Étude sur la Myopie stationnaire et progressive/Texte entier
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Par délibération du 9 décembre 1798, l’école a arrêté que les opinions émises dans les dissertations qui seront présentées doivent être considérées comme propres à leurs auteurs, et qu’elle n’entend leur donner aucune approbation ni improbation.
PRÉFACE
Depuis les remarquables travaux de Donders sur les anomalies de la réfraction, l’empirisme a dû disparaître de cette branche de la pathologie oculaire, devenue aujourd’hui l’une des mieux connues et des plus scientifiques. Le choix des verres correcteurs dans la myopie, et en particulier dans la myopie progressive à une grande importance ; car selon qu’il est bien ou mal fait, il peut rendre les plus grands services ou entraîner les plus funestes conséquences. Il n’est plus actuellement permis de se contenter d’à-peu-près dans cette question ; aussi ai-je consacré la première partie de ce travail à indiquer la marche à suivre pour procéder exactement à la détermination et à la correction de la myopie. J’ai cru bien faire en outre, en décrivant la manière de connaître l’angle « chez les myopes au moyen de l’ophtalmomètre, et voici pourquoi. Il est parfaitement vrai que dans la pratique journalière de l’ophtalmologie, l’ophtalmomètre ne rend pas encore de grands services ; mais il est fort difficile de prévoir tous les résultats pratiques que pourra donner tôt ou tard un instrument très-théorique en apparence. Que l’on arrive en effet à construire tous les ophtalmomètres exactement sur le même modèle, avec des plaques de verre ayant le même indice de réfraction, et la même épaisseur, et le problème sera résolu. L’on pourra au moyen d’une table dressée à l’avance qui servira pour tous les instruments, avoir les calculs faits une fais pour toutes.
L’on obtiendra alors très-rapidement les rayons de courbure de la cornée, et les corrections de l’astigmatisme. — À propos des complications de la myopie progressive et en particulier des décollements rétiniens, j’ai donné un aperçu des nouvelles recherches d’Iwanoff, sur ce sujet ; et dans la pathogénie de la scléro-choroïdite postérieure, j’ai reproduit in-extenso le beau travail du même auteur sur les différences histologiques du muscle ciliaire chez le myope, l’emmétrope, et l’hypermétrope. Enfin l’on trouvera à la fin de cet opuscule le résumé des travaux qui ont été faits sur l’insuffisance musculaire dans la myopie progressive. C’est à de Grafe que revient l’honneur d’avoir découvert les troubles d’équilibre musculaire qui surviennent dans cette affection, et les moyens d’y remédier. En écrivant ces pages je n’ai eu d’autre but que de vulgariser des recherches aussi utiles que scientifiques, et qui, chose bien encourageante, conduisent à des résultats thérapeutiques aussi efficaces que rationnels.
Qu’il me soit permis en terminant de rendre un public hommage de reconnaissance à mon cher maître M. le Dr Wecker, qui a soutenu mes premiers efforts dans l’étude toujours difficile au début de l’ophtalmologie, et qui n’a cassé de m’aider depuis de sa grande science clinique et de ses judicieux conseils.
ÉTUDE
SUR LA
MYOPIE STATIONNAIRE
ET PROGRESSIVE
Avant d’aborder l’étude de la myopie, envisagée comme une anomalie de réfraction du système dioptrique de l’œil, nous croyons utile d’expliquer en quelques lignes, ce que l’on doit entendre par ces mots : Anomalies de la réfraction statique, dynamique, amplitude d’accommodation, etc.
Définitions.
Pour mettre de l’ordre et de la clarté dans les quelques explications qui vont suivre, nous nous occuperons seulement d’abord de la réfraction statique de l’œil, c’est-à-dire que nous ne tiendrons compte de la marche des rayons lumineux, que dans l’œil en repos, et dont l’accommodation est complétements relâchée, il est donc bien entendu une fois pour toutes que dans tout ce qui va suivre et qui rentre dans le paragraphe de la réfraction statique on suppose la fonction de l’accommodation complètement paralysée.
Si un œil est constitué de telle sorte que les rayons lumineux venant de l’infini, ou tout au moins d’une distance assez grande pour qu’ils puissent être considérés comme parallèles, forment leur foyer sur le plan même de la rétine ; cet œil est normal et a recule nom d’emmétrope.
Supposons maintenant que le système dioptrique de cet œil restant le même, le plan de la rétine se rapproche de la cornée, la marche des rayons restant la même, le foyer sera situé au delà de la rétine, et à la place d’un point lumineux, l’on observera sur celle-ci un cercle lumineux (cercle de diffusion) qui sera d’autant plus grand que le rapprochement du plan rétinien du plan cornéen sera plus considérable. Un œil dans de telles conditions, c’est-à-dire chez lequel les rayons parallèles vont former foyer au delà de la rétine, est anormal, il est dit hypermétrope.
Enfin en dernier lieu, si l’œil est construit de telle sorte que le foyer des rayons parallèles, vienne le plus souvent par suite de l’éloignement du plan rétinien, se former en avant de ce même plan, ce ne sera plus un point lumineux qui viendra se peindre sur la rétine mais un cercle (cercle de diffusion) qui sera d’autant plus considérable que la distance qui sépare cette membrane de la cornée sera plus grande. Un œil qui répond à de telles condition est un œil myope.
Nous voyons donc déjà dans ce simple aperçu que le système dioptrique restant le même, c’est surtout à la distance du plan cornéen au plan rétinien, ou à la longueur de l’axe antéro-postérieur de l’œil, qu’on doit rattacher les deux principales anomalies de la réfraction, l’hypermétropie et la myopie. C’est en effet ainsi que les choses se passent dans la nature.
Grâce à l’ophthalmomètre d’Helmoltz et aux applications qu’en ont faites Donders et Knapp aux mensurations des rayons de courbure de la cornée et du cristallin, chez les hypermétropes et chez les myopes, on a pu constater que chez eux ces surfaces courbes étaient les mêmes que dans l’œil normal ou emmétrope. Du reste des mensurations directes faites sur le cadavre ont montré aussi la diminution de l’axe antéro-postérieur de l’œil chez les premiers, son augmentation au contraire chez les derniers. Nous devons pourtant ajouter tout de suite, qu’il existe certains états pathologiques de l’œil dans lesquels les changements de courbure des surfaces réfringentes produisent des troubles fonctionnels tout à fait analogues à ceux de la myopie. C’est ainsi que dans certains cas de staphylôme pellucide de la cornée, d’hydrophthalmie congénitale ou acquise, de luxation et déplacement du cristallin en avant, l’on observe, outre l’astigmatisme régulier ou irrégulier qui existe le plus souvent, un certain degré de myopie. Ici aussi en effet le foyer des rayons parallèles est transporté en avant de la rétine, et l’on peut dire qu’au point de vue optique ces yeux-là sont myopes, et le plus souvent justiciables des verres correcteurs.
Réfraction dynamique. — Accommodation.
L’œil normal ou emmétrope jouit de la propriété de faire converger en foyer sur la rétine non-seulement les rayons qui viennent de l’infini et qui sont parallèles, mais encore ceux qui viennent de distances de plus en plus rapprochée, jusqu’aux limites de la vision distincte.
Nous n’entrerons pas dans de grands détails relatifs à la théorie de l’accommodation, la question en effet est aujourd’hui résolue quant à sa partie essentielle ; Helmoltz en effet en inventant l’ophthalmomètre a donné le moyen de vérifier directement, qu’au fur et à mesure que l’œil s’adapte pour des objets rapprochés, la surface postérieure du cristallin augmente de courbure et par conséquent ramène exactement sur la rétine le foyer des rayons lumineux qui tendrait à se former en arrière de cette membrane. C’est grâce à cette faculté d’accommodation, à ces changements de courbure qui surviennent à chaque instant dans notre œil qu’il nous est permis de voir avec la même netteté, et les objets très-éloignés et les objets très-rapprochés. Supposons maintenant par la pensée que cette fonction d’accommodation soit abolie, il sera encore possible de faire voir distinctement l’individu à des distances différentes. En effet voulons-nous par exemple qu’il voie exactement à 30 pouces il suffira de mettre devant son œil une lentille convexe de 30 pouces de foyer, car alors les rayons lumineux venant d’un objet situé au foyer principal sortiront à l’état de parallélisme et l’observateur se trouvera par conséquent exactement dans les mêmes conditions que s’il regardait à l’infini. On comprend ainsi facilement, qu’on pourra remplacer la fonction de l’accommodation en employant une série de lentilles, dont les longueurs focales correspondent exactement aux distances auxquelles l’on veut voir nettement.
Plus l’individu voudra distinguer des objets rapprochés, plus il faudra placer devant son œil des verres à foyer court. Supposons maintenant qu’un observateur puisse au moyen de son accommodation voir depuis 8 jusqu’à 8 pouces, son accommodation étant relâchée il verra également à 8 pouces si l’on place devant son œil un verre convexe de 8 pouces de foyer ; l’on voit par conséquent que l’on peut pour ainsi dire chiffrer le pouvoir de son accommodation et en représenter l’amplitude par le numéro du verre qui transporte le point le plus rapproché de la vision distincte au point le plus éloigné.
De l’amplitude d’accommodation chez le myope.
Cette question a une telle importance, elle a des rapports si intimes avec celle de la correction de la myopie au moypn des lunettes, que nous ne devons pas craindre d’entrer dans trop de détails à son sujet. Elle a été traitée d’une façon magistrale par Donders dans son ouvrage sur les anomalies de la réfraction, aussi nous devons dire à l’avance que les développements qui suivent ont été presque exclusivement puisés dans les traductions qui ont été publiées en Allemagne par Otto-Becker, et en France par Wecker, du livre original de Donders. Nous avons cherché à simplifier la question autant que possible, mais comme en somme elle est délicate, elle exigera de ceux qui voudront l’apprendre avec soin, un peu de patience et de réflexion. Il est bon toutefois de prévenir le lecteur qu’il n’est nullement besoin de connaître les mathématiques, pour se rendre suffisamment compte, de ce que représentent les diagrammes situés plus bas, il ne faut donc pas s’effrayer de toutes ces figures, quelques lignes d’explications en donneront facilement la clef.
Nous avons déjà dit un mot de l’amplitude d’accommodation en général, nous avons vu que pour chaque œil on pouvait la représenter par le pouvoir focal d’une lentille qui amène le point le plus rapproché de la vision distincte au point le plus éloigné, l’on a ainsi l’amplitude d’accommodation absolue.
Pendant longtemps on a cru que quand les yeux étaient dirigés vers un point situé à une certaine distance, il fallait faire un effort d’accommodation parfaitement déterminé pour voir nettement à cette distance ; qu’en d’autres termes il existait une relation nécessaire, entre le déféré de convergence des axes optiques et les efforts d’accommodation. Cela est vrai d’une manière générale, c’est-à-dire par exemple que plus nous convergeons nos lignes visuelles, et plus par un effort synergique, la tension de notre muscle ciliaire devient considérable, et réciproquement plus nous forçons notre accommodation, plus les muscles droits internes se contractent pour faire converger les lignes visuelles. Mais il arrive aussi que les yeux étant fixés sur un objet situé à une distance déterminée on peut encore le voir nettement, soit qu’on augmente, soit qu’on diminue un peu la tension de son accommodation. Donders a démontré expérimentalement ce fait d’une façon ingénieuse. Les yeux du sujet étant maintenus dans une position constante, et déterminée par l’objet qui est en vue, il place au devant de faibles lentilles convexes, et la vision reste nette, elle ne devient trouble que si on dépasse certaines limites ; il en est de même si on remplace les verres convexes par de faibles verres concaves. Or il est évident que quand on met des verres convexes et concaves, c’est absolument comme si l’effort d’accommodation augmentait ou diminuait. À chaque distance déterminée correspond ainsi une certaine latitude d’accommodation plus ou moins grande, et qui est précisément mesurée par la différence qui existe entre l’effort le plus considérable et l’effort le plus faible, différence qui constitue ce que l’on nomme l’amplitude relative d’accommodation.
Les trois figures qui suivent ont été empruntées à la traduction française de l’ouvrage de Donders sur les anomalies de la réfraction (Traité des maladies des yeux. Tome II, du Dr Wecker. On y voit à la fois les courbes d’amplitude d’acc. du myope et de l’hypermétrope le lecteur n’aura pas à s’occuper de ces derniers, qui sont lés inférieurs sur ces figures.
C’est M. Delahaye qui a eu l’obligeance de les mettre a notre disposition.
La barre du carré a été partagée en parties proportionnelles aux angles de convergences des lignes visuelles, la hauteur, en parties égales, représentant chacune 1/24 d’amplitude d’accommodation. En effet, la différence entre 1/24 et 1/00 1/24, entre 1/12 et 1/24 = 1/24 et ainsi de suite. La diagonale de cette figure qui passe par tous les points de rencontre des lignes, représente la série des verticales et horizontales, distance k laquelle se fait l’accommodation, pour la série des degrés de convergence. Ainsi à 0° l’accommodation est relâchée, pour 11°,21 elle a lieu à 12 pouces et ainsi de suite.
Ceci posé, voyons ce que nous indique la figure ; elle contient la courbe des points les plus rapprochés et les plus éloignés de la vision distincte d’un myope. Le commencement de la ligne r1 r1' montre qu’ici la myopie et [illisible] bien que la vision soit distincte à cette distance, elle n’est pas encore binoculaire, elle ne le devient qu’au point où la diagonale est coupée par la ligne des r1 r2' c’est-à-dire en r2 à environ 5 ponces. À chaque instant la distance verticale, qui sépare la ligne des r1 r1 de celle des p1 p1 points les plus rapprochés, mesure l’amplitude relative de l’accommodation, pour ce degré donné de convergence. Nous voyons que jusqu’à une convergence de 28° environ, la ligne qui représente l’amplitude d’accommodation est au-dessus de la diagonale, on dit alors qu’elle est complétement positive. Mais dès que la diagonale est coupée, il se développe une partie négative, enfin peu à peu le point le plus éloigné se rapproche de nouveau de la diagonale pour la rencontrer de nouveau en r2, Le point r2 est le point le plus rapproché de la vision binoculaire, mais avec ce degré de convergence, qui est le degré extrême, la vision est encore possible plus près, c’est-à-dire en p, ou voit donc que la difficulté de voir de près pour les hauts degrés de myopie ne tient pas à son accommodation, mais à la difficulté de la convergence. Nous voyons d’un autre côté dans la figure que la partie négative de l’amplitude d’accommodation dans le domaine de la vision binoculaire, c’est-à-dire tout ce qui est compris au-dessous de la diagonale entre r2 et r1’ est moins considérable que la partie positive. Or, il résulte des recherches de Donders que pour que la vision binoculaire puisse se maintenir pour une distance donnée, il faut que pour le degré de convergence correspondant la partie positive de l’amplitude d’accommodation l’emporte sur la partie négative. Mais c’est ce qui a lieu ; ici par conséquent dans les forts degrés de myopie, la difficulté de l’acte de la vision binoculaire, pour les objets très-rapprochés ne tient pas à l’accommodation mais elle tient à la difficulté de la convergence, le plus souvent en effet à cause de la longueur exagérée de l’axe antéro-postérieur de l’œil, les muscles internes ayant à déployer un effort considérable deviennent impuissants à maintenir la convergence.
Pour bien faire comprendre la différence qui existe entre la vision binoculaire du myope, et celle de l’œil normal ou emmétrope, nous prions le lecteur de jeter un coup d’œil sur la fig. 2 qui représente à la fois les amplitudes d’accommodation chez le myope et chez l’emmétrope. Nous voyons d’après ces courbes que pour un faible degré de convergence l’œil myope accommode beaucoup moins que l’œil emmétrope, mais à mesure que la convergence augmente, l’accommodation du myope devient au contraire plus considérable que celle de l’emmetrope. L’œil comprend facilement l’importance
de toutes ces questions, il est évident en effet Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/22 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/23 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/24 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/25 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/26 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/27 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/28 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/29 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/30 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/31 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/32 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/33 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/34 Page:Abadie - 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Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/91Symptômes et Diagnostic de l′asthénopie musculaire. — Un grand nombre de myopes viennent consulter le médecin, en accusant les symptômes suivants.
Depuis quelque temps le travail de la lecture, est devenu pour eux très fatigant, parfois même impossible avec les deux yeux, s’ils veulent s’obstiner et vaincre l’effort qu’ils ressentent pour la vision de près, ils ne tardent pas à éprouver une douleur sourde, dont l’intensité augmente rapidement, et finit par devenir pénible. Cette douleur a le plus souvent un siège constant, elle existe de chaque côté, au niveau de l’angle interne de l’œil et de la racine du nez, elle cesse dès que le malade interrompt son travail, pour reparaître de nouveau dès qu’il le reprend. S’il se repose pendant un laps de temps assez considérable, il peut recommencer à lire sans fatigue, mais bientôt, les lettres commencent à vaciller, à se déplacer les unes sur les autres, quelquefois elles sont doubles, la douleur particulière que nous avons signalée ne larde pas à se faire de nouveau sentir, et le malade se voit forcé encore une fois d’interrompre ses occupations.
Tous ces symptômes qui ont longtemps embarrassé les médecins, sont aujourd’hui parfaitement connus et rattachés à leur véritable cause, c’est-à-dire à l’insuffisance musculaire des droits internes.
Il est facile d’expliquer pourquoi l’on voit apparaître principalement dans la myopie progressive ces troubles d’équilibre musculaire.
Nous trouvons tout d’abord deux causes principales : 1° Les variations de grandeur de l’angle α qui est toujours très-petit, souvent nul, parfois même négatif. Or l’on comprend très-bien que si la ligne visuelle coupe la cornée en dehors de l’axe antéro-postérieur de l’œil, les muscles droits internes auront un plus grand effort à vaincre pour maintenir la convergence de ces mêmes lignes visuelles dans la vision de près.
En second lieu, l’obstacle principal tient précisément à la disposition anatomique de l’œil myope. L’axe antéro-postérieur en effet se trouvant augmenté les muscles droits s’insèrent plus obliquement que si le globe de l’œil était simplement sphérique. En outre comme la rotation en dedans quand l’œil a une forme ellipsoïdale se fait autour du petit axe vertical et que c’est le grand axe antéro-postérieur qui doit être déplacé, la résistance à vaincre devient plus considérable, et augmente par suite proportionnellement au degré de myopie. Enfin dans la question qui nous occupe on doit toujours tenir compte des différences individuelles et des dispositions congénitales, l’on voit quelquefois des malades placés dans les conditions que nous venons d’énoncer ne présenter aucun symptôme d’asthénopie musculaire, tandis que d’autres qui sont placés tout à fait en dehors en sont atteinte. Mais hâtons-nous d’ajouter que ces faits là sont exceptionnels.
Le diagnostic sera en général des plus faciles ; d’après le dire des malades on pourrait dans certains cas croire qu’il s’agit d’asthénopie accommodative, mais le seul fait que l’on a affaire à des myopes, permet presque d’éliminer cette dernière affection. Celle-ci en effet se rencontre surtout chez les hypermétropes, les douleurs n’ont plus le même siège, elles sont circumorbitaires, et c’est par un trouble général de la vue que s’annonce la perturbation de l’acte visuel, symptomatologie qui, comme on le voit, s’écarte nettement de la précédente.
Quand les muscles droits internes sont ainsi devenus insuffisants pour maintenir la convergence nécessaire pour la vision binoculaire de près, il se produit alors ce que l’on a désigné sous le nom de strabisme latent. Cette désignation est parfaitement juste, nous allons tâcher de la faire comprendre.
Quand un myope accommode dans les limites de sa vision binoculaire, il peut arriver que par un excès d’innervation de ses muscles droits internes il surmonte leur insuffisance, et qu’il maintienne ainsi le degré de convergence nécessaire à chaque œil pour la fusion des images. Il accomplit cet acte malgré lui par le fait même de la vision binoculaire qui cesserait d’exister, s’il se laissait entraîner par la force d’abduction des droits externes. Cet excès de force d’abduction de ces derniers muscles existe donc bien en réalité, mais il est latent, il est dissimulé par l’excès d’innervation qui est envoyée aux droits internes et qui les force à garder l’équilibre. Aussi que faudra-t-il pour le rendre manifeste ? simplement supprimer l’acte de la vision binoculaire ; qu’on vienne à cacher en effet un œil sous un verre dépoli, et l’on verra alors immédiatement cet œil qui n’est plus maintenu en place par le besoin de fixation, être entraîné par l’excès de force d’abduction du droit externe. La même chose se produit encore dans d’autres circonstances ; approchant par exemple petit à petit un objet des yeux d’un myope atteint d’insuffisance musculaire, au fur et à mesure que nous approchons l’objet, les efforts de convergence deviennent de plus en plus considérables, et il arrive un moment où ils ne peuvent plus lutter contre la force d’abduction des droits externes, et alors l’un des veux se dévie en dehors. Ceci nous explique très-bien pourquoi dans les hauts degrés de myopie, les malades ne se servent plus pour voir de près de la vision binoculaire, et ne lisent qu’avec un seul œil.
De Graefe a donné un moyen très-Ingénieux qui permet de déterminer facilement s’il existe ou non du strabisme latent et quel est son degré. Cette question a une grande importance, car c’est elle qui fournit pour ainsi dire les indications de la thérapeutique, et qui règle la conduite du chirurgien. Sur une feuille de papier blanc l’on trace une ligne noire très-fine sur laquelle est placé un gros point noir exactement traversé par son milieu. Cela fait, la feuille étant tenue devant le malade à la distance de la vision distincte, on lui dit de regarder avec les deux yeux la ligne et le point. Pendant que son attention est ainsi attirée, et qu’il se sert de la vision binoculaire, on place devant un œil un prisme à base inférieure ; aussitôt par le dédoublement de l’image dans le sens vertical, l’acte de fusion est supprimé, et les mouvements de l’œil sont désormais livrés aux puissances musculaires telles qu’elles existent en réalité. Si les droits internes et externes se font réellement équilibre, les images ne seront dédoublées qu’en hauteur, et par conséquent les deux lignes se confondant, le malade n’apercevra qu’une seule ligne et deux points superposés. Si au contraire le droit externe a une puissance d’abduction supérieure à celle du droit interne, elle sera mise en jeu, et immédiatement il verra deux lignes et deux points. Ces deux images seront croisées et d’autant plus écartées l’une de l’autre que le strabisme sera plus considérable.
En procédant à cet examen il faudra prendre les précautions suivantes qui sont assez importantes. D’abord la ligne devra être très-fine et le point assez gros, car si la ligne possède une assez grande largeur le malade, malgré le prisme vertical, cherchera à fusionner les deux images, et masquera par conséquent ainsi tout ou partie de son strabisme latent, Pour être bien sûr que le malade ne fait pas des efforts de fusion et que l’examen est rigoureux, il faut, lorsqu’il y a des images doubles, qu’en inclinant la base du prisme soit en dehors, soit en dedans, la distance horizontale des deux images change aussitôt. Dans le cas, au contraire, où il n’y a qu’une image, il faut qu’il apparaisse une diplopie croisée quand la base est tournée en dehors, homonyme quand elle est tournée en dedans. Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/97 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/98 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/99 Page:Abadie - Étude sur la Myopie stationnaire et progressive, 1870.djvu/100