la Pruneyre, à [‘est la forêt de Chaperonge enserrent le vallon et l’étreignent de toutes parts. Au pied de la Pruneyre, la rivière de la Trentaine[1], sur la rive droite de laquelle se trouvent les ruines de l’abbaye, sépare le Puy-de-Dôme et le Cantal et contournant la vallée presqu’entièrement circulaire, elle lui forme, avec le petit ruisseau qui descend de Chaperouge, comme une ceinture mobile qui autrefois fit donner à ce lieu le nom d’Entraigues, Inter amnes, inter aquas, qu’on retrouve dans quelques anciens titres[2]. Ce nom fut changé plus tard en celui de La Veissy, La Vissy (1199 à 1660), La Vassin, Vallis sana, Vallis sancta, la bonne, la sainte vallée (1666-1790).

Elle était sainte et bonne, en effet cette petite vallée pour les Aines élues qui venaient s’y réfugier, unies dans une même intention de renoncement, d’immolation et d’adoration.

La monotonie même de son paisible paysage s’allie bien avec l’idée fixe, l’idée d’éternité, dont furent tourmentées les nobles femmes qui vinrent y vivre et y mourir, et c’est avec un charme véritable qu’on écopte la mystérieuse mélopée que cette nature uniforme ne se lasse pas de redire et que les cénobites d’autrefois ne se lassaient point d’écouter.

C’est un beau soir d’été, au déclin du jour, qu’il faut voir La Vassin, pour comprendre le doux et puissant attrait que devaient trouver là des cœurs pleins d’une ardente foi.

Quand les rayons du couchant passent à travers les bois d’alentour, une lumière tamisée et harmonieuse se répand dans le vallon et le baigne d’une ravissante clarté, à peine atténuée dans les fonds par les dégradations de la pénombre. On dirait qu’un jour fluide et doré s’épanche du faîte des grands arbres qui s’étagent sur les versants ; une vapeur transparente enveloppe l’étroite enceinte, une sorte de lueur mystique l’emplit et l’éclaire jusque dans ses profondeurs.

L’impression produite par un tel spectacle est vraiment étrange, incomparable. On est comme fasciné par l’ineffable grâce de cette sérénité lumineuse ; on se sent pénétré dans le plus intime de son être et le sentiment des placides visions vient tout à coup effleurer votre âme.





II


On ne connaît point la date précise de la fondation du monastère de La Vassin, qui semble avoir été édifié dans la seconde moitié du xiie siècle.

Ce furent les sires de La Tour qui appelèrent dans cette solitude, non loin du chef-lieu de leur baronnie, dans les dépendances de l’église de Saint-Donat, des filles de Saint-Bernard qui les reconnurent pour suzerains

L’abbaye existait déjà en 1166, car Bernard Atton, vicomte de Nîmes, qui mourut le 24 septembre de cette année, avait précédemment légué à La Vassin deux cents sols pour célébrer son anniversaire[3].

L’ancien obituaire du couvent portait, en effet, cette mention : VIII Kalend. septembris, commemoratio bonœ memoriœ Bernardi Atonis vicecomitis Nemausensis fratris dominœ de Turre qui legavit pro anniversario suo faciendo singulis annis C. C. solidos melgarienses[4].

Les religieuses furent appelées par Bertrand Ier, fils de Bernard IV de La Tour, qui les établit dons une pensée purement personnelle : pour qu’elles fussent les gardiennes de son tombeau, tout ainsi que les Dauphins fondèrent en 1149 l’abbaye de Saint-André-lès-Clermont, et les comtes d’Auvergne le monastère de Val-Luisant ou du Bouschet, en 1182, pour que les moines par eux dotés veillassent sur leur poussière.

Le fondateur de La Vassin était le descendant de ces pieux barons dont l’un, Gérand P, qui avait épousé Gausberge, fille de Bérilon, vicomte de Vienne, s’était fait moine à Sauxillanges, en 994, après avoir comblé de biens ce monastère, pour Te repos de son âme[5].

Il était le petit-fils de ce Géraud II qui donna au même monastère de Sauxillanges les églises de Singles et de Saint-Pardoux, de Sainte-Marie de Chastreix, de Saint-Donat, de Saint-Pierre de Messeix, et la chapelle de La Tour, donations qui, faites vers l’année 1075, furent confirmées le 7 décembre 1095 par une bulle du pape Urbain II revenant du concile de Clermont et se trouvant alors à Aurillac.

De même Géraud donna en même temps i Cluny la moitié de l’église de Besse : medietatem in ecclesia de Bessiâ[6], c’est-à-dire la moitié des revenus appartenant à cette église.

Non content d’avoir construit un couvent sur ses terres, Bertrand Ier fit encore hommage de sa baronnie de La Tour à l’abbé de Cluny qui, dit-on, était pour lors Pierre-le-Vénérable (1156).

Il constitua ainsi ce qu’on appelait un fief de dévotion et de reprise, c’est-à-dire qu’après avoir reconnu tenir ses biens d’une abbaye ou encore de la Vierge et des Saints, du Pape et des Évêques, le possesseur, mû par sa piété, reprenait immédiatement, à titre de fiefs, les domaines qu’il venait de céder, en reconnaissant pour suzerain le personnage ou le monastère qu’il voulait honorer.

Guy II, comte d’Auvergne, donna de cette manière sa terre de Châtelguyon au Pape, en 1198, pour la reprendre de suite en fief, moyennant une once d’or pour droit de mutation.

De même, Héracle de Polignac offrit tous ses biens, en 1181, au chapitre de Brioude[7].

Bertrand avait épousé, vers 1129, Matheline de Béziers, fille de Bernard Atton, vicomte de Nîmes.

Matheline, suivant l’ancien obituaire de La Vassin, fut enterrée dans cette abbaye : Pridié Kalendas Augusti obiit domina Mathelina, uxor Bertrandi Domini de Turre, fundatoris ejusdem ecciesiœ[8].

Bertrand de La Tour ne tarda pas à venir lui-même, à côté de sa femme, dormir à La Vassin son éternel sommeil, et pendant plus d’un siècle ses descendants trouveront égalementieur couche funèbre dans le même cimetière, à l’ombre du monastère, pieux gardien des dépouilles mortelles des seigneurs de La Tour.

Cette touchante coutume de se retrouver, après la mort, au même rendez-vous, dans la même demeure, est un des signes caractéristiques du moyen-âge, un de ses traits les plus saillants.

S’il est une douceur à mêler ses cendres, nulle époque ne l’aura mieux connue que ce temps que nous appelons barbare et qui, cependant, dans ses aspirations et dans ses actes, nous apparaît souvent plein d’une véritable poésie.

Quel lieu, en effet, pouvait être mieux choisi pour le repos qui ne finit point, que cette clairière silencieuse avec ses horizons bornés, derrière lesquels se devinent d’autres espaces, comme derrière les froides parois du sépulcre se pressentent d’autres mondes ?

Après avoir guerroyé toute leur vie, les rudes barons voulaient pour les rêves de leur âme la paix des Thébaïdes, et pour s’endormir sur leur dur oreiller de pierre, il leur fallait les douces voix des vierges et les psalmodies du cloître.


III


Ce n’est qu’à la fin du xiie siècle que l’on commence à trouver trace des abbesses de La Vassin. Le plus ancien document qui fasse mention de ce monastère est une charte en latin, conservée aux archives du département du Puy-de-Dôme et qui relate un serment d’obéissance prêté à Dieu, au seigneur évêque Gilbert (Gislaberto) et à ses successeurs, ainsi qu’à l’autel de la Bienheureuse Marie, par Fines, abbesse d’Entraigues (Inter Amnes), premier nom de La Vassin.

Ce serment est écrit sur un petit carré de parchemin de 0m,10c de longueur sur 0,06c de hauteur ; il n’est ni doté, ni signé, mais la chronologie des évêques de Clermont qui indique Gilbert comme ayant occupé le siège épiscopal après Ponce ou Pontius, de 1190 à 1195, permet de donner cette date approximative au document en question[9].

Nous ne savons si Fines a été en réalité la première abbesse de La Vassin ; mais ce qu’il y a de certain, c’est que l’abbaye était à peine fondée que déjà elle recevait des donations et des legs.

Ce furent d’abord les sires de La Tour, ses seigneurs suzerains, qui lui concédèrent de nombreuses et importantes possessions, tant dans l’étendue de leur baronnie que dans les autres parties de la province d’Auvergne où ils étaient propriétaires de grands et beaux domaines.

Ils donnèrent ainsi au monastère les mas de la Grangette, de Pallut, de Freydefont, de la Nugeyrolle, de Crouzat, de Pouneix, les domaines ou tenures de Brimassanges, de la Pruneyre et de Chaperouge, dans les dépendances de Saint-Donat ; le mas de Labro, dans la paroisse de Chastreix, les domaines du Lac et de Broussoux près Saint-Genès, le mas de Longe-Chaux près La Tour, des droits sur la montagne du lac Chauvet et des dimes dans les hameaux de Montbaillard, près La Tour, ainsi que dans le bourg de Plauzat, au territoire de Palloche[10].

Le frère de Matheline de La Tour, Bernard Atton, vicomte de Nîmes, mort en 1166, fit, comme nous l’avons vu plus haut, un legs de deux cents sous à La Vassin, pour qu’on y célébrât chaque année son anniversaire, et, de son côté, G., comtesse de Montferrand, femme du Dauphin, comte de Clermont, légua à la même abbaye, par son testament de l’année 1199, cinquante sous et une nappe d’autel[11].

L’abbesse était alors, selon toute probabilité, Pétronille que les auteurs du Gallia Christiana placent en tête de leur chronologie et qu’ils mentionnent comme ayant promis respect et obéissance à Dieu, à l’église de Clermont et à l’évêque Robert, à la fin du xiie siècle, d’après un serment conservé aux Archives de la Cathédrale[12].

Agnès, qui succéda sans doute à Pétronille dans le gouvernement de l’abbaye, fit pareil serment d’obéissance ou même évêque Robert qui occupa le siège épiscopal de Clermont de 1195 à 1227[13].

Bernard V et Bertrand II, fils de Bertrand Ier, furent, selon toute apparence, inhumés à La Vassin, car Baluze émet l’opinion que les seigneurs et dames de La Tour eurent leur sépulture dans cette abbaye jusqu’à Bernard VII qui voulut être enterré dans l’église des Dominicains de Clermont (1270)[14].

Bernord VI suivit saint Louis à la croisade de 1228. En 1233 11 fit un échange avec Bertrand Comptour, qui se dessaisit des châteaux de Chalus et de Ravel (près Picherande), pour recevoir en compensation le marché et les foires de la ville de liesse avec les domaines de la Volpilière et de Fontanet. Le sire de La Tour resta suzerain du lot par lui concédé, et pour plus value des châteaux de Chalus et de Ravel, il versa à Comptour la somme de 10,000 sols tournois, monnaie de Clermont[15].

Bernard, d’après un ancien obituaire de la cathédrale de Clermont, mourut ultrà mare le 29 décembre de l’année 1253. Il avait épousé Alazie, sœur de Raymond VII, comte de Toulouse, et fille de Raymond VI. Alazie ou Adelazie changea M son nom qu’elle tenait de sa tante, vicomtesse de Béziers, contre celui de Scanne, porté par sa mère qui était fille d’Henri II, roi d’Angleterre. Elle mourut le 28 mai 125 et fut enterrée dans le cimetière de La Vassin, à côté de Matheline de Béziers et de Bertrand, son mari : V. Kal Junii, disait l’obituaire du couvent, anno MCCLV obiit illustrissima Johanna filia Raymundi comitis et reginæ Johannæ uxor quondam domini Bernardi de Turre[16].

Bernard VII, qui en 1256 donna avec son frère Bertrand, chanoine de Clermont, des coutumes aux deux villes de Saint-Amant et de Saint-Saturnin et, en 1270, une charte communale à Besse, avait épousé Yolande qui mourut avant 1270 et fut enterrée à La Vassin[17].

Dans son testament de 1262, Robert Ier, comte de Clermont, fit un legs de dix livres à ce monastère et un autre de cent sous au couvent d’Esteil[18].

Comme son père, Bernard voulut faire le voyage d’outremer, et il prit en conséquence ses dispositions pour suivre saint Louis à la huitième croisade.

Il fit son testament à Clermont en 1270, « ad diem Jovis post festum Epiphaniæ Domini », en présence de Durand Girard, chapelain de Saint-Saturnin, Guillaume Blancheyr, chapelain de Besse, « frère Armand de las Vayssas », et frère Étieenne de Luguet, de l’ordre des Frères Prêcheurs de Clermont.

En premier lieu, le testateur déclara qu’il voulait avoir sa sépulture dans la maison des Dominicains de Clermont, dans la chapelle de Sainte-Madelaine, et, pour que les religieux célébrassent chaque jour l’office pour lui pendant la quarantaine qui suivrait sa mort, et pour qu’ils vinssent en procession prier sur son tombeau, il leur légua, durant le temps indiqué, dix sous par jour, pour leur pitance.

Ensuite, Bernard prescrivit de payer au couvent de La Vassin la somme de cinquante sous « pour le repos de son âme» et « à la mémoire de ses parents », avec explication que la somme léguée serait par les religieuses employée à « une pitance », ad faciendam pitanciam, pendant le temps de carême.

Par ce même testament, Bernard VII fit remise de la taille à tous ses vassaux, pour l’année de sa mort, et il légua douze deniers à chacune des églises de Besse, de La Rodde, de Saint-Pardoux, de Chastreix, de Bagnols, de Saint-Donat, de Picherande, de Saint-Genês, de Saint Sandoux, de Saint-Saturnin et de Saint-Amant, aux chapelles de La Tour et de Ravel.

De plus, Bertrand, fils et héritier du seigneur de La Tour, fut chargé de payer chaque année, tant qu’il vivrait, une réfection aux Dominicains de Clermont pour que ceux-ci célébrassent un office solennel. Enfin, le repas que Bertrand de La Tour, oncle, avait ordonné de servir aux prêtres et clercs de Savenne et de Messeix, dut leur être octroyé en échange d’un office pour le repos de l’âme du testateur[19]

Après avoir ainsi dicté ses dernières volontés, Bernard VII partit pour la Terre-Sainte où il mourut devant Tunis, le 14 août 1270.

Bertrand III, fils de Bernard VII et son successeur, épousa Béatrix d’Olliergues en 1276, et lui constitua deux cents livres de rente de douaire & prendre sur la ville de Besse. La même année eut lieu entre ce Bertrand et Bertrand de La Tour, son oncle, chanoine de Clermont, le partage des biens de Bernard VI.

Par ce partage, les châteaux et les terres de Saint-Saturnin, Saint-Amant, Saint-Sandoux, Randal, Montpeyroux, La Roilde, Ragnols, Chastreix, Saint-Donat et Tauvcs furent attribués au chanoine avec d’autres fiefs et appartenances : «  Prout durant et se extendunt a domo de la Vedrina versùs Chambo et us que ad fines de Bessia et exindè prout aqua de Bessia cadit in Aligerim subtùs Issiodorum et exindè usque ad pontem de Cornanio et usque ad villam Riomi, sub Tornolium. » C’est-à-dire : tout le pays qui s’étend depuis la maison de la Védrine, vers le Chambon, jusqu’aux confins de Besse et de là jusqu’à l’endroit où la rivière de Besse se jette dans l’Allier (à Issoire), puis jusqu’au pont de Cournon et à Riom, au-dessous de Tournoël »

Tout cela était pour la partie basse de l’Auvergne ; de l’autre côté, les possessions du chanoine s’étendaient depuis le Port-Dieu jusqu’à Ussel et de là jusqu’à la Dordogne, vers Bort. Grand partage, dit Baluze, pour un cadet qui était d’Église[20] !

Cependant, cet immense héritage ne tarda pas à revenir à Bertrand III qui avait été co-partageant. Par son testament du mois d’octobre 1280, Bertrand de La Tour, chanoine, donna à son neveu tout ce qu’il possédait.

Il légua, en outre, au couvent de La Vassin soixante sous tournois assis sur la terre de Saint-Donat, afin que les religieuses célébrassent chaque année son anniversaire[21].

En 1284, Bertrand III confirma aux habitants de La Tour les privilèges que leur avait octroyés Bernant VII, son père, et Renard VI, son grand-père. Il eut plusieurs enfants et son second fils, Bertrand de La Tour, commença la branche des seigneurs d’Olliergues.

Bertrand ne fournit pas une longue carrière ; il mourut au mois de novembre 1288. Un premier testament qu’il avait fait à Toulouse, en 1285, fut révoqué par un second dicté en Auvergne, le vendredi 22 novembre 1286.

Des donations sont faites à La Vassin dans ces deux actes. C’est d’abord une réfection, une fois payés, qui est léguée à ce monastère ainsi qu’aux abbayes de Beaumont, de Mégemont et de Lesclache. Ensuite, le testateur donne à La Vassin (la Vayssi) vingt-cinq livres tournois ; il veut que chaque lundi les religiiuses fassent un service pour les morts de sa famille et viennent en procession sur la tombe de sa mère, de son aïeule et de tous ses parents qui reposent dans le cimetière du couvent. Il entend que ce jour-là, c’est-à-dire chaque lundi, l’abbesse prenne la somme de huit sous sur les vingt-cinq livres léguées, pour donner à sa communauté un repas dont celle-ci aura le choix. L’abbesse ne pourra employer à autre chose les vingt-cinq livres en question, et dans le cas où elle ne se conformerait pas à la volonté du testateur, l’héritier institué pourra appeler l’abbesse à l’exécution de son obligation[22].

Ces réfections que nous voyons si souvent octroyées aux monastères par les seigneurs suzerains, dans leurs actes de dernières volontés, étaient comme un suprême souvenir qu’au seuil de la tombe ils donnaient aux serviteurs et aux servantes de Dieu, implorant pour leur âme les prières qui délivrent.

Aux jours marqués par le donateur, les recluses, qui d’ordinaire ne buvaient que de l’eau pure[23], mélangeaient cette eau avec du lait ou du vin, et les poissons ou les légumes cuits sans condiments qui formaient leur nourriture quotidienne étaient alors exceptionnellement remplacés par de la viande ou par tout autre mets.

D’ailleurs, ce n’était pas seulement les hôtes des cloîtres qui dans ces temps avaient le bénéfice de semblables agapes ; souvent aussi ces libéralités étaient faites aux hommes de la seigneurie, aux vassaux du défunt, et le même Bertrand de La Tour qui voulait que les nonnes de La Vassin dépensassent chaque lundi huit sous pour leur pitance, le même Bertrand ordonnait dans son testament de 1286 que le repas général qui avait ordinairement lieu à Besse du temps de son père et de son grand-père, fût donné de nouveau comme jadis[24].

Ces repas funèbres dont l’usage ne s’est pas perdu dans nos campagnes étaient dans les mœurs romaines. Comme toutes les fêtes accompagnées de sacrifices, les funérailles des grands étaient suivies à Rome d’un festin où l’on servait ce qui restait des victimes.

Quelquefois on invitait à ces repas tout le peuple comme ami du mort. C’est ainsi que Jules César fit dresser 22,000 tables, lors des jeux funèbres qu’il donna en l’honneur de sa fille[25]. On appelait ces repas parentalia, parce qu’ils étaient donnés par les parents[26]. On célébrait l’anniversaire de la mort par un autre repas (cœna feralis)[27].

Ces festins anniversaires avaient quelque chose de tout à fait dramatique. On se rendait aux tombeaux ; on dressait des lits et des tables et on laissait vide la place du mort. On faisait des libations de vin et de lait et enfin on déposait sur la tombe des fèves, de l’ache, des laitues, du pain, du sel, des œufs et d’autres mets dont on supposait que les mânes venaient la nuit se repaître, mais les pauvres gens jouaient ordinairement le rôle des mânes[28].

L’architecture romaine dut conformer ses conceptions à l’usage de ces agapes funèbres et ménager aux parents les moyens de pratiquer commodément sur les tombeaux les festins annuels. C’est pourquoi on réservait dans les mausolées une salle destinée à servir de triclinium ou salle à manger. Quelquefois, un édifice particulier élevé dans le voisinage des hypogées ou caveaux funéraires, servait à plusieurs familles. À Pompéï, dans la rue des Tombeaux, on a cru reconnaître un édifice ayant cette destination.

À Clermont, l’emplacement du cimetière gallo-romain, au sud de la ville, près le chemin de Beaumont, au bas de Vallière, s’appelle encore Las Culinas, les cuisines[29], à cause, sans doute, des établissements installés près du champ des morts, pour les repas d’anniversaires.

Souvent, les invités mangeaient et buvaient sur la tombe même du défunt. Cette coutume s’était conservée jusque sous Charlemagne, car nous lisons dans les Capitulaires une défense expresse ce sujet : Admoneantur fideles ut ad suos mortuos non agant ea quæ de paganorum ritu remanserunt… et super eorum tumulos nec manducare, nec bibere præsumant[30] Que les fidèles ne pratiquent à l’égard de leurs morts ce qui est resté des mœurs païennes… qu’ils ne mangent ni ne boivent sur les tombeaux[31].





IV


Nous avons vu que, par son testament de 1270, Bernard VII avait demandé à être inhumé dans l’église des Dominicains ou Frères Prêcheurs de Clermont : « in capellâ beatæ Mariæ Magdalenæ. » Ce seigneur fut te premier de sa famille qui abandonna la sépulture de ses ancêtres à Pabbaye de La Vassin, et ses descendants, suivant son exemple, choisirent leur demeure dernière dans la même église des Jacobins, à l’exception de la branche d’Olliergues qui élut la maison des Cordeliers.

Désormais, La Vassin ne fut plus la nécropole des sires de La Tour, mais ses religieuses ne restèrent pas moins astreintes à toutes les servitudes d’inhumation. À chaque anniversaire, elles durent toujours fournir les luminaires, les tentures de drap noir semé de larmes d’argent, payer le casuel des prêtres assistant à l’office commémoratif.

Elles ne laissèrent point s’effacer sur les murailles de leur église les litres ou bandes funèbres peintes au dedans et quelquefois au dehors, car ces litres ou listres, portant de distance en distance les armoiries des patrons et bienfaiteurs, étaient une marque de vassalité à l’égard des suzerains fondateurs[32]. Elles durent continuer à entretenir avec soin les tombeaux de leurs bienfaiteurs dans le cimetière attenant au couvent, car il est à remarquer que les sires et dames de La Tour ne furent pas à La Vassin enterrés dans l’église, mais bien dans le cimetière contigu : « Conventus teneatur, dit le testament de Bertrand III (1286), facere processionem super tumulum matris ipsius testatoris et avis su et parentum suorum jacentium in cimiterio dicti loci. » Les fondateurs d’une église avaient, cependant, le droit d’avoir leur tombeau dans le chœur, de même que seuls ils Pouvaient apposer leur blason à la principale voûte de l’édifice, tandis que la tombe des simples bienfaiteurs se trouvait sous le porche ou dans la nef, et leurs armoiries peintes seulement sur les tableaux ne devaient figurer ni sur les vitraux du chœur ni sur les pierres du monument[33].

En 1302, l’abbesse Castellone rendit foi et hommage à Bernard VIII de La Tour.

Les anciens auteurs nous ont conservé les détails de la cérémonie de l’hommage qui était l’acte par lequel le vassal reconnaissait la supériorité de son seigneur et s’avouait son homme[34].

En Auvergne, l’hommage était dit de bouche et de mains[35], parce que le vassal en jurant fidélité mettait ses mains dons les mains de son seigneur et l’embrassait ensuite, en signe de foi. Néanmoins, tous les vassaux n’étaient pas indistinctement admis à embrasser leur suzerain, mais seulement les vassaux nobles[36]. C’est ce qu’exprime d’une façon pittoresque l’auteur du Roman de la Rose dans le passage suivant :

Je n’i laisse mie touchier
Chascun bouvier, chascun bouchier,
Mais estre doit courtois et frans
Celui duquel homage prens.

D’autre part, les femmes étaient dispensées du baiser « pudoris et honestatis causâ[37]. » Sans crosse et le voile baissé, l’abbesse du monastère vassal se présentait entourée de ses religieuses devant le seigneur suzerain ou son mandataire, dans la salle capitulaire de l’abbaye. Après s’être agenouillée, elle mettait ses deux mains dans celles du suzerain et déclarait à haute voix tenir le couvent et toutes ses dépendances de son maître et seigneur, jurant k lui être toujours foyalle et loyale[38].

Un acte dressé dans la forme authentique constatait ordinairement l’accomplissement de l’hommage. Les Archives nationales possèdent la déclaration faite en 1302 par Castellone au profit de Bernard de La Tour, déclaration dont Baluze reproduit également le texte latin dans les preuves de son Histoire de la iflaisrn d’Auvergne[39]. Voici la traduction littérale de ce document.

« Nous Castellone, humble abbesse du monastère de la Vayssi, de l’ordre de Cîteaux, et tout le dévot couvent de ce lieu, faisons savoir à tous ceux qui ces présentes lettres verront que de notre plein gré et sciemment, après en avoir auparavant délibéré entre nous en notre chapitre, nous avouons et reconnaissons pour vrai, en présence de noble homme Bernard, seigneur de La Tour, damoiseau, recevant ce qui vient d’être dit et ce qui est écrit ci—après pour lui et pour ses héritiers et successeurs à perpétuité, que nous tenons en fief du dit seigneur de La Tour et que nous avons tenu d’ancienneté des prédécesseurs dudit seigneur toutes les choses qui sont indiquées plus bas, à savoir le monastère de la Vayssi avec ses appartenances, item les mas de la Grangeta, de Palutz, de las Andas, de Lasbro, de la Gonsonia, de Palnes, de Frigidofonte, de Brumassanghas, de Cachafau, del Joanil, de la Noghairola, de Cossac, de Lacu, de Brossos, de Verchaletz, et le mas de Longha-Chalm qui jadis fut la propriété de sire Gerauld de Chanterelles, avec les droits et toutes les dépendances desdits mas, item les domaines ou tenures de las Pruneyras, de Bonnoza, de Chaparogha, de Chapsalvanda, et le domaine de la Pruneyra que détiennent les Arzileyr avec ses droits et les dépendances desdits domaines et tenures, item les tenures que nous avons dans la montagne de Lacu Chanet et celles que tiennent de nous Jean et Géraud Esparveyrs dans l’endroit et les appartenances du hameau de Picharanda, item les tenures et les choses que nous avons dans le hameau del Montbeliart, item tous les cens et rentes et tous les droits que nous possédons et avons coutume de percevoir sur la terre et sous la terre et juridiction dudit seigneur de La Tour.

« Nous reconnaissons également que toutes les choses qui précédent sont et ont été d’ancienneté en la garde et sous la bonne garde, ou la puissance et dépendance dudit seigneur de La Tour et de ses prédécesseurs, et que c’est par ceux-ci qu’a été fondé ledit monastère.

« Nous promettons de bonne foi ne rien faire et n’avoir rien fait à l’encontre de ce qui précède qui puisse diminuer et infirmer la validité à perpétuité des reconnaissances susdites, et nous renonçons par ce fait à l’exception de dol et en fait à l’action de lésion, de tromperie et d’erreur et à tous privilège, usage et coutume et à tout droit canonique et civil et au bénéfice du droit velléien[40] et au droit qui proclame nulle la renonciation faite d’une manière générale, laquelle renonciation nous voulons être aussi valable que si nous eussions » renoncé à chacun des droits en particulier. Nous consentons à pouvoir être rappelées à l’observation de ce qui précède par tout juge ecclésiastique ou séculier. En témoignage de quoi, nous avons apporté notre sceau, le seul dont nous nous servions, pour l’apposer sur les présentes lettres[41].

« Donné le vendredi avant la fête de Sainte-Foi, l’an du Seigneur treize-cent-deux. »

Les possessions du monastère de La Vassin étaient, comme on le voit, d’une certaine étendue au commencement du xive siècle ; de plus, la renonciation faite par les religieuses au bénéfice du sénatus-consulte velléien nous prouve qu’à cette époque l’abbaye était de droit écrit, c’est-à-dire régie par la loi romaine. Cette circonstance est digne d’être remarquée, car en Auvergne la plupart des couvents de femmes se virent dès le xiie siècle enlevés à la juridiction du droit romain pour être soumis par leurs suzerains au droit coutumier.

Favorisées par la puissance du glaive et par l’autorité de la force, les coutumes particulières, personnelles, territoriales avaient surgi de toutes parts) sortant de la bouche des baillis qui plantaient l’épée du seigneur en terre et disaient droit.

En face de ce grand ode romain, dû au génie du stoïcisme antique, devant ce droit écrit que l’Église avait en quelque sorte rendu chrétien en l’appelant, après la conquête des Franks, au secours des vaincus comme une sauvegarde et comme un principe de spiritualisme, le droit haineux, selon l’expression de Bouteiller[42], s’était levé, résolu à la lutte, et, soutenu par les barons, il gagnait tous les jours du terrain. À côté de La Vassin, Féniers, abbaye d’hommes, fondée par la Maison de Mercœur, obéissait aux coutumes. Dans la Haute-Auvergne, plusieurs monastères de femmes conservèrent le droit romain, tels que Saint-Jean-des-Buix, à Aurillac, Brageac, soumis aux Scorailles, Champagnac aux Sartiges[43].





V.


Bien qu’il ne reçût plus les restes mortels des principaux membres de la famille qui l’avait fondé, le monastère de La Vassin ne fut cependant pas oublié par les descendants de ses premiers maîtres. En outre, plusieurs des seigneurs de la province ne manquèrent pas de le comprendre, à différentes dates, dans la distribution de leurs largesses suprêmes.

Dans son testament de 1296, Robert III, comte de Clermont et d’Auvergne, donne à ce couvent la somme de dix livres une fois payée.

Dans un testament postérieur, en date de l’année 1302, le même Robert lui fait un legs de quinze cents livres tournois, avec stipulation qu’on diviserait cette somme pour les besoins de la communauté[44].

En 1317, par acte de dernières volontés passé le samedi après la fête de Saint-Géraud, Bernard VIII lègue à La Vassin cent sous payables chaque année à perpétuité, à prendre sur la leyde de La Tour. De plus, le testateur prescrit à sa fille et à son héritière, Delphine, femme d’Astorg d’Aurillac, d’acquitter, sans diminution, le legs que Bertrand III a fait précédemment aux religieuses de La Vassin, à savoir : une réfection de pain de la valeur de dix sols, à perpétuité, le lundi de chaque semaine, avant la messe. Il donne ensuite quarante sous par an aux mêmes religieuses, à l’intention de sa femme prédécédée, et enfin il ordonne qu’une réfection aura lieu dans l’abbaye, immédiatement après sa mort, avec recommandation que les convives ne l’oublient pas dans leurs prières[45].

Le couvent de Féniers, les églises de Saint-Saturnin, de Saint-Pardoux, de La Tour, de Soignes, de Chastreix et de Besse ont part aux libéralités du testateur, qui veut que les prêtres et les clercs de ces diverses localités fassent un repas l’année de son décès, et que les pauvres reçoivent l’aumône d’un pain de la valeur d’un denier, ou un denier en monnaie. Le repas et l’aumône en question devront être annoncés huit jours d’avance dans les endroits où ils auront lieu.

Bernard VIII mourut au mois de décembre 135. Quatre ans auparavant, en 1321, il avait permis ou Chapitre de la Cathédrale de Clermont de prendre les pierres de la chapelle de Vassivière, alors en ruine, pour bâtir l’église de Condat.

Baluze nous donne le texte de cette permission qui n’est pas sans intérêt pour l’histoire de Vassivière et qu’à cette considération nous traduisons ci-après :

« Nous, Bernard, seigneur de La Tour, à notre bailli de Besse, et à tous nos autres baillis et serviteurs, salut et n dilection.

« Nous voulons que vous sachiez et nous notifions à chacun de vous, qu’il nous plaît que le Chapitre de Clermont, pour la construction et l’édification de l’église de Compdat, prenne les pierres de Vassivière (Vassiveyra), dans lequel lieu le culte divin ne peut d’ailleurs être exercé, attendu qu’il n’y a absolument plus que des ruines et qu’il n’y a pas de revenus pour l’entretien d’un prêtre, cet endroit manquant de dotation et personne, pour le moment, d’après ce que nous voyons, ne voulant le doter ; d’autant que nous avons entendu dire par des personnes dignes de foi qu’il se commet en ce lieu et qu’il s’est commis dans les temps passés plusieurs choses profanes. C’est pourquoi nous ordonnons, mandons et prescrivons, sous peine, qu’aucun de vous n’empêche ledit Chapitre ou ses gens de prendre ces pierres et de les porter où elles seront nécessaires pour l’édification de l’église mentionnée. Et nous ne vouions pas moins que vous fassiez également connaître à ceux-là les causes précitées qui m’ont amené à faire au Chapitre en question la susdite concession. Donné et scellé de notre sceau, le vendredi, jour de la fête du bienheureux Denis, l’an du Seigneur 1321[46]. »

Vassivière ainsi dépouillé des pierres mêmes de ses ruines vit, d’après la tradition, une nouvelle chapelle s’élever peu après sur l’emplacement de l’ancienne. Ce second édifice fut, à ce que raconte Duchesne, renversé par les Anglais pendant la guerre de Cent Ans, vers l’année 1374[47].

En 1548, François de Monceaux, panetier de la reine Catherine de Médicis, résolut, pour satisfaire à un vœu, de reconstruire l’église qui existait autrefois sur la montagne et il obtint à cet effet des lettres patentes, datées de l’abbaye d’Ainay, à Lyon, au mois d’août 1548, par lesquelles la reine Catherine permettait de bàtir un oratoire à Vassivière qui se trouvait dans la mouvance de sa seigneurie de Ravel.

Le sire de Monceaux allait se mettre à l’œuvre et commencer les travaux d’édification, quand le curé et les luminiers de l’église Saint-André de Resse intervinrent et soulevèrent la revendication de droits antérieurs qu’ils prétendaient leur appartenir sur les ruines et l’emplacement de la première construction.

Leurs réclamations ayant été reconnues fondées, le panetier de la reine se désista de l’autorisation qui lui avait été précédemment accordée et subrogea les luminiers dans ses droits de réédification.

Catherine de Médicis ratifia et homologua cette subrogation le 5 novembre 1519. Voici Ta copie textuelle de cette homologation que nous avons trouvée dans un amas de vieux papiers, dans les greniers de la mairie de Besse :

« Catherine, par la grâce de Dieu, reine de France, comtesse de Bologne, de Clermont et d’Auvergne, dame de La Tour, à tous ceux qui les présentes lettres verront, salut.

« Nos chers et amés les curés et luminiers de l’église paroissiale de Saint-André de notre ville de Fesse, nous ont fait dire et remontrer que, par nos lettres patentes en forme de charte, délivrées à l’abbaye d’Ainay-lès-Lyon, au mois d’aoust 1548, sur remonstration à nous faicte, par Français de Monceaulx, sr de Besse, un de nos panetiers, qu’il estoit en dévotion de édiffier une chapelle en la montagne de la Vassivière, en notre terre de Ravel, à l’endroict de ladite montagne auquel il y a une croix de pierre, une ymage de la Vierge Marie, Mère de Notre Seigneur, une belle fontaine, icelle chapelle fonder à l’honneur de Ladite Dame, de la doter par l’establissement d’un chapelain qui y célébrera la sainte Messe, nous aurions permis au dia de Monceaulx icelle chapelle édifier, fonder et de la doter, luy donnant et concédant et à ses successeurs et ayant cause tous les droicts que nous y avons et pouvons avoir sauf la supériorité de reconnaissance d’un denier France qu’il nous seroit tenu de payer chascun an à notre receptte dudit Ravel, taisant ou ignorant par le dict sieur de Monceaulx les droicts de prescription ordinaires que, à cause de la dicte chapelle appartenoient et estoient leurs et aportés par les dicts supplians à leur grand préjudice et dommage ; ce que despuis iccluy de Montceaulx entendant et reconnoissant la grande justice qui y avoient les dicts supplians, leur auroit entièrement cédé et transporté son dict droiet et toutes les concessions et permissions des susdictes par nous à luy faictes sous notre bon plaisir. Savoir faisons que nous désirant la conservation des droicts de nos sujets et ce mesmement qui peut concourir au bien et augmentation de l’église et entreténement du divin service avec fourniture de dévotion, lesdicts cession et transport ainsy faicts par susdict Fr. de Monceaulx aux dicts curés et luminiers du droict de permission qu’il avoit de nous d’édification, fondation et dotation de la dicte chapelle, avons homologué, ratifié, et approuvé, et par ces présentes, homologuons, ratifions et approuvons et avons pour agréable, permettons et concédons de nouvel à iceux curés et luminiers de Saint-André de Besse de faire constinuer de édifier, fonder et doter la dicte chapelle, tout ainsy que eust pu faire le dia de Monceaulx, en vertu de notre dicte permission ; leur donnons pour ce tous les droicts que nous y avons et pouvons avoir, sauf le dict droit de supériorité et reconnoissance d’ung denier qu’ils seront tenus de payer par chascun an en notre dicte recepite ordinaire de Ravel. Ordonnons en mandement de notre amé et féal conseiller de Grommer de notre dicte cour et aultres terres de la seigneurie d’au Chaix, au bailli de La Tour ou son lieutenant au chasteau de Ravel et à nos procureurs recepveurs en la dicte terre et tous aultres nos justiciers et subjects que de nos présentes ratifions la permission et concession d’édification, fondation et dotation de la dicte chapelle, iceulx fassent, souffrent et laissent les curés et luminiers de Saint-André et leurs successeurs jouir et user pleinement et paisiblement sans leu faire trouble, donner ni souffrir estre faict trouble, donner auscun empesebement, mais au contraire qu’ils remettent et fassent réparer et remettre justement au premier estat de vœu, car tel est notre plaisir, nonobstant les ordonnances et lettres à ce contraires.

« En témoin de ce nous avons faict mettre notre scel à ces présentes. Données à Paris le septiesme jour de novembre, l’an 1549[48]. »

La chapelle commencée en 1550 fut achevée en 1555, au mois de juin, ainsi que le porte l’inscription qu’on lit au-dessus de la porte d’entrée : Faict le sixième jour de iung l’an 1.5.5.5.

L’édifice fut restauré au siècle suivant. Nous lisons dans un marché passé le 28 août 1633 devant Ciadière, notaire royal à Fesse, entre Michel Fohet et Gilbert Lamothe, prêtres, luminiers et marguilliers de l’église Saint-André de Besse, Jean Fohet et Michel Passience, consuls, d’une part, et Jean Lenoir et Simon Puissouchet, maçons « architecteurs, tailleurs de pierres », d’autre part, le dit Lenoir habitant Clermont et le sr Puissouchet le lieu de Serre-Soutrane (Serre-Haut), paroisse de Besse : « les dits maçons et entrepreneurs seront tenus premièrement de démolir une voye de l’église de Vassivière qui s’en va en ruine, pour rétablir à neuf la dite voye, y bastir deux chapelles, l’un du costé du midy et l’autre du costé du septentrion et ensuite d’en faire la croupe de l’église à trois fasces et quinze pieds de long, comme anciennement. L’endroict où seront les dites chapelles sera de la mesme largeur que l’église est à présent. Seront tenus les dicts entrepreneurs de faire le rehaussement de l’œuvre susdicte à neuf, de la hauteur de six pieds plus haut que la voulte de l’église qui est de présent… Le prix faict et obligation accordé entre les partyes pour le prix et somme de deux mille sept cents livres, sera payable un tiers comptant avant commencer l’œuvre, pour bastir les fondemens et les élever hors de terre de la hauteur de six pieds au moins, l’autre tiers pour rehausser la dicte oeuvre de pierres de taille d’autre douze pieds, et l’autre tiers, comme dernier payement, après la besoigne faicte[49]. »

M. Boëtte, conseiller à la Cour des Aides à Clermont, donna 1500 livres pour la construction de l’une des chapelles projetées. Le registre des actes de baptêmes de la paroisse de Besse, de l’année 1636, porte la note suivante écrite par le vicaire Prades : « Le neufviesme juillet mil-six-cent-trente-six fust commencée la voulte de la chappelle de Monsieur Boitte, conseiller pour le Roy en la Cour souveraine des Aydes à Clermont-Ferrant, ladite chapelle dédiée à sainct Joseph. Les armoiries dud. sr Boitte sont à la clef de lad. voulte, y ayant esté attachées par M. Simon Pissouchet le 21 d’oust au dict an. Le dict sr Boitte et Mademoiselle sa femme présens[50]. »

Un peu plus bas on lit cette mention : « Le 13 septembre 1636 on a commencé de célébrer la saincte Messe au grand autel de N. D. de Vassivière, y ayant un autel portatif. »

La marquise de Canillac, née Catherine Martel du Tréfort, donna 700 livres pour la chapelle du Midi.

Par acte reçu Cladière, les héritiers des entrepreneurs Lenoir et Puissouchet qui tous les deux étaient décédés depuis le commencement des travaux, donnèrent aux marguilliers de liesse quittance finale le 18 juin 1640, du prix convenu dans le marché du 28 août 1633[51].





VI.


La chapelle de Vassivière est voisine de La Vassin : c’est pour cela que nous avons cru devoir, en passant, rendre hommage à l’antiquité de ce pèlerinage, en reproduisant ou en citant quelques documents qui le concernent et qui sont presque tous inédits[52]. Nous allons maintenant reprendre la chronique de notre abbaye, continuer de rechercher son passé, nous efforcer de suivre à travers les siècles le fil bien souvent interrompu de son histoire.

Pendant quelque temps encore nous trouverons La Vassin mentionné dans les testaments de sires de La Tour et des autres seigneurs d’Auvergne, puis les guerres avec l’étranger et les discordes intérieures survenant plus nombreuses et plus terribles, le silence se fera sur notre couvent, silence profond, impénétrable, qui durera pendant plus de deux cents ans.

Par son testament, en date du 6 août 1328, Bertrand de La Tour, seigneur d’Olliergues et de Murat-le-Quayre, fils de Bertrand III et frère de Bernard VIII, fit au monastère un legs de 40 livres, une fois payé[53].

En 1332, Guillaume XII, comte d’Auvergne et de Boulogne, légua à son tour 20 livres tournois, pour des prières à dire chaque année, le jour anniversaire de son décès[54].

Enfin, le 11 juin 1340, pur acte de dernières volontés, Jean, comte de Clermont, dauphin d’Auvergne, fit don aux Cisterciennes de 30 livres tournois, destinées à l’achat de trois setiers de froment qui devaient leur étre distribués chaque année, le jour anniversaire de la mort du testateur : « Et nous voulons, porte le testament, que tant que sera différé le paiement de ces trente livres tournois, notre héritier universel (Beraud de Mercœur), paye et soit tenu de payer chaque année au dit couvent les trois setiers de froment, jusqu’au jour où il versera les trente livres tournois[55]. »

Vers la même époque, en l’année 1341, par acte reçu Bouschet, le mardi après la fête de saint Mathieu, apôtre, le sire de Chauderasse, seigneur et baron de Crestes, faisait donation à l’abbaye de La Vassin de la terre de Prady, située dans sa baronnie, et le donateur se retenait la suzeraineté du fief ainsi concédé[56].

C’était, d’ailleurs, presque toujours sous condition de vassalité qu’étaient faites les donations foncières, aux temps de la féodalité. Par l’effet du contrat féodal, la propriété entière ; le dominium plenum, le jus integrum se divisait : le bénéficiaire, feudataire ou censitaire[57], recevait le domaine utile dont les profits consistaient dans les produits du sol ; le donateur se réservait le domaine direct, auquel étaient attachées les obligations ou redevances du feudataire, mais en réalité le possesseur du domaine direct était le seul propriétaire.

Le feudataire avait la faculté de sous-inféoder le domaine servant. Le seigneur était dit dominant à l’égard de son vassal immédiat, suzerain à l’égard de son arrière-vassal. La sous-inféodation ne lui faisait pas perdre sa directe sur les terres engagées, mais les mutations qui s’opéraient dans les sous-inféodations n’existaient pas à ses yeux.

Les religieuses de La Vassin avaient ainsi reçu le domaine direct des terres que leur avaient octroyées les seigneurs de La Tour, elle sire de Chauderasse leur inféoda pareillement le mas de Prady, à charge d’une redevance annuelle et perpétuelle de trois setiers de froment, une émine d’avoine et une poule, le tout payable au mois d’août, le jour de la fête de saint Julien, et aussi à charge d’avouer le fief toutes les fois qu’elles en seraient requises.





VII.


Grâce aux donations et aux legs que lui faisaient généreusement les grands et petits tenanciers de l’Auvergne, La Vassin prospérait et bon nombre de jeunes filles appartenant à de nobles et riches familles venaient s’y consacrer à Dieu.

La maison de La Tour lui donnait parfois des abbesses et, sous le gouvernement de femmes d’élite et de tant lignage, l’abbaye prenait du renom et un développement relativement important. C’est ainsi qu’une de La Tour que les autpurs du Gallim Chrùdana indiquent comme ayant été abbesse avant 1350 et qu’ils placent avant Casielione, fit construire la grande porte de l’église[58]

Après elle, une de Trégnolles eut la crosse abbatiale et Aimodie, citée dans la charte de Montaigut, fut élue le jour de Sainte-Lucie, eu l’année 1350[59].

Dès le milieu du xive siècle nous ne voyons plus de libéralités faites par les grands barons au profit de l’abbaye : les malheurs de l’invasion étrangère, les troubles des guerres civiles arrêtèrent les progrès jusqu’alors continus des établissements religieux.

C’est qu’en effet une lamentable et désastreuse période s’ouvre en 1328 avec l’avènement du premier Valois pour se terminer plus d’un siècle après, en 1453, par la victoire de Castillon.

La défaite de Crécy, le désastre de Poitiers, la captivité du roi Jean, les dévastations commises par les grandes compagnies et enfin la malheureuse bataille d’Azincourt sont autant d’épisodes qui ajoutent quelque chose de plus aux douleurs de la patrie déchirée par les factions.

L’Auvergne eut particulièrement à souffrir de tous ces malheurs publics. Le souvenir du passage de l’armée anglaise et des ravages qu’elle exerça chez nous dans la fatale année de 1356, a été conservé par Froissard qui, dans ses Chroniques, raconte les tribulations de notre province : « Si ardoient, dit cet historien, et exiloient tout le pays, quant et eulx, chevauchant à leur ayse et trouvant le pays d’Auvergne moult gras et rempli de tous biens… Et quand ils estoient entrés dans une ville et qu’ils la trouvoient pourveue de tous biens et qu’ils s’y estoient refreschis deux jours ou trois, ils s’en partoient, ils exiloient le demourant et défonssoient tonneaux pleins de vin et ardoient bleds et avenes et anltre chose afin que leurs ennemis n’en eussent amendement[60]. »

Les Anglais, sous la conduite du Prince-Noir, marchaient alors sur Poitiers et peu de temps après, à Mautpertuis, le fils du vainqueur de Crécy détruisait la brillante armée du roi Jean.

Parmi les chevaliers auvergnats qui, dans cette mémorable journée, combattirent vaillamment aux côtés du roi de France, le noble suzerain des dames de La Vassin, Bertrand IV de La Tour, se distingua au premier rang. En 1360, il eut l’honneur d’être l’un des otages envoyés en Angleterre pour l’élargissement du royal prisonnier du traître Denis de Morbecque.

Puis, ce furent les compagnons, les routiers anglais et Français qui apparurent en Auvergne et couvrirent nos campagnes, se faisant un jeu de tous les excès, votant, massacrant, blasphémant, n’épargnant ni les vieillards, ni les enfants, ni les monastères, ni les églises, marquant leur route avec du sang et des cendres, ravageant les plus humbles villages pour le seul plaisir de la destruction.

On prêcha une croisade contre les grandes compagnies. Le pape Urbain V les excommunia en 1365. Dans toutes les églises on fit des prières publiques pour demander au ciel la délivrance de ce fléau ; des hymnes furent composés à la même intention[61].

Les Allemands et les Brabançons fournissaient la plupart des recrues à ces bandes qui reçurent de la terreur populaire les plus étranges qualifications : Mange-bacon, croquants, retondeurs, tard-venus, mauvais garçons, guetteurs de chemins.

Dans ces temps d’accablement suprême, le tiers-état, on ne saurait trop le répéter, déploya un admirable patriotisme et prit la plus large part à la défense du sol natal. La foule des plébéiens ressentit vivement la honte de l’invasion, et le vilain des villes et des campagnes fut le premier à accourir pour la défense de la patrie.

Les milices communales, qui avaient jadis à Bouvines arrêté la grande invasion germanique, se montrèrent héroïques et prouvèrent d’une manière éclatante qu’elles n’avaient pas déchu de leur antique vaillance. Le peuple, pour repousser l’étranger, ne marchanda ni son argent, ni son sang ; les états des provinces firent d’immenses sacrifices pécuniaires, tout en provoquant des levées considérables de défenseurs.

Lorsqu’après le traité de Troyes, la Fronce eut été livrée aux Anglais ; lorsque, seul représentant de la nationalité française, le dauphin Charles errait, délaissé et sans appui, au-delà de la Loire, privé des trois quarts de son royaume, ce fut une fille du peuple qui apparut tout à coup comme la personnification vivante du grand mouvement national, et Jeanne d’Arc sauva la monarchie et la France.

Depuis la bataille de Poitiers jusqu’à la paix de Brétigny, les grandes compagnies occupèrent l’Auvergne. Dans le but de débarrasser ses états d’aussi redoutables garnisaires, Charles V résolut de les expatrier. Henri de Transtamarre disputait alors la couronne de Castille à son frère don Pèdre le Cruel. Le roi de France traita avec les compagnons et les envoya, sous le commandement de Duguesclin, au secours de don Henri, en 1362.

Bertrand de La Tour, l’ancien ôtage de Jean-le-Bon, accompagna l’illustre chef breton dans son expédition au-delà des Pyrénées. De retour en Auvergne, et ses finances se trouvant quelque peu épuisées, par suite de ses nombreuses pérégrinations, Bertrand emprunta aux consuls et habitants de Besse la somme de cinquante florins d’or, et en échange il confirma les privilèges et bonnes coutumes de la ville[62].

Expulsês à prix d’argent de notre province, les routiers revinrent lorsque la guerre se ralluma avec l’Angleterre, en 1370. Des bandes dévastatrices parcoururent les montagnes, mettant tout à feu et à sang. Les villes ouvertes, les bourgs et les monastères dépourvus d’enceinte fortifiée eurent principalement à souffrir.

Nous ne savons si La Vassin put se protéger contre les incursions des ennemis, mais nous voyons la ville de Besse, sa voisine, obtenir à cette époque de Guy de La Tour la permission d’édifier à côté de l’église une grande et haute tour carrée, avec des murs de l’épaisseur de « deux toises et demie, » afin que cette tour pût servir de refuge aux habitants.

La permission fut accordée par lettres données die Jovis post festum beatæ fidis anno Domini millisimo trecentesimo septuagesimo, et le même Guy octroya en même temps aux gens de Besse la licence de construire un autre fort qui comprendrait dans son enceinte l’église et le château seigneurial[63].





VIII.


On comprend combien devait être misérable et précaire, au milieu de tant d’agitations et de troubles, la situation d’un monastère de femmes éloigné de tout secours et de toute protection.

Les religieuses obtenaient bien de la royauté, comme les bourgeois, la permission de fortifier leurs maisons, de les entourer de « murs, fossés, palissades, ponts-levis, portaux et barbacanes[64], mais ces fortifications ne suffisaient pas toujours à arrêter les envahisseurs, et les obstacles vaincus, la rage des assiégeants devenus maîtres de la place n’était que plus terrible.

Néanmoins, les mauvais jours passèrent. Au xve siècle, l’abbaye de La Vassin, à en juger par les noms de ses abbesses, était florissante et comptait parmi les grands établissements religieux de l’Auvergne.

Annette de Tinières qui, en 1142, était à la tête de la communauté, appartenait à une très-ancienne famille qui paraît avoir possédé le fief de Rioux, près de Saint-Pierre-Roche. Dans une charte du 28 septembre de l’année précitée, nous voyons Annette de Tinières conférer la vicairie de l’église de Prades à un prêtre nommé David[65].

Plus tard, Jacqueline de La Tour, sœur de Jean de La Tour, seigneur de Montgascon, gouverna l’abbaye. Elle avait fait profession à La Vassin en 1482, et devint abbesse quelques années après[66].

Cependant, les pillages des routiers, les courses des Gascons et des Anglais, n’étaient pour ainsi dire que les préludes des effroyables dévastations du calvinisme au xvie siècle.

Pendant le carême de 1510, un jacobin d’Allemagne annonça le premier dans notre pays la parole nouvelle, et, jetée du haut de la chaire de Saint-Paul d’lssoire, cette parole se propagea bientôt dans la province, y semant la division et la haine et préparant la guerre civile avec ses atroces et réciproques vengeances.

Les férocités que commirent en Auvergne les soldats de Merle et des autres chefs huguenots sont innombrables et inouïes. Ils surent découvrir les retraites les plus cachées, ils se montrèrent dans les solitudes les plus étroites, amoncelant ruines sur ruines, pleins d’une rage aveugle de destruction.

C’est ainsi que sous l’abbatiat d’Hélène de Chahannes-Curton qui avait succédé vers 1560 à Antoinette de la Roche-Aymon, abbesse depuis l’année 1541[67], les calvinistes firent irruption dans le paisible vallon de La Vassin, mirent le feu au couvent, massacrèrent ou dispersèrent les religieuses et se livrèrent à toutes Les profanations[68].

De stupides iconoclastes brisèrent les effigies de tous ces nobles sires, de toutes ces grandes dames étendus côte à côte, sur de magnifiques monuments sculptés ; des bras impies fouillèrent leurs tombes pour chercher de l’or et des trésors ; leurs cendres exhumées furent jetées au vent.

Après avoir promené à La Venin la dévastation et l’incendie, répouvante et la mort, les huguenots se retirèrent, mais les coups qu’ils avaient portés à l’abbaye l’avaient profondément ébranlée. Ses hôtes avaient été exterminées ou dispersées ; il n’y avait plus que des ruines fumantes ; l’ancienne fondation des seigneurs de La Tour semblait anéantie.

Le monastère se releva néanmoins, mais il fallut du temps et de persévérants efforts. La maison de Chabannes, qui a donné un grand nombre d’abbesses à La Vassin, contribua puissamment à sa restauration.

D’origine ancienne et occupant depuis longtemps les plus hautes fonctions de l’État, la famille de Chabannes était fort riche et des mieux apparentées. Ses membres jouissaient héréditairement, depuis le règne de Louis XI, du titre de cousins du roi. Ce titre leur fut confirmé à diverses reprises et en dernier lieu le 2 août 1769, par un brevet de Louis XV, donné à Compiègne. Les abbesses de La Vassin appartenaient à la branche dite de Curton, fixée dès le xiie siècle dans le Bas-Limousin, lors du mariage, en 1171, d’Eschivat de Chabanais avec Matabrune de Ventadour, veuve du vicomte d’Aubusson, qui apporta en dot la terre de Charlus-le-Paillouz, près Ussel[69].

Hélène de Chabannes, issue du second mariage de Joachim de Chabannes, baron de Curton, avec Louise de Pompadour, mourut abbesse de La Vassin en 1580[70] Sa nièce, Michelle de Cabannes, qui avait fait profession au couvent du Pont-des-Dames, lui succéda dans sa dignité et mourut au commencement du xviie siècle. Elle fut enterrée dans l’église du monastère, devant le chœur, du côté de l’Évangile[71].





IX.


Autant le xvie siècle fut désastreux pour l’Église, autant le xvii- siècle lui deviendra glorieux. Des réformes dirigées avec humilité et science prospéreront ; de jeunes et robustes branches viendront se greffer sur le vieux tronc monastique, et si en Espagne les fondations de sainte Thérèse et de saint Ignace, en Italie les tentatives de saint Charles Borromée ont déjà donné le signal du grand effort qui devient nécessaire contre les ennemis du catholicisme, en France saint Vincent de Paul, saint François de Salles, madame de Chantai, le cardinal de Bérulle, le père Eudes et bien d’autres apparaissent comme les continuateurs de l’oeuvre de résistance.

Non-seulement des institutions nouvelles sont fondées, mais les anciennes constitutions cénobitiques elles-mêmes plus ou moins profondément atteintes par les troubles des siècles précédents, les antiques règles, telles que celles de Cluny et de Cîteaux, se ressentent du mouvement réformateur de l’époque.

La grande réforme bénédictine de Saint-Maur, introduite en France en 1618, favorisa puissamment l’élan religieux qui se manifestait de toutes parts dans le royaume. Les mesures hardies et radicales n’arrêtèrent point certains novateurs, et l’on vit l’abbé de Rancé, ce moine sublime, digne de la laure des Pacôme ou de la grotte des Antoine, on vit l’abbé de Rancé inculquer aux Cisterciens de la Trappe les plus purs principes monastiques et leur communiquer la ferveur du premier Clairvaux.

Cependant, il faut le dire, tous les monastères de Cîteaux ne reçurent pas la réforme d’une manière aussi complète que la maison de la Trappe. Par un bref du 8 avril 1022, le pape Grégoire XV avait chargé le cardinal de la Rochefoucault de procéder à la révision des statuts de l’ordre, mais, dans l’exécution de son mandat, le cardinal trouva une vive résistance de la part de L’abbé de Cîteaux et du Chapitre général[72]. Il y eut dès lors entre les abbayes cisterciennes dites de la commune observance et celles qu’on appelait de l’étroite observance, une longue et pénible lutte qui se poursuivant avec des alternatives de victoires et de défaites des deux côtés, fut enfin, terminée en 1666 par le pape Alexandre VII qui promulgua de nouvelles constitutions révisées[73].

Presqu’entièrement conformes à la règle de Saint-Benoît, ces constitutions portaient spécialement sur l’organisation jntérieure, sur la vie intime des cloîtres ; elles ramenaient l’unité, la régularité d’existence, mais elles ne pouvaient donner un nouvel essor à l’ordre auquel elles étaient destinées : le Concordat de 1516, en privant les communautés religieuses du droit d’élire leurs supérieurs pour les forcer a recevoir un chef nommé par le roi, avait enlevé à Cîteaux, comme à tous les autres ordres monastiques, les principes essentiels de vitalité : l’autonomie et l’indépendance[74].

Les Bernardines de La Vassin, dans la lutte qui précéda le bref du 19 avril 1666, s’étaient rangées du côté de l’étroite observance, et tandis que beaucoup d’autres abbayes de femmes avaient laissé pénétrer dans la vie claustrale les mollesses et les langueurs du monde, tandis que les Cisterciennes de Tart, en Bourgogne, presque sécularisées, portaient des corsages ouverts, des robes et des scapulaires de soie[75], les hôtes de notre monastère observèrent toujours d’une façon rigoureuse les pratiques et les abstinences prescrites.

Sans doute, elles usèrent de la permission accordée dès Pannée 1485 par le Chapitre général de manger de la viande, les dimanche, mardi et jeudi, permission accordée par une bulle du pape Sixte IV, en 1415[76], mais elles conservèrent une existence humble et solitaire et toujours vêtues, selon le statuts, d’une robe blanche avec scapulaire et ceinture de couleur noire ; elles durent bannir le luxe de leur personne et garder les austérités monacales.

Dans le monastère résidait un confesseur on chapelain appartenant le plus souvent à l’ordre et nommé par l’abbé de Cîteaux. En cas d’urgente nécessité, ce chapelain exerçait le ministère dans les villages voisins de l’abbaye ; il avait également, en pareil cas, le droit de recevoir et de rédiger les testaments.

Nous puisons ces renseignements dans l’intitulé d’un testament, en date du 28 mai 1622, qui commence ainsi : Aujourd’huy, vingt-huitième jour du mois de mai mil-six-cent-vingt-deux, nous Me Anay Pezdior, rostre de la paroisse de Champs, diocèse de Clermont, demeurant à présent et servant de chappelain en l’abbaye de la Vissy déclairons et certiffions avoir été appeilé et employé de la part de Simon Couvail, habitant du villaige de la Grangette, en la paroisse de Sainct-Donat, ce villaige proche ladicte abbaye et église de la Vissy, pour entendre ledict Couvail en confession et luy administrer le sainct sacremen de lvEucharystie en cas de nécessité et croyant n’avoir point tems suffizant pour avoir recours aux Srs vicaires de ladicte paroisse de Sainct-Donat, ce qu’ayant faict par l’advis de la dame abbesse des dames religieuses de ladicte abbaye, craignantz que ledict Couvait fust presvenu de la mort sans estre adsisté des saincts sacremens de l’Églize, et après les luy avoir administrés estant dans son lict, il nous a déclaré ester et disposer de ses biens devant nous, en deffaut des notaires, suivant les ordonnances royalles et suivant la permission à nous donnée par lesdics sieurs vicaires, en cas de nécessité de villaiges proches de ladicte abbaye de la Vissy et éloignés dudict lieu et église de Sainct-Donat[77].





X.


Michelle de Mons, dont nous voyons le nom dans un titre du 16 novembre 1611, remplaça Michelle Chabannes dans l’administration du couvent[78].

D’après ce titre, qui est une reconnaissance du fief de Prady au profit des sires de Chauderasse, il semblerait qu’il n’y avait à cette époque que deux religieuses dans l’abbaye : Sara de Montagnac et Jeanne de la Salle. Cette reconnaissance est ainsi conçue : « Personnellement estably noble et révérende dame Michelle Bernons, abbesse de la Veyssie, laquelle de son bon gré, en sa dicte qualité d’abbesse et au nom de la dicte abbaye et couvent de la Veyssie, convenant en main pour dames relligieuses personnes Scanne de la Salle et Sara de Montagnac, relligieuses dudict convent de l’ordre de Cisteaux, auxquelles a promis faire rattifier touttes fois quantes qu’elle en sera requise, recogneu et confessé elle et ses prédécesseuzes abbesses et relligieuses dudict La Veyssie, tenir, porter et pocedder, avoir tenu, porté et poccédé de tous tems et d’antiennetté de noble Marc de Chauderasse, seigneur et baron de Crestes… sçavoir : la maison de Prady avecq les paschers et te communal attenant à la dicte maison, le champ dessoubs la dicte maizon qui est soubz la voye et rue commune et au-dessus, qui s’appelle le champ du Crozet, aussy les champs qui sont du chemin par lequel l’on va à sçavoir à Champeix et qui sont sur la rue jusques aux champs apelés des Chazis… et de la champ de Prady jusques au champs de las Saignettes et retourne du dict lieu par le bord du chemin appelé Dalmas jusques à Pêjoulade. »

Plus la dicte dame a recogneu et confessé, prenant en main comme dessus tenir, porter et pocedder du dict seigneur de Crestes et des siens en franc fief et hommaige et fidellité de la bouche et de la main tout ce que la dicte dame et convent tiennent et proceddent des champs dicts et appelés des Chazis jusques à Crestes, comme aussy ce qu’elles poceddent dan le lieu et ténement de Crestes…[79]. »

Michelle de Mous était encore à la tête du monastère en 1620. Dans un acte de vente du 12 novembre de cette année, elle s’intitule abbesse de la Vissy, prieure de Riom-ès-montagnes et de Saint-Jean de Prady[80]. Le prieuré de Riom-ès-montagnes dépendait, en effet, de l’abbaye de La Vassin qui avait droit de nomination à la Cure dite de Saint-Georges, du même lieu[81]. Quant au prieuré de Prady, près de Crestes, les religieuses en jouissaient, parce qu’il était situé sur le domaine qu’elles tenaient en fiel des sires de Chauderasse.

En 1622, un terrible incendie éclata à La Vassin et y causa des dommages considérables. À peine avait-on achevé de réparer les bâtiments atteints que les flammes consumèrent de nouveau, en 1631, une bonne partie du couvent[82]. Presque tous les titres et papiers disparurent dans ces deux sinistres[83]. Ce qui restait d’archives, après les destructions des huguenots et l’incendie de 1622, fut peu près complètement détruit dans le désastre de 1631. On s’explique ainsi la rareté des documents concernant le monastère et l’obscurité qui règne sur son histoire[84].

En 1645, la crosse abbatiale était aux mains d’Élisabeth de Chabannes, qui vers 1660, quitta La Vassin pour aller prendre le gouvernement de l’abbaye de l’Esclache dépendant également de Cîteaux. Atteinte d’hydroposie, Elisabeth ou Isabeau de Chabannes revint dans son premier couvent à la fin du mois de décembre 1662, et y mourut le 3 mai de l’année suivante[85].

Françoise de Chabannes, fille de Christophe et de Gabrielle-Françoise de Rivoire du Palais, avait remplacé comme abbesse sa tante Élisabeth, lorsque celle-ci partit pour l’Esclache. Sous l’habile et sage administration de cette femme à la haute et terme intelligence, l’antique fondation de la maison de La Tour j eut des jours de véritable prospérité, et arriva pour ainsi dire à l’apogée de sa splendeur.

Pendant les trente ans que Françoise de Chabannes régit la communauté, le nombre des religieuses s’accrut d’une façon notable, les possessions territoriales s’étendirent, de grands travaux de restauration furent accomplis.

Quelques baux à ferme, concernant les domaines de l’abbaye et consentis sous l’abbatiat de Françoise de Chabannes, témoignent des améliorations opérées.

Le domaine de Çoudert qui, en 1659, n’avait qu’un cheptel de vingt bêtes à cornes, possède en 1668 quatre paires de bœufs valant 266 livres, trente vaches, une jument du prix de 37 livres, et quatre « bourrettes raisonnables. » Le prix de ferme s’élève à 460 livres, 2 quintaux de beurre et « une vinade en Auvergne et en Limosin[86]. »

Françoise de Chabannes mourut le 20 janvier 1690. Sa sœur, Élisabeth, qui était entrée dans le monastère à l’âge de six ans et avait pris l’habit à l’âge de dix ans, fut, le 23 avril 1690, investie du titre d’abbesse par le roi, et une bulle du pape Innocent XII, donnée à Rome, à Sainte-Marie-Majeure le 3 janvier 1691, ratifia la nomination royale[87].

Élisabeth de Chabannes fut installée avec un certain apparat. L’abbé de Bonnaigue, chapelain, qui avait dans la communauté des membres de sa famille[88], présida la cérémonie et prononça un discours qui a été conservé et dont voici le texte :


« Madame

« La dignité dont vous avez été revêtue par l’autorité du roi et du Saint-Siège et dont nous avons l’honneur de vous mettre en possession, était due à votre naissance et à votre mérites La sagesse éternelle l’avait ainsi ordonné ; elle vous avait choisie dans les jours de sa miséricorde et de sa justice : c’est à vous, Madame, à remplir les desseins de Dieu et à combler nos vœux et nos espérances.

» Vous êtes née avec des sentiments d’honneur ; ils sont héréditaires dans votre famille ; mais vous avez été nourrie et élevée dès votre enfance dans le sein de la religion, vous en avez constamment pratiqué les saints exercices et les vertus les plus héroïques : c’est ce qui attire nos respects et augmente notre confiance. »

» Notre saint législateur en décrivant les qualités que doit avoir une abbesse, nous a tracé par avance votre portrait et, en prescrivant les règles de la conduite qu’elle doit tenir, il nous a prévenus sur celle que nous admirons déjà en vous.

» Ce saint veut qu’une abbesse se regarde comme tenant la place de Jésus-Christ, qu’ayant reçu l’esprit d’adoption, elle le communique à ses filles, afin que dans l’abondance de leur cœur elles s’écrient : Notre abbesse, notre chère Mère, c’est par vous que nous ressentons les avant-goûts de la félicité ; c’est aussi de vous que nous attendons notre consolation dans nos peines !

» Nous ne doutons point, Madame, qu’en cette qualité vous ne serviez d’exempte et que vous ne soyez également puissante en œuvres et en paroles, vous ne craindrez point ce reproche du Saint-Esprit dans le Prophète-Roi : Pourquoi annoncez-vous les œuvres de ma justice ? Pourquoi proférez-vous de votre bouche les oracles de ma loi, tandis que vous négligez le bon ordre et que vous devenez infidèle à ma doctrine ? Non, non, Madame, ces reproches ne sont pas faits pour vous. Vous serez un miroir éclatant des observances régulières, vos actions parleront pour vous, elles se feront entendre jusqu’au fond des cœurs : que dis-je ? elles élèveront leur voix jusqu’au trône de la Majesté suprême.

» Vous n’aurez, suivant le précepte de saint Benoît, vous n’aurez des prédilections et des préférences dans votre communauté que pour celles qui se distingueront par leur obéissance, leur humilité, leurs bonnes œuvres. Toujours la balance en main, vous userez tantôt de douceur, tantôt de sévérité ; vous ne dissimulerez point les abus, mais vous leur couperez racine dans leur naissance. Vous réprimerez la présomption des unes, vous supporterez la faiblesse des autres ; cri un mot, vous mettrez tout en usage pour conserver le précieux dépôt des âmes qui sont confiées à votre zèle et à votre charité.

» Maîtresse des biens temporels, vous les gouvernerez avec prudence, avec économie, sans vous méfier de la Providence, sans vous plaindre de la médiocrité.

» Vous vous souviendrez, Madame, que vous, vous êtes chargée d’un grand fardeau et que vous rendrez compte de l’un et de l’autre état de cette maison au terrible jugement de Dieu : mais ce qui ferait le trouble et la confusion de toute autre, fera votre gloire et le triomphe de la religion.

» C’est au milieu de vous, mes chères Sœurs, que le Seigneur u pris plaisir de former cette personne selon son cœur, si accomplie, si digne d’être placée sur vos têtes.

» C’est dans ! ces vues qu’il la retira à bonne heure du monde, de ce monde qui n’était pas digne de la posséder, pour lui donner un rang de prééminence dans le sanctuaire de son Église.

» Elle fera consister son bonheur à procurer le vôtre et à vous en assurer un plus durable. Rendons d’immortelles actions de grâces à Celui qui distribue à un chacun, selon son bon plaisir, les dons de la nature et de la grâce, mais qui les a tous abondamment réunis dans notre illustre abbesse. Elle ira de vertus en vertus, elle marchera à grands pas dans les voies de la perfection.

» Puissiez-vous, Madame, pour notre commune satisfaction, régner longtemps dans ce dévot monastère et recevoir encore la couronne de l’immortalité[89]. »

La Vassin, administré par Élisabeth de Chabannes, vit se continuer la prospérité que lui avait donnée la sage direction de la précédente abbesse.

En 1696, suivant contrat reçu Amblard, le 3 novembre, le monastère acheta à Charles de Trémeuge, écuyer, sieur de la Fosse et du Chaumay, habitant la paroisse de St-Hérent, près Aides, le domaine de Chabannes, situé dans les dépens douces de Saint-Donat.

En 1697, ce domaine était affermé moyennant le prix de « quatorze vingts livres, argent, cinquante livres de fourme, et une vinade pour une chascune des huict années, aux sieurs Pierre Barbat et Antoine Tournadre, laboureurs du lieu de Marchal[90].

Le 22 septembre 1699, l’abbesse signa un traité avec Guillaume Loubeix, curé de la paroisse de Creste, au sujet de la portion congrue. Par cet acte, il fut stipulé que le curé recevrait annuellement, à la Saint-Mathieu, la quantité de trois setiers de conseigle, mesure de Champeix, à condition qu’il ne réclamerait aucun droit sur le prieuré de Prady et sur l’église de ce prieuré.

Au moyen de cette transaction, le procès pendant entre les parties depuis l’année 1696 se trouva éteint[91].

D’après le Gallia Christiana, La Vassin comptait vingt religieuses en 1712[92]. Il n’y en avait plus que seize en 1723[93]. C’étaient : Mesdames de la Salle, Jeanne du

Puy-Germaud, Charpentier[94], Périer, de Charmay, Reymond, Jaëtz, de Fontanges, Auriel, de Mascon[95], du Sauzet, Sauvat, Morin, du Crûs, de Mallesaigne. Élisabeth de Chabannes était encore abbesse en 1724[96] et Françoise de Chabannes remplissait les fonctions de coadjutrice.

D’après un état dressé le 18 janvier 1725 par M. de Mallesaigne, subdélégué à Bort et transmis à M. Bidé de la Grandville, intendant d’Auvergne, il y avait à cette date vingt-trois religieuses professes dans le couvent, sans comprendre l’abbesse et la coadjutrice et cinq sœurs converses. Point de novices. Quinze des religieuses avaient de 18 à 20 ans, huit de 35 à 45 ans et les autres de 50 à 60 ans. Ce document nous apprend, en outre, que l’abbaye n’était pas en commende mais en règle, que l’abbesse résidait dans sa communauté et que les revenus, s’élevant à 5,000 livres, environ, consistaient en :

1°. La dîme de Riom montant à 120 setiers de blé environ et 60 setiers d’avoine, avec dîme sur les agneaux ;

2°. Le domaine de Parran, paroisse de Champs, meublé de 18 vaches et où il se sème 18 septérées ;

3°. Le domaine de Coudert, paroisse de Trémouille, de 20 vaches et de 7 à 8 septérées semées ;

Gines, paroisse de Saint-Donat, contenant 20 vaches et à 8 septérées semées ;

Chabannes, même paroisse de Saint-Donat, avec 17 septérées et 8 à 9 vaches ;

6°. Prady, n’ayant d’autres revenus que le grain, soit 40 setiers.

« En tout, soixante-dix vaches ou environ qui, sur le pied de 20lt de revenu, plus le produit du grain partagé dans les domaines avec les métayers ; de quoi il faut déduire les charges. »

L’abbaye possédait, en outre, quelques parcelles de terres au village de la Bannut, ne formant pas un corps de domaine et rapportant quinze pistoles ; des prés dans le lieu de La Vassin, pour nourrir quatre paires de bœufs servant à charrier les bois et autres choses nécessaires à la communauté.

Les observations finales de M. de Mallesaigne sont celles-ci : « L’abbaye est en très-mauvais état ayant été brûlée depuis près de 80 ans et n’ayant pas été bien rétablie. Le surplus des bâtiments, savoir les granges et les maisons pour les métayers, a besoin de grandes réparations. Il est dû au monastère de 7 à 8,000 livres en principal. Tous ses revenus, y compris le grain, le produit des vaches et les créances, » sont de 5 à 6000 livres qui suffisent aux religieuses pour » vivre, par leur grande économie. Toutes s’habillent et s’entretiennent à leurs dépens et des pensions qu’elles ont[97]. »

Invité par le ministre à donner son, avis sur la situation matérielle des différentes communautés religieuses de sa province ; M. de la Grandville émet l’opinion, en 1728, que l’abbaye de t La Vassin n’est pas fort riche, mais qu’elle a de quoi subsister[98].

Le monastère était alors occupé par 24 religieuses de chœur, 2 postulantes, 6 converses, une dame retirée et 4 pensionnaires.

Nous voyons d’après un bail à ferme du domaine de Chabannes, reçu Barrier, notaire royal à Saignes, le 17 mars 1132, que l’ancienne coadjutrice, Françoise de Chabannes, possédait à ce moment l’abbaye[99]. Cette abbesse mourut vers 1742[100].

À Françoise de Chabannes succéda Marie de Mascon que des titres de 1747 nous indiquent comme étant alors abbesse[101].

Madame Élisabeth ou Isabeau de la Salle de Rochemaure eut ensuite l’abbaye.

Cette abbesse qui était entrée comme novice à La Vassin, à l’âge de quinze ans, le 19 novembre 1720, avec sa sœur Jeanne de la Salle, appartenait à une vieille famille des environs de Bort. Le fief de Rochemaure dont cette famille prenait le nom était situé dans la paroisse de La Nobre. Un La Salle de Rochemaure fut tué à la bataille de Cros-Rolland, près Issoire, dans les rangs des Ligueurs, le 14 mars 1590[102]. La maison de la Salle qui, pendant plus de deux siècles, fournit des religieuses à l’abbaye de La Vassin, n’était pas des plus fortunées Lorsque Jeanne et Élisabeth prirent le voile en 1720, leur frère François[103] s’engagea à verser à la

communauté une dot de 4,300 livres en trois paiements, savoir : 2,000lt le jour de la profession et le surplus dans le cours des deux années suivantes. Mais François de la Salle ne put, aux échéances fixées, remplir ses engagements et un traité fut conclu, le 14 septembre 1723, entre lui et le monastère, traité aux termes duquel l’obligation du 19 novembre 1720 fut convertie en une rente de 215 livres, payable le 18 octobre de chaque année[104].





XI.


Le gouvernement de Louis XV, ayant chargé les magistrats des sénéchaussées du royaume de recueillir des renseignements sur les titres de fondation des établissements religieux dans chaque province, et, en outre, de fournir des états détaillés des recettes et des dépenses de chacun de ces établissements, M. Dufraisse du Cheix, procureur du roi à Riom, se livra en Auvergne, vers 1759, à ce long et minutieux travail qui dura plusieurs années et parmi les documents qui lui furent transmis par les abbés, prieurs et abbesses des différents monastères, documents conservés aux archives du département du Puy-de-Dôme, nous trouvons la pièce suivante concernant La Vassin.


DOMAINES DE L’ABBAYE DE LA VASSIN

Vigier. — L’abbaye possède un domaine dans la paroisse de Chastreix du rapport de 
 840lt
Ce domaine est chargé de taille ou impositions 
 300
De cens et dîmes seigneuriaux ou fondations 
 90lt
Pour réparations 
 30

Gines. — L’abbaye a ce domaine dans la paroisse de Saint-Donat, du rapport, argent, de 
 500lt
Est chargé de taille et impositions pour 
 200
Cens dus à Besse 
 12
Réparations par an 
 25

Chabannes. — Plus un autre domaine dans la dite paroisse de Saint-Donat, du rapport de 
 240lt
Paye en taille ou impositions, ci 
 130
Cens, ci 
 3
Pour réparations 
 15

Coudert. — Un autre domaine dans la paroisse de Trémouille-et-Marchal, du rapport par an de 
 470lt
Taille, ci 
 200
Réparations, ci 
 20

Parrant. — Un autre domaine, dans la paroisse de Champs, qui est du rapport de 80 livres, argent, blé 26 septiers, Né noir 10 septiers, mesure de Bort et à raison de 4 quartons le septier.

Le tout quitte et après charges payées.

Pour réparations, ci 
 30lt

Prady. — De plus, un autre domaine à Prady, dans la paroisse de Crestes, qui est du rapport de 25 septiers, à raison de 8 quartons le septier, mesure de Champeix, quitte, après les charges payées. Pour les réparations par an, ci 
 20lt

Dîme à Riom-és-Montagnes. — À raison de 20 gerbes une, du rapport de 200 septiers, à raison de 8 quartons le septier, mesure de Riom. De plus, la dixme des agneaux à 10 un, pouvant y en avoir années communes 30, et la valeur 50 livres.

De plus, un pré que la dite abbaye a au dit Riom, du rapport de 80lt, et la charge pour l’abbaye de payer à M. le curé du dit Riom et à son secondaire 450lt de pension congrue par an, et la dite abbaye est obligée de payer pour la levée de la dixme par an 50lt.

L’abbaye. — Dans l’enclos d’icelle une écurie et grange et bâtiment, outre la maison de la dite abbaye qu’il faut entretenir de réparations ; autour, jardin, pré, du rapport commun de 40 chars de foin, 10 têtes, qui est pour l’estivage des bestiaux de la dite abbaye.

L’abbaye fait aussi valoir avec l’enclos du couvent un petit quarteron de biens et héritages dans Palot, même paroisse de Saint-Donat, limitrophe, à l’entour de l’abbaye, composé d’un petit bâtiment qu’il faut entretenir et la tenue de 4 vaches, du rapport du 40.

Il y n de plus dans l’enclos un moulin 5 farine.


DÉPENSES.


Pour M. le directeur et confesseur des dames, ci 
 100lt
Pour l’agent d’affaires, ci 
 100
Pour un jardinier, ci 
 45
Pour 4 valets pour faire valoir l’enclos, apporter du bois pour L l’entretien du couvent, 40lt de salaires par an, soit 
 160lt
Plus pour 3 messagers et gardes de bestail, chacun, 45lt 
 135lt
Plus pour 4 servantes avec la cuisinière, de salaires 15lt chacune, ci 
 60lt
Plus pour les gages et salaires du muletier, pour le service de la dite abbaye, à prix fait 
 200lt

Il faut du moins pour l’entretien de l’abbaye du blé pour cuire deux fours chaque semaine.

Plus 30 quartons de blé en aumônes que l’abbaye est tenue faire.

Faut observer que du moins est nécessaire pour le vin du dit couvent 300 livres.

Pour la viande, tant en bœufs, vaches, boucherie et veaux, moutons et pourceaux, il en faut du moins pour 1,000 livres.

Pour les fourmes qu’il faut aussi pour l’entretien, 12 quintaux, année commune, à 15 livres le quintal, ci 
 180lt
Plus il faut du moins du beurre pour 10 quintaux, à 30 le quintal, ci 
 300lt
Poisson, merluche, etc., ci 
 240
huile et pour l’église et chandelles, ci 
 100

Il faut aussi (aire les réparations à la dite abbaye qui sont du moins de 100lt par an.

Plus pour les gages du maréchal qui est dans la dite abbaye, ci 
 30lt

Comme la dite abbaye est faite sous autre maison et dans un vallon, il faut loger les étrangers qui ont à faire en la dite abbaye qui causent en icelle une dépense considérable.

La dite abbaye n’aurait pu subsister, si ce n’était les pensions de certaines religieuses qui n’ont point payé leur dot et ingrès en religionqui peuvent être par an à 700lt, et aussi les pensionnaires qui y sont.

Dans l’abbaye, il n’y a point de fondation ni aucuns titres. L’abbaye fut incendiée deux fois, il y a environ plus de cent ans.

Madame l’abbesse déclare que dans l’abbaye il y a des religieuses vingt-cinq professes et cinq sœurs converses, ce qui fait trente.

Il est dû à l’abbaye des cens et rentes avec directe, droits de lods en partie et sans justice.

Les droits et lods 3s 4d, argent 150lt. Blé, 17 quartons ; avoine, 47 septiers (le septier mesure de Latour). Plus une rente de 70lt ; moulin, 66lt.

L’état est signé et certifié par l’agent d’affaires du couvent, le sieur Lespinasse « agissant pour madame l’abbesse[105]. »

Ce document que nous avons reproduit d’une façon à peu près intégrale, à cause de l’intérêt qu’il présente, nous fait pénétrer dans la vie intime du monastère, en nous donnant le budget de ses recettes et de ses dépenses. Il nous apprend, en outre, que les Cisterciennes avaient des pensionnaires, des jeunes filles de famille qu’elles instruisaient et élevaient[106], et parmi celles-ci devait se trouver, sans doute, une demoiselle de Saint-Cyr, attendu que toutes les abbayes royales de femmes étaient tenues de recevoir gratuitement une élève de cette maison ou de se rédimer annuellement par une prestation en argent[107].

Élisabeth de La Salle, avant-dernière abbesse de La Vassin, encore vivante au moment de la Révolution, future administratrice habile, une gardienne vigilante des droits et des biens de son abbaye. Grâce à son énergique initiative, le patrimoine de la communauté s’accrut et récupéra ce qu’il avait perdu sous des abbesses moins soucieuses de la bonne gestion du temporel.

Les contestations qui s’étaient élevées à la fin du xviie siècle entre le curé de Crestes et le monastère se renouvelèrent sous l’abbatiat de madame de La Salle, en 1763.

Le curé, le sieur Faye, soutenait que les religieuses étaient tenues de lui payer la dîme, à cause des héritages qu’elles possédaient dans l’étendue de sa paroisse. Les dames de La Vassin répondaient qu’en vertu des privilèges accordés à l’ordre de Cîteaux, elles étaient exemptes des dîmes, et que bien mieux c’étaient elles qui avaient droit de dîme à Crestes et à Régnat, à cause de la chapelle existant dans le domaine de Prady et constituant un prieuré.

Le sieur Faye ayant objecté que ses adversaires ne pouvaient plus invoquer leurs privilèges, puisqu’elles y avaient implicitement renoncé cri s’engageant par des actes de 1703, 1729 et 1747 à fournir une certaine quantité de setiers de blé aux précédents curés, Les religieuses se décidèrent à transiger.

La transaction fut rédigée dans l’une des salles de l’abbaye par M. Baraduc, notaire à La Tour, le 21 juillet 1763. Les dames s’obligèrent à payer annuellement au sieur Faye et à ses successeurs, pour abonnement de dîme, la quantité de quatre setiers de blé conseigle, mesure de Fesse. L’acte ayant été signé par toutes les religieuses, nous voyons que la communauté était alors composée de mesdames de La Salle, abbesse, du Sauzet[108], prieure, de La Farge[109], Jaëtz, Morin, du Puy-Germoud, Sabatier, Mestas, d’Anglaret[110], de Chalus[111], Laurens[112], Tissonnière, Fayet[113].

Parmi les jeunes filles de famille précédemment religieuses à La Vassin, nous citerons Mlle de Bassignac qui prit le voile le 15 octobre 1731, Mlle de la Colombière, novice en 1741, Mlle Lafon, entrée le 6 octobre 1751[114].





XII.


Son procès avec le sieur Faye terminé, madame de La Salle rencontra un adversaire autrement redoutable que le curé de Crestes : le vicomte de Destine, seigneur de Plauzat, avec lequel elle eut des démêlés au sujet d’une dîme.

Par acte du 2 décembre 1701, Élisabeth de Chabannes avait aliéné au profit du vicomte de Beaune le droit de dîme que le couvent exerçait sur les grains, tant dans la paroisse de Plauzat, au territoire de Saint-Georges ou de Palloche, que dans la paroisse de Saint-Sandoux, sur les terres dites Papaix de la Garde.

Cette dîme était indivise entre les dames de La Vassin, le seigneur marquis de Plauzat et le Chapitre de l’église Cathédrale de Clermont.

La cession consentie par l’abbesse de Chabannes n’ayant pas été accompagnée de toutes les formalités voulues, la communauté attaqua en 1769 la validité de la vente, en demanda la nullité à la sénéchaussée de Riom, et le 22 décembre 1772 survint un arrêt qui déclara nulle l’aliénation du 2 décembre 1701.

Le vicomte de Destine interjeta appel de cette sentence, mais les conseillers en la sénéchaussée, après avoir entendu le rapport de M. du Troussel d’Héricourt, condamnèrent, le 20 juin 1777, le seigneur de Plauzat à remettre aux Cisterciennes le quart de la dîme du tènement de Palloche « pour en jouir par les dites abbesse et religieuses conformément et de la manière qu’elles en jouissaient avant l’acte du 2 décembre 1701[115]. »

Les frais occasionnés par le commencement de ce procès, joints à la cherté des vivres amenée par une désastreuse disette, avaient, paraît-il, singulièrement épuisé, en 1770, les ressources de l’abbaye, car dans l’acte d’ingrès de Françoise Burin des Rauziers, passé devant Me Moulin, notaire à La Tour, le 29 avril 1771, nous lisons que sur les 2,600 livres, montant de la dot de la nouvelle religieuse, 1,600 livres avaient été payées d’avance « à cause de l’extrême besoin et urgente nécessité où s’est trouvée l’abbaye l’année d’auparavant, 1770[116]. » L’acte en question est signé par Isabeau de La Salle, abbesse, Anne de Mascon, prieure, Marguerite d’Anglaret de Mallesaigne, cellérière, Scanne Jaëtz, première ancienne, Jeanne de La Salle de Puy-Germaud, Catherine Laurans, Marie Mestas, de Chalus, et enfin par dom Me Robert, directeur de l’abbaye[117].

Madame de La Salle eut des luttes nombreuses à soutenir pour la défense des biens de son monastère, elle eut des jours difficiles à traverser, mais elle montra constamment la plus grande énergie et une activité infatigable.

Un jour vint, cependant, où la vénérable abbesse chargée d’années, dut réclamer le secours d’une coadjutrice pour l’aider dans le pénible labeur que lui donnait l’administration de sa maison. À cet effet, elle fit venir auprès d’elle l’une de ses nièces, Marie-Madelaine de La Salle, religieuse à l’abbaye Notre-Dame, près de Romorantin, où Marie de La Salle, sœur aînée de Marie-Madeleine, exerçait les fonctions abbatiales.

La nouvelle coadjutrice de La Vassin était la fille de François de La Salle dont nous avons parlé plus haut et que nous avons vu figurer dans les actes d’ingrès de ses sœurs Jeanne et Elisabeth, en 1720 et en 1723. Elle était née au château de Rochemaure le 22 juillet 1137 et avait fait profession en 1758, à l’abbaye Notre-Dame[118]. Sa mère, Hélène de Courtilles, appartenait à une famille originaire du Berry ou de la Marche, implantée au xviie siècle en Auvergne[119].

À peine installée auprès de sa tante, dans le courant de l’année 1186, Madeleine de La Salle se vit aux prises avec les plus fâcheuses difficultés. Douée d’une vive imagination et toute remplie d’une belle ardeur pour ses nouvelles fonctions, la coadjutrice avait conçu le projet de restaurer l’antique monastère qu’elle était appelée à diriger. Elle voulait modifier certains règlements intérieurs, introduire plusieurs changements dans les pratiques administratives, et par ses soins un feudiste s’occupait à réviser sur place les anciens terriers.

Ces innovations ne furent pas goûtées par tout le monde et notamment par le chapelain du couvent, le sieur Bresson, qui ne tarda pas à créer de graves embarras à la coadjutrice et à son parti.

Une lutte sourde s’engagea, lutte opiniâtre et sans merci qu’entretint l’animosité de quelques religieuses qui avaient vu avec peine une étrangère venir prendre les rênes du gouvernement. Les hostilités ainsi engagées ne devaient pas tarder à devenir éclatantes. En effet, l’abbesse, la coadjutrice, la prieure et quelques autres dames déclarèrent un jour qu’elles ne pouvaient plus accorder leur confiance à l’aumônier et elles demandèrent un autre directeur à l’abbé de Cîteaux. En attendant le changement sollicité, les pénitentes rebelles firent venir pour les confesser tantôt un religieux de Féniers, tantôt le curé de Trémouille-Marchal.

Ainsi délaissé et réduit, pour ainsi dire, au rôle de chapelain in partibus, le sieur Bresson humilié ne se montra que plus ardent au combat. Les choses en vinrent au point que l’évêque de Clermont, Mgr de Bonal, dut se transporter sur les lieux pour tâcher de ramener un peu de calme dans les esprits[120].

L’abbé de Citeaux n’ayant pas répondu à la demande qui lui avait été faite d’un changement de directeur, l’évêque accorda aux religieuses la permission de prendre pour confesseur extraordinaire l’abbé Julhiard, curé de Morchal, et, cédant à la pression épiscopale, le sieur Bresson approuva cette permission.

Ce modus vivendi subsista quelque temps jusqu’à ce que le chapelain, voyant que les réclamations des religieuses n’aboutissaient point, résolut d’avoir le dernier mot dans cette affaire.

La veille de la Toussaint de l’année 1788, les dames se disposaient à se confesser à un religieux de Féniers, à défaut du curé de Marchal empêché. Elles étaient à l’église occupées à chanter matines, lorsque le chapelain survint brusquement et interrompant la psalmodie, apostropha ainsi la communauté : « Mesdames ! je vous défends de vous confesser au religieux, sous peine de nullité de confession et d’encourir les censures de l’ordre[121]. »

Or, les censures de l’ordre étaient l’excommunication majeure, et les lettres patentes délivrées par François Trouvé, abbé de Cîteaux, le 14 décembre 1785, prescrivaient formellement « sous peine de désobéissance, et des censures de l’ordre », de reconnaître et « d’honorer en qualité de père confesseur et directeur de l’abbaye le dit sieur Bresson. »

Ou conçoit dans quel trouble la violente sortie du père confesseur jeta les religieuses. La coadjutrice quitta immédiatement le chœur et vint exprimer à l’interrupteur tout le mécontentement que causait à la communauté sa conduite aussi étrange qu’arbitraire.

Le curé de Marchal, mandé en toute hâte par ses pénitentes, se vit refuser l’entrée du couvent par le terrible directeur. Alors, exaspérée, Madelaine de La Salie écrivit à Mgr de Bonal la lettre suivante qui est un, véritable cri de détresse, plein d’une douloureuse émotion.


« Monseigneur,

« Toujours importune et toujours de nouvelles crises. Depuis la lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire, ma tante et moi avons fait de nouvelles tentatives auprès de M. Bresson pour pouvoir nous confesser à M. le curé de Marchal. Avant de le prier de venir, nous nous sommes assurées par deux fois de son consentement pour avoir M. le curé de Marchal. Il y a consenti, mais quelle a été notre surprise de ne pouvoir profiter des secours que venait nous donner M. le curé : M. Bresson avait pris la précaution de charger une personne de la maison d’avertir M. le curé de ne point nous confesser sans lui parler et la raison du refus, Monseigneur, le croirez-vous c’est que nous sommes excommuniées et qu’il faut que M. de Cîteaux nous retire de cette prétendue excommunication. Il tire sa raison de la patente que lui a donnée M. de Cîteaux et prétend que nous lui manquons d’obéissance, l’ayant fait prier de venir me parier, il m’a fait dire qu’il y avait deffense d’entrer dans les chambres et chez moi. Pour lors, plongée dans la plus grande tristesse, j’ai prié M. le curé de Marchal de lui demander sa patente pour voir d’où pouvait venir le motif d’excommunication. J’ai l’honneur, Monseigneur, de vous en faire passer une copie fidèle et en la lui fesant remettre, j’ai observé M. le curé qu’il était lui-même dans le cas réservé d’avoir été contre les ordres de M. de Cîteaux et contre mon consentement en allant journellement dans les chambres de certaines dames et elles chez lui et y prendre réciproquement des repas.

« Est-il tyrannie plus cruelle que celle de vouloir nous oter totalement les secours spirituels et est-il une injustice plus révoltante que celle de refuser à une religieuse de se confesser ?

« J’avoue, Monseigneur, que j’ai toujours eu du regret d’être venue à La Vassin, mais voilà des traitements à désespérer. De grâce, au nom de Dieu, Monseigneur, donnez-nous un confesseur de votre main et mettez, s’il vous plaît, fin à tant de maux. Vous me l’avez fait espérer, Monseigneur, et vous êtes trop juste pour nous abandonner. La gloire de Dieu et votre penchant vous y portent et m’enhardissent à vous importuner.

« Vous savez, Monseigneur, que presque toutes demandent la sortie de M. Bresson, à quelle noirceur s’est portée la cabale pour me perdre dans l’esprit de M. de Cîteaux et les moyens d’éviter les réparations de restauration en voulant faire les affaires elles-mêmes et faire sortir le féodiste ! Ciel ! vous êtes juste, vous connaissez mes intentions ; si vous accordez un temps à la calomnie, vous l’accorderez bien à la vérité. Je l’attends, Monseigneur, de votre justice qui la saura bien démêler des sollicitations qu’on m’a dit qu’on vous faisait. Pardonnez à nos importunités, Monseigneur, mais vous voyez que nous ne pouvons rester dans cet état. Ayez la bonté de décider si nous sommes dans » l’excommunication et la marche que nous devons tenir, Tirez-nous, au nom de Dieu, de cet état ; que votre crédit » et votre justice éclatent en même temps. »

« J’espère cette grâce comme celle de croire qu’on ne peut rien ajouter aux sentiments de respect avec lesquels j’ai » l’honneur d’être,

« Monseigneur,
« Votre très-humble et très-obéissante servante,
« Sœur de La Salle de Rochemaure,
« Coadjutrice.

« Je prie M. le curé de Marchai de vous écrire cela. Ma tante a l’honneur, Monseigneur, de vous présenter son respect.

« Pardonnez-moi, Monseigneur, tous ces barbouillages de ma lettre et d’avoir emprunté des mains étrangères pour la copier, à cause d’un mal d’yeux occasionné par le chagrin » et mes larmes[122]. »

Voici la lettre que le curé de Marchai adressait en même temps à Mgr de Bonal :

« À Lavassin, le 20 novembre 1188.
« Monseigneur,

........................

« Ces dames sont dans la plus grande inquiétude et dans un trouble qu’il me serait impossible de vous exprimer et qui a augmenté de beaucoup depuis votre visite.

« Presque toutes demandent la sortie du directeur comme celle de l’homme d’affaires.

« Vous leur rendrez un service essentiel si vous pouvez y établit le bon ordre…

« J’ai l’honneur d’être, etc. »

Julhiard[123].

Mgr de Bonal, estimant qu’il était temps de mettre un terme à ces querelles de cloître, prit en main la cause de la coadjutrice, et peu de temps après le chapelain Bresson quittait La Vassin où le remplaça M. Fayet, homme d’un caractère doux et conciliant, qui eut bientôt pacifié le monastère[124]. La vieille abbesse, Élisabeth de La Salle, s’étant vers le même temps démise de ses fonctions, sa nièce et coadjutrice reçut la crosse abbatiale (1789).





XIII.


Nous sommes en 1189. Depuis longtemps préparée dans les esprits et dans les mœurs, la Révolution va éclater ; l’antique société française, ébranlée sur sa base, s’écroulera avec fracas ; les institutions, les coutumes, les cultes, tout ce qui abritait le passé sera renversé sans pitié.

Dans la célèbre nuit du 4. août, la noblesse fait l’abandon de ses privilèges ; le clergé demande la suppression de la pluralité des bénéfices ; joignant l’exemple au précepte, de généreux ecclésiastiques, tels que le curé d’Égliseneuve-d’Entraigues, n’hésitent pas, aux acclamations enthousiastes de l’Assemblée, à renoncer à leur propre casuel[125].

Selon le mot de M. Mignet, les députés de tous ordres procèdent à l’envi à la Saint-Barthélemy des abus ; mais bientôt les chefs du mouvement, convaincus qu’ils possèdent en eux-mêmes assez d’énergie morale pour rejeter le fardeau des temps, tenteront de faire un monde nouveau sur un idéal nouveau.

Le 28 octobre 1789, la Constituante suspendit l’émission des vœux monastiques pour les deux sexes, et le 2 novembre suivant tous les biens mobiliers et immobiliers des convents furent mis à la disposition de la nation. Le 13 du même mois parut un décret qui ordonnait aux supérieurs des monastères de faire par devant les juges royaux et les officiers municipaux dans le délai de deux mots, une déclaration détaillée de tous les biens meubles et immeubles et de tous les revenus dont jouissaient ces établissements, ainsi que de toutes les charges dont ils étaient grevés.

En exécution de ce décret, l’abbesse de La Vassin remit à la municipalité de Saint-Donat l’état des cens et rentes dus à l’abbaye par villages et hameaux, savoir : La Grangette, en argent 12lt 11s ; en avoine 7 septiers 1 carte ; Palut, 16lt 13s 11d, et 9 septiers et 1 carte d’avoine ; Pauneix, 14lt 15s 6d et 7 septiers d’avoine ; Freydefont, 13lt 27s 6d, 8 setiers d’avoine et 4 setiers de blé seigle ; La Nugeyrolle, 9lt 15s 6d ; Saint-Donat, 1lt 14s ; Pratachy, 1lt 16s ; Tarteyroux, 15lt 5s 9d ; Les Auberts, 4lt ; Gines, 20lt 18s 6d, 4 setiers d’avoine et 2 setiers de seigle, mesure de Besse ; Las Pruneyres, 8lt 18s et 1 setier d’avoine ; Le Mazet, 4 sols, 5 coupes de seigle et 1 setier d’avoine ; Picherande, 12 sols ; la montagne de Chaumeloux 10lt 19s et 5 setiers d’avoine, mesure de Besse ; La Baubie, 9lt 12s 10d, 3 septiers et 1 quarte d’avoine ; Chastreix, 5lt 16s et 4 septiers d’avoine ; Saint-Pardoux et Longechaux, 2lt ; Chaumeloux, paroisse de Bagnols, 3lt 13s et 2 septiers d’avoine ; Brimassanges, 14lt 17s ; Gioux, 11lt 7s 6d et 5 setiers d’avoine ; La Bannut, 20s et 4 septiers de seigle, mesure de Tinières ; Saint-Étienne-aux-Claux, en Limousin, 4lt ; Verchales, 6lt 7s 3 setiers 3 quartes de seigle, 3 setiers 3 quartes d’avoine, mesure de Saignes ; Saint-Julien, 2lt 5s 9 quartes de seigle et 9 quartes d’avoine, mesure d’Herment ; Prady, 7 quartons de froment, 6 quartons de seigle, 4 coupes d’avoine, mesure de Montaigut ; Sauriers, pour une fondation, 2 septiers de pamoule[126].

En outre, différents particuliers étaient débiteurs de rentes s’élevant ensemble à 596lt, et enfin l’abbaye percevait des dîmes dans toute l’étendue de la paroisse de Riom-ès-Montagnes, aux quartiers de la Ribeyre, de Châteauneuf, de la Gane, des Quatre-Villages, à Rignac, à Journiac, à la Grange, etc., etc.[127].

Le 13 février 1790, les vœux religieux furent annulés ; dès lors, il ne dut plus y avoir en France ni moines, ni religieuses. Néanmoins, mue par un dernier sentiment de commisération, la Constituante voulut bien, en échange des richesses qu’elle prenait aux instituts monastiques, accorder à leurs membres de modestes pensions dont le paiement ne tarda pas à être suspendu.

Le 16 novembre 1790, les agents municipaux de Saint-Donat frappaient à la porte de l’abbaye de La Vassin. Introduits dans la salle de communauté, ils annoncèrent aux religieuses qu’ils venaient, conformément aux ordres transmis par les administrateurs du district de Besse, procéder à l’interrogatoire de chacune d’elles.

Interpellée la première, Élisabeth de La Salle, ancienne abbesse, déclara être âgée de 85 ans et avoir fait profession en 1723. Elle exprima l’intention, si on la contraignait à quitter la maison, de se retirer dans un autre couvent de son ordre.

On appela ensuite l’abbesse, Marie-Madeleine de La Salle, âgée de 53 ans, 34 ans de religion (professe depuis 1758), qui fit la même déclaration que sa tante Élisabeth.

Puis, ce fut successivement le tour de Marguerite Mallesaigne d’Anglaret, âgée de 80 ans, professe depuis 1728 ; de Marie de Chalus (63 ans, professe depuis 1751) ; de Marguerite Fayet-Tissonnière, âgée de 60 ans (entrée en religion Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/76 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/77 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/78 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/79 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/80 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/81 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/82 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/83 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/84 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/85 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/86 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/87 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/88 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/89 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/90 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/91 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/92 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/93 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/94 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/95 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/96 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/97 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/98 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/99 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/100 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/101 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/102 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/103 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/104 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/105 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/106 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/107 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/108 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/109 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/110 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/111 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/112 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/113 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/114 Page:Étude historique sur l'abbaye royale de La Vassin.djvu/115

  1. Cette rivière est ainsi nommée, disent les auteurs du Gallia Christiana, parce qu’elle est formée par trente sources qui jaillissent des Monts-Dore. Elle se jette plus loin dans la Dordogne, (Gallia Christiana, t. 2, col. 408).
  2. Archives départementales. Serment des abbesses d’Entraigues (1195). — Gallia Christiana, t. 2, col. 408.
  3. Baluze, Hist. généalogique de la Maison d’Auvergne, t. Ier, p. 268, t. 2, p. 487.
  4. Baluze, t. 2, p. 487.
  5. Baluze, Hist. de la Maison d’Auvergne, t. Ier, p. 250.
  6. Baluze, t. Ier, p. 265, t. 2, p. 485.
  7. Baluze, t. 2, p. 77, 65 et 64. — Chabrol, Cout. d’Auv., t. 4, p. 301.— Rivière, Instit. de l’Auv., t. ter, p. 578 et 437.
  8. Baluze, t. 2, p. 487, Audigier, Hist. mss. d’Auv., art. La Vassin.
  9. Archives du Puy-de-Dôme, Cathéd., arm. 2, sac A, côte 5. — Cohendy, Invent. des chartes antérieures au xiiie siècle qui se trouvent aux Archives du Puy-de-Dôme.
  10. Baluze, t. 2, p. 266. — Papiers de Mme Fonteille, de Riom-ès-Montagnes, religieuse de La Vassin.
  11. Baluze, t. 2, p. 256.
  12. Gallia Christ., t. 2, col. 409.— Archiv dép, Fds de la Cathédrale.
  13. Gallia Christ.,t. 2, col. 409. — Gonod, Chronol. des évêques de Clermont.
  14. Baluze, t. 1er, p. 268, t. 2, p. 513.
  15. Baluze, t. 1er, p. 281, t. 2, p. 497.
  16. Baluze, t. 2, p. 499.
  17. Baluze, t. 2, p. 510.
  18. Baluze, t. 1er, p. 291 et t. 2, p. 515.
  19. Baluze, t. 2, p. 530.
  20. Baluze, t. {{{{1er}}}}, p. 296, t. 2, p. 525.
  21. Baluze, t. 2, p. 505.
  22. Baluze, t. 2, p. 530 et 533.
  23. Aquam etiam puram frequentius bibebant. (Vincentius Belvac. lib. 52, cap. 49).
  24. Baluze, t. 2, p. 533.
  25. Plutarch. Cæs., cap. 55.
  26. Cicér. Philipp. I, cap. 6. — Ducange, V° Parentalia.
  27. Juven., Sat. V, v. 85.
  28. Ch. Magnin. Les Origines du Théâtre antique et du Théâtre moderne.
  29. A. Tardieu, Hist. de Clermont, t. 1er, p. 335.
  30. Cap., lib. 6, cap. 194.
  31. Les repas funèbres étaient également fort en honneur en Grèce. Ces sortes de festins sont représentés sur les lécythi ou vases funéraires destinés à contenir des parfums et que l’on recueille dans les tombeaux attiques. On en voit plusieurs au Musée du Louvre. Les dessins que portent ces petits vases sont de couleur rouge sur fond blanc. L’espoir de la vie future devant écarter toute idée sombre, le rouge et le blanc étaient chez les Grecs les couleurs réservées aux funérailles, au lieu du noir et du violet dont nous nous servons maintenant.
  32. Bacquet, Des droits de justice, nos 20 et 21 ; — Maréchal, Traité des droits honorif. des seigneurs, t. 2, p. 60. — L’église de St-Genès-du-Retz, canton d’Aigueperse, porte encore sur ses murailles, à l’extérieur, des traces d’anciennes peintures de litres.
  33. Maréchal, t. 2, p. 153 et 156.
  34. Brussel, Usage des fiefs, t. 1er. — Ducange, V° Hominium.
  35. Justel, Preuves, p. 93, 95 et 96.
  36. Delaurière, Glossaire du Droit français, au mot Bouche.
  37. Ducange, V° cit°.
  38. L’hommage se rendait parfois d’une façon singulière. Ducange cite une charte de 1329 d’après laquelle Marie de Brebant, dame de Vierzon, vassale de Robert d’Artois, comte de Beaumont, devait, pour rendre hommage, se tenir à cheval au gué de Noies « les deux pieds de derrière de sa monture dans l’eau du gué et les deux pieds de devant à terre sèche, par devers la terre de Meun, » tandis que le suzerain, également à cheval, maintenait, pour recevoir l’hommage, son palefroi dans la même posture.
  39. Archives nat. J. 1093, n° 2. — Baluze, t.2 , p. 566.
  40. En droit romain, les femmes ne pouvaient s’engager pour autrui, soit par fidéjussion, soit par constitut, soit par but autre moyen. « Ne pro ull feminæ intercedant » ; disait le sénatus-consuIte velléien. (F. 1, 2, § 1er ad sc. Velleianum D. 16. 1.) Néanmoins, si une femme s’engageait, malgré la défense exprimée, on lui permettait de repousser le créancier par l’exception du sénatus-consulte velléien.
  41. Ce sceau est conservé aux Archives nationales sous le n° 9, 265. Il porte en exergue : S. (sigillum) abatissæ de la Vaysi, et représente une abbesse tenant de la main droite une crosse et de la main gauche un livre ouvert.
  42. Somme Rurale, tit. 1er.
  43. Branche, L’Auv. au moyen-âge, p. 451.
  44. Baluze, t. 2, p. 501.
  45. Baluze, t. 2, p. 370.
  46. Baluze, Hist. de la Maison d’Auvergne, preuves, 1. 2, p. 574.
  47. Duchesne, ch. IX.
  48. Archives communales de Besse.
  49. Archiv. com. de Besse.
  50. Archives de Besse. Les armes du conseiller Boëtte que l’on voit à la clef de voûte de la chapelle de St-Joseph à Vassivière sont de gueule au chevron d’or chargé d’une étoile et de deux huchets de même, accompagné en chef de deux étoiles et en pointe d’un croissant surmonté d’une tour à poivrière, le tout d’argent, l’écu sommé d’un casque d’écuyer avec ses lambrequins.
  51. Archives de Besse.
  52. D’après la tradition, Vassivière formait jadis une paroisse, ce qui indique que l’existence d’une église chrétienne dans ces lieux remonte à une haute antiquité. Cette église a-t-elle succédé à un temple païen ? Foui-il reconnaître dans le nom de Vassivière la racine Vasso ? Il n’y aurait là rien d’impossible. Il ne serait nullement extraordinaire qu’il y ait eu, sur ces montagnes, à l’époque Gallo-Romaine, un oratoire dédié à quelque dieu topique, la découverte faite au sommet du Puy-de-Dôme paraissant témoigner que les hauteurs étaient recherchées pour de tels édifices. Le culte chrétien succéda, à Vassivière, au culte païen, et comme Orcival et ailleurs, la chapelle remplaçant le temple fut dédiée à la Vierge.
  53. Baluze, t. 2, p. 706.
  54. Baluze, t 2, p. 765.
  55. Baluze, t. 2, p. 316.
  56. Archives de Besse.
  57. On appelait censive la terre concédée moyennant une redevance annuelle. La censive différait du fief, en ce que dans la première l’objet principal de la concession était la terre, sa enflure et ses produits, les services et obligations personnels n’étant considérés qu’accessoirement ; tandis que dans le fief, c’était au con fl’aire la personne du vassal qui formait l’objet principal du contrat, le domaine n’étant que le lien qui unissait Le seigneur au vassal.
  58. Gallia christ., t. 2, p. 408. Audigier, Hist. mss. d’Auv., art. La Vassin.
  59. Gallia, t. 2, p. 408.
  60. Froissard, t, 1er, p. 183.
  61. Rynaldus, Annales ecclésiast., t. XXVI, p. 110. — Lebœuf, t. III, p. 458.
  62. Baluze rapporte l’acte confirmatif qui est du mardi après la fête des apôtres Philippe et Jacob, de l’an 1566. Preuves, t. 2, p. 592.
  63. Archives de Besse, Mss Godivel, Remarques sur la ville de Besse}}.
  64. Voir l’autorisation accordée par Charles VII à l’abbaye de l’Esclache, suivant lettres patentes du 28 février 1455 (Archives du Puy-de-Dôme, Invent. de l’Esclache, t. 1er, p. 77 et 78. — Biblioth. de Clermont, Hist. mss. de l’abbaye de l’Éclache, par A. Tardieu.)
  65. Gallia Christ., t. 2, p. 408. — La famille de Tinières possédait aux xiii- siècle et xive siècles la châtellenie de Val, paroisse de La Nobre, près Bort. La terre de Val relevait en fief de la terre de Tinières. (Chabrol, t. IV, p. 825).
  66. Justel, Preuves, liv., 3, p. 414. — D. Estiennot, Antiquitates diocœsi Claromont., cap. LIX, fol. 325, Mss. Biblioth. nat.
  67. Tardieu, Dict. hist. du Puy-de-Dôme, V° La Vassin.
  68. Branche, L’Auv. au moyen-âge, p. 598.
  69. Ctesse de Chabannes, Not. hist. sur la maison de Chabannes.
  70. La sœur d’Hélène de Chabannes, Isabelle, était abbesse du Pont-des-Dames (Gallia. 2, p. 108). Joachim de Chabannes, leur père sénéchal de Toulouse, écuyer d’honneur de la reine Catherine de Médicis, se maria quatre fois : 1°. en 1522, avec Péronnelle de Lévis ; 2°. en 1526, avec Louise de Pompadour. 3°. e 1533, avec Claude de la Rochefoucauld, et 4°. en 1547, avec Charlotte de Vienne, dame de Pont-du-Château. Il nveut qu’un fils, Jean, né de Louise de Pompadour et qui, marié sans enfants à Françoise de Montboissier-Canillac, fut tué à la bataille de Renty, en 1553.
  71. Gallia Christ., t. 2, p. 409.
  72. Hélyot, Hist, des ordres religieux, t. V.
  73. Bref du pape Alexandre VII pour la réformation générale de l’ordre de Cisteaux. À Paris, chez Sébastien Mabre-Cramoisy, imprimeur dudit ordre de Cisteaux. 1679.
  74. C’est à partir du Concordat de 1516 que les abbayes dont le roi s’était réservé la nomination prirent le nom d’'abbayes royales. La Vassin fut de ce nombre.
  75. Hélyot, t. V, p. 471. — Tart était l’un des plus anciens monastères de femmes de l’ordre de Cîteaux. Son abbesse avait droit de visite dans tous les autres couvents. C’était dans cette maison que se tenaient primitivement les chapitres généraux des religieuses. L’abbaye fut réformée en 1623 par Jeanne de Courcelle de Pourlan.
  76. Hélyot, t. V, p. 360. L I
  77. Document trouvé dans une maison du hameau de Pallut, près La Vassin.
  78. Michelle de Mous appartenait à une famille orginanire des environs de Mauriac. En 1327, Hugues de Mons, damoiseau, reconnaut tenir en fief de Bertrand de La Tour, le château de la Clarette, paroisse de St-Christophe. (Nob. d’Auv.).
  79. Archives comm. de Besse.
  80. Archives de Besse.
  81. Pouillé d’Auv., Biblioth. de Clermont.
  82. Archives de Besse. Procès-verbal d’invent. du 27 mars 1791.
  83. Archiv. du P-de-D. Fds, Intendce, Liasses 24 et 25. Série C.
  84. La notice sur La Vassin insérée dans le Gallia Christiana est presque nulle, et les auteurs de ce recueil en donnent Ta raison : « Cum ante sexaginta circiter annos incendio absumpta sit, mirum videri haud debet si nec fundationis instrumentum nec plurium abbatissarum nomina reperire datum est. » Gallia, t. 2, p. 409.
  85. Gallia Christ., t. 2, p.209. — Élisabeth de Chabannes était fille de Jean-Charles, marquis de Curton, et de Louise de Margival (Audigier, Hist. mss. d’Auv, art. La Vassin).
  86. Archives de Besse, Baux du domaine de Coudert.
  87. Gallia Christ., t. 2, p. 409.
  88. Une dame de Bonnaigue était religieuse à La Vassin, à la fin du xviie siècle. (Papiers de Mme Fonteille.)
  89. Papiers de madame Fonteille, de Riom-ès-Montagnes, l’une des dernières religieuses de La Vassin. Nous sommes heureux d’exprimer ici toute notre reconnaissance à la famille Fonteille pour l’extrême obligeance qu’elle a mise à nous communiquer les papiers en sa possession. Parmi ces papiers se trouve un antiphonaire manuscrit « selon le sacré ordre de Cisteaux, dédié à très-noble et très-illustre Dame, Madame Élisabeth de Chabannes-Curton très-sage et très-vertueuse Abbesse de Lavassin dudit ordre de Cisteaux, au diocèse de Clermont en Auvergne, etc. par son très-humble et très-obéissant serviteur frère Balthazar Bec, rellgieu prestre et profes de l’abbaye de Bithaine ordre susdit dans la Franche-Comté, au diocèze de Besançon, présentement conventuel en l’abbaye de Fenniers. — 1704. — » Ce livre de chants est orné de dessins à la plume et de vignettes coloriées.
  90. Archives mun. de Besse.
  91. Archives de Besse.
  92. Gallia, t. 2, p. 409.
  93. V. Obligation de rente de 215lt, souscrite par François de la Salle, écuyer, seigneur de Puy-Germaud et de Rochemaure, reçue Vialle et Amblard, le 14 septembre 1723. (Archiv. de Besse.)
  94. Le 21. février 1751, sœur Charpentier fut investie par l’abbesse de la charge de première sacristaine qu’elle conserva jusqu’au 21 juin 1753. Sœur Périer lui succéda et fut remplacée à son tour, en 1742, par sœur Jaëtz. Mesdames du Sauzel et Fonteille-Vialle (1781) remplirent ensuite les fonctions. (Papiers de madame Fonteille, livre de la recette de l’argent de l’église, depuis l’année 1726.) 11 existait deux confréries dans l’église de La Vassin, celle de St-Jean et celle de St-Eutrope. Elles avaient des affiliés jusque dans les paroisses de St-Genès, Picherande et Égliseneuve. Les reinages produisaient environ 80 livres par an.
  95. La famille de Macon habitait Ludesse ; elles possédait les fiefs de Sauzet, de la Martre, du Poirier, de Ludesse, de Frédeville, de Busséol, etc. Nob. d’Auv.
  96. V. Bail du domaine de Chabannes consenti à Jacques Meallet, de Marchal, le 25 septembre 1724 par Élisabeth de Chabannes. (Archiv. de Besse), Cette abbesse mourut en 1730.
  97. Archives du Puy-de-Dôme. — Fds Intendce, série C. L. 24 et 25.
  98. « Le roy, écrivait M. d’Armenonville à l’intendant d’Auvergne, le 12 mai 477, s’étant fait rendre compte de l’état fâcheux où se trouvaient plusieurs monastères de filles religieuses et ayant reconnu la nécessité d’y pourvoir, a jugé à propos de former une commission composée de prélats et de quelques magistrats de son conseil pour examiner les différents mémoires qui ont déjà été envoyés à ce sujet… M. le cardinal de Rohan qui est à la tête de cette commission vous adressera les instructions qui vous » sont nécessaires pour satisfaire pleinement à ce que Sa Majesté désire de vous sur ce sujet et c’est à lui que vous enverrez, en exécution de l’arrêt, » tout ce qui a rapport à cette commission. » (Archives dép., Fds de l’intend., série C, liasse 24.)
  99. V. Bail du domaine de Coudert reçu Barrier, le 24 mars 1736, consenti par la même à Jean Moins, du village de Palendren, paroisse de Marchai. (Arch. de Besse.)
  100. Papiers de madame Fonteille. Livre de la recette de l’église.
  101. Bail du domaine de Parran reçu Veyssier, notaire La Tour, le 25 mai 1747. (Archives de Besse.)
  102. Chasteau du Breuil, Prdcis des guerres religieuses en Auvergue.
  103. Ces deux religieuses avaient un autre frère, Pierre de la Salle, curé de St-Barthélemy-d’Aydat en 1748.
  104. Acte d’obligation reçu Amblard le 14 septembre 1723 (Archives de Besse.)
  105. Archives du Puy-de-Dôme. Fds de l’Intend., série C, liasse 24.
  106. « N’inspirez jamais, écrivait madame Robert-Vialle de Riom-ès-Montagnes, à ses deux petites-filles religieuses à La Vassin, la vanité aux enfants dont le soin vous sera confié et souvenez-vous que l’orgueil est le péché le plus à craindre… » (Lettre du 5 février 1772. — Papiers Fonteille).
  107. On appelait abbayes royales celles dont les abbés ou abbesses étaient nommés par le roi depuis le Concordat de 1516 conclu entre Léon X et François Ier. L’abbaye de La Vassin devint ainsi royale, sans toutefois jamais tomber en commende. Un monastère était en commende quand il avait été donné par le pape à un ecclésiastique séculier ou à un laïque nommés par le roi. D’ordinaire, ces bénéficiers ne résidaient pas dans le convent dont ils percevaient la plus grande partie des revenus.
  108. La Famille du Sauzet habitait à Bellefont-de-Fournols, près St-Germain-l’Herm.
  109. Les de La Farge étaient seigneurs de la Tour-Goyon et de Moncelard, élection d’Issoire.
  110. De Mallesaigne d’Anglaret. La sœur de madame d’Anglaret, Anne de Mallesaigne, morte en 1745, avait épousé Jean Burin des Rauziers, grand-père de Françoise Burin que nous verrons ci-après religieuse à l’abbaye de La Vassin. — Madame d’Anglaret avait pris le voile le 19 novembre 1727. Elle fit profession le 18 janvier 1728. (Papiers de madame Fonteille, livre de la recette de l’égise).
  111. La maison de Chalus, très-ancienne en Auvergne, a eu des alliances avec la maison de La Tour d’Auvergne. Nob. d’Auv.
  112. Sœur Laurent prit l’habit à La Vassin le 8 janvier 1750, et l’église reçut ce jour-là 7lt,1 sol d’offrandes.
  113. Les dames Tissonnière et Fayet étaient sœurs. Elles prirent le voile le 25 septembre 1751.
  114. Livre de la recette de l’église.
  115. Papiers de madame Fonteille.
  116. C’est après la disette de 1770 que la culture des pommes de terre fut introduite en Auvergne par les soins du gouvernement
  117. Archives de l’étude Malègue, à La Tour.
  118. Archives de la mairie de Clermont, reg. de l’état civil. — Archives du Puy-de-Dôme, Fds police et militaire.
  119. Bouillet, Nob. d’Auv.
  120. Nous avons trouvé dans les papiers de madame Fonteille le lexie du sermon prononcé par Mgr de Bonal, lors de sa visite à La Vassin. Le prélat commença son allocution par ces paroles tirées de l’Épître de saint Paul aux Galates (Ad. Galat., cap. 5) : Vous courriez si bien dans la voie de Dieu. Qui est-ce qui vous a arrêtés dans votre course pour vous empêcher de suivre la vérité ? Ce sentiment dont vous vous êtes laissés persuader ne vient pas de Celui qui vous a appelés. Un peu de levain aigrit toute la masse. J’espère qu’à l’avenir vous rentrerez dans les sentiments que vous devez avoir, mais celui qui vous trouble, quel qu’il puisse dira, en portera le jugement et la peine. — L’évêque, dans cette exhortation, presse vivement ses hôtes de se rappeler le précepte : Aimez-vous les tins les autres et de s’y conformer : il ne leur ménage pas le blâme, et signale leur orgueil et leur amour-propre comme ayant causé tout le mal.
  121. Archives du Puy-de-Dôme, Fds de l’Évêché. Papiers de Bonnal, l. n°3 ; Religieuses de Vassin, confession. — Rapport des faits pour juger si l’excommunication a lieu.
  122. Archives du Puy-de-Dôme. — Fds de l’Évêché, papiers de Bonal, I. n° 3.
  123. Archives départementales. Fds de l’Évêché. Papiers de Bonal.
  124. Le régisseur du couvent, le sieur J-B. Heyrauld, entièrement dévoué à la coadjutrice, ne fut pas renvoyé. Il avait conclu avec a communauté, le 25 Février 1785, un marché aux termes duquel il devait entreprendre la rénovation des terriers, recouvrer les revenus, diriger toutes les affaires. Ce marché était fait pour 18 ans, au prix de 600lt par an.
    En 1790, le sieur Heyrauld adressa aux administrateurs du district de Besse une demande en paiement de la somme de 5,675 fr. à lui due « pour arrérages de traitement et fournitures faites. » Cette demande rut rejetée, faute de justifications, par décision du 8 février 1792.
    Le sieur Heyrauld fut jusqu’à la fin le conseil et l’ami de madame Madelaine de La Salle. En 1792, il fait à Besse les démarches nécessaires pour le transfert du domicile de l’abbesse à Clermont. En 1805, il signe à la mairie de Clermont l’acte de décès de Marie de La Salle. En 1824, il assiste aux derniers moments de Madelaine de La Salle. Dans l’acte de décès de cette dernière qu’il signe encore comme témoin, il est qualifié de Donat de Malte.
    L’ancien régisseur de La Vassin était originaire du Crest et sans doute parent du fameux rebouteur, Robert Heyrauld, dont parle Legrand d’Aussy dans son Voyage eu Auvergne, t. 5, p. 318.
  125. L’abbé Mathias était curé d’Égliseneuve depuis le 15 juillet 1780. (Archives du Puy-ce-Dôme. Fds de l’Évêché, I. n° 3).
  126. Papiers de Madame Fonteille
  127. Le détail de ces dîmes se trouve dans un acte d’estrousse ou bail à ferme consenti à divers habitants de Riom, devant Armand, notaire, le 30 juillet 1772, par Marguerite Mallesaigne d’Anglaret, cellerière de l’abbaye. (Papiers Fonteille.)