Études littéraires, t1, 1890/Le doyen des critiques français, M. Sainte-Beuve et Port-Royal

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LE DOYEN

DES CRITIQUES FRANÇAIS



M. SAINTE-BEUVE ET PORT-ROYAL

Port-Royal, par C.-A. Sainte-Benve. Troisieme edition. Paris, Hachette et comp. 1867.

Le public littéraire de la Suisse française, de Lausanne en particulier, a quelques droits sur cet ouvrage. La première édition portait cette dédicace : A mes auditeurs de Lausanne. Pensé et formé sous leurs yeux, ce livre leur appartient. Sans la maintenir expressément, l’auteur la rappelle dans l’édition nouvelle, et il y ajoute dans les notes des éclaircissements précieux. Voyageant en Suisse dans l’été de 1837, il s’arrêta quelques jours à Lausanne, où il avait un ami, M. Juste Olivier, notre poëte. Dans le courant de la conversation, il exprima le regret de ne pouvoir trouver une année d’entier loisir pour mener à bonne fin ou mettre du moins en pleine voie d’exécution le projet qu’il nourrissait depuis longtemps d’une histoire de Port-Royal. Cette parole, jetée au hasard, ne tomba pas à terre. Peu de jours après, M. Olivier sondait M. Sainte-Beuve pour savoir s’il accepterait de faire à l’académie de Lausanne un cours d’une année sur Port-Royal. Il accepta, dit-il, avec gratitude, et deux mois après il venait s’installer à Lausanne avec toute sa bibliothèque janséniste.

Je m’enfermai, ajoute-t-il, ne voyant jamais personne jusqu’à quatre heures du soir les jours où je ne faisais pas cours et jusqu’à trois heures les jours où je professais. Ma leçon était de trois à quatre heures. J’en faisais trois par semaine, et le nombre total des leçons fat de quatre-vingt-une. Tout l’ouvrage fut construit et comme bâti durant cette année scolaire (1837-1838).

On sait le succès du cours ; il fut suivi par un public nombreux et sympathique, où ne manquaient ni les auditeurs éclairés, ni même les bons juges. M. Druey en entendit quelques leçons ; Vinet y assista, autant du moins que le lui permit sa santé, et maintenant que le cours est devenu un livre, son nom s’y trouve fréquemment, surtout dans l’édition nouvelle ; son souvenir y est associé.[1] Ce ne fut qu’après deux ans, en 1840, que parut le tome premier, et l’ouvrage ne fut achevé qu’au bout de vingt ans. On peut même dire qu’il ne l’est que d’hier, c’est-à-dire après trente ans, car cette dernière édition, enrichie de notes considérables, est presque un ouvrage nouveau.

Est-ce que M. Sainte-Beuve aurait écrit l’histoire de Port-Royal sans ses amis de Lausanne, et en particulier sans M. J. Olivier ? C’est probable, mais ce n’est pas absolument certain. Sa vie de Paris était, comme il le dit, morcelée, un peu dissipée et assujettie à des besognes journalières. Et puis il se pourrait que si M. Sainte-Beuve ne se fût pas mis à ce travail résolument et énergiquement vers le temps où il vint à Lausanne, il n’eût pas su plus tard s’y mettre comme il le fit alors. En tout cas, M. Olivier lui a fourni l’occasion et la retraite désirée. Est-ce un service qu’il lui a rendu ? Je le crois. Mais peut-être tout le monde n’en jugera-t-il pas ainsi. Avant que le Port-Royal fût achevé, on a pu l’envisager comme une étude à part, n’ayant pas de place nécessaire dans l’œuvre de M. Sainte-Beuve. On ne savait trop pourquoi un esprit si ouvert allait s’enfermer avec quelques solitaires obscurs. À vrai dire Port-Royal n’est pas un cloître ignoré ; de grands souvenirs s’y rattachent, et l’on aurait compris que M. Sainte-Beuve s’en fit une espèce de belvéder pour voir de là passer les illustres du XVIIe siècle, les uns à distance, les autres sous ses yeux. On aime, quand on est peintre, tout ce qui fait point de vue, et le XVIIe siècle, contemplé de Port-Royal, se déroule en perspective. M. Sainte-Beuve, qui est curieux, ne manque pas sans doute de regarder souvent par la fenêtre ; quelquefois même, il lui arrive de monter jusqu’à la lucarne du toit pourvoir plus loin. Néanmoins ce sont les vrais solitaii’es qui l’attirent surtout, et c’est avec eux, avec MM. de Saint-Cyran, Singlin, de Saci, qu’il passe la meilleure partie de son temps. Evidemment il faut qu’il ait pour eux un faible d’homme d’esprit, une légère manie d’amateur de curiosités. Voilà ce qu’on a pu dire et ce qu’on a dit en parcourant les premiers volumes, ce que plusieurs pensent encore, peut-être. M. Sainte-Beuve ne paraît pas en juger ainsi ; il s’est obstiné sur ce sujet, et il faut bien qu’il y attache une réelle importance. Distrait par mille travaux, il ne l’a jamais perdu de vue. Toujours, à ses heures de loisir, il a pris le chemin du monastère, et voici qu’il nous en revient encore avec tout un butin nouveau. Il a passé le temps des engouements de la jeunesse, et pourtant il est clair qu’il ne regrette pas les heures et les années qu’il a dépensées dans la compagnie des solitaires. Il faut qu’il ait ses raisons, et je crois que si on prend la peine de les examiner, on les trouvera excellentes. Maintenant que l’ouvrage paraît avoir reçu sa forme définitive, et qu’on peut le voir à sa place dans le vaste ensemble des travaux accumulés par M. Sainte-Beuve, il n’y figure plus à titre de hors-d’œuvre, mais il en est devenu un des centres, et volontiers je dirais le centre véritable. Ses Causeries du lundi sont et resteront plus populaires ; mais en un sens il y est moins lui-même, et si jamais on voulait lui appliquer ce procédé d’intime analyse qu’il a si souvent et si habilement employé, il faudrait faire de son Port-Royal une étude approfondie. Je soupçonne en outre que de tous ses travaux il n’en est aucun qui ait plus contribué aux progrès et à la pleine maturité de son talent, à tel point que si nous n’avions pas le Sainte-Beuve du Port-Royal, peut-être n’aurions-nous pas celui des Causeries du lundi.

M. Sainte-Beuve n’est pas de ces critiques qui, voyant un homme réussir dans un genre, en tirent la conclusion probable qu’il ne réussira pas dans un autre. Il sait trop bien que les dons ne viennent pas tout seuls, et que pour en avoir un, il faut en avoir plus d’un. Il insiste sur cette idée, et quoiqu’il ne se l’applique pas à lui-même, c’est en lui-même qu’il l’a trouvée. Il y a peu de talents plus opposés que celui du critique et du poëte, ce qui n’empêche pas que ses débuts n’aient été à la fois d’un critique et d’un poëte entre lesquels on put croire un moment qu’il allait se glisser un romancier. Le Tableau de la poésie française au XVIe siècle, et le recueil des Poésies de Joseph Delorme, sont à peu près contemporains. Les bons juges ont dû soupçonner dès l’abord que la vocation du critique l’emporterait sur celle du poète. Il n’est pas absolument rare qu’un jeune homme de vingt-quatre ans écrive des vers dans le genre de ceux de Joseph Delorme, et c’était moins extraordinaire encore dans les années qui précédèrent 1830, c’est-à-dire en pleine effervescence romantique ; mais ce qui est décidément rare et phénoménal, c’est qu’à vingt-quatre ans, on ait à ce degré le don de pénétration et surtout le don d’exactitude. Toutefois le grand public a pu demeurer en suspens. C’est la lutte engagée autour du nom de Ronsard qui nous a valu le Tableau de la poésie française au XVIe siècle, et cette lutte appartient à titre d’épisode à la grande bataille des romantiques et des classiques. Au centre, Victor Hugo frappe les coups décisifs ; à l’une des ailes, M. Sainte-Beuve le seconde par de vives et ingénieuses manœuvres. Il a lui-même bien marqué le caractère de son livre en donnant et consacrant à Victor Hugo le pindarique in-folio sur lequel il avait travaillé. C’était un des guidons qui avaient servi dans la mêlée, et dont, le soir du combat, l’heureux lieutenant faisait hommage au jeune et fougueux vainqueur. Cette visée polémique se retrouve dans la plupart des premiers écrits en prose de M. Sainte-Beuve. Poëte, il se sert de la critique pour s’ouvrir un chemin, à lui et aux siens. Il combat sous les drapeaux de Victor Hugo plutôt que sous ses ordres, en auxiliaire plutôt qu’en vassal, mais enfin il combat ; sa critique n’est point un jeu d’esprit, un simple passe-temps d’escrime érudite et poétique, c’est de la critique militante, et nous sommes sur un champ de bataille, où il y a des blessés et des morts.

Quelques années s’écoulent, et c’est à peine si l’on reconnaît M. Sainte-Beuve. À Joseph Delorme ont succédé les Consolations ; au Tableau de la poésie française, des articles de journaux et de nombreux Portraits littéraires. En poésie, M. Sainte-Beuve ne demande qu’un coin tranquille, propice à la rêverie, cher à l’amitié ; en prose, sa pensée travaille et court le monde, ne sachant où se poser. Un moment on peut croire qu’il va devenir saint-simonien, tant il parle avec emphase de la grande idée humanitaire ; puis tout aussitôt il se laisse prendre à demi par le catholicisme flamboyant de Lamennais, ce qui ne l’empêche pas d’avoir des retours en plein Diderot, et cependant, au travers de ces métamorphoses, se continue la veine discrète de poésie :

Vivre, sachez-le bien, n’est ni voir ni savoir,
C’est sentir, c’est aimer ; aimer c’est là tout vivre.

Ce serait mal entendre M. Sainte-Beuve que de chercher à le saisir dans un de ces moments successifs ; la vérité de son caractère ne se montre que dans l’ensemble. Il faudrait du temps et des informations exactes et sûres pour démêler toutes les causes de cette apparente versatilité. J’en juge à distance, mais il est facile, ce me semble, d’en indiquer au moins une, la plus considérable peut-être. On parle trop souvent des hommes comme si leurs opinions se formaient d’une manière abstraite, et n’étaient que le résultat d’un syllogisme vainqueur. Combien rarement il en est ainsi ! Nos opinions ne sont que notre vie intérieure réfléchie par la raison, traduite en idées. S’il y a en nous des forces cachées qui languissent sans emploi et portent le trouble autour d’elles, ou bien si ces forces, déjà déployées, n’ont pas encore réussi à se combiner pour agir, si elles nous tirent en sens divers, nos opinions ne sauraient manquer de reproduire exactement ce trouble et ce combat. Il en fut ainsi de M. Sainte-Beuve. Il avait de la poésie dans l’âme, ses vers ont de l’accent ; néanmoins il est certain que le simple rêve poétique ne pouvait pas suffire à une nature si diversement douée, et l’on peut croire que sans Victor Hugo il aurait été poète d’une manière plus discrète encore, plus cachée et réservée. Mais on n’était pas impunément l’ami de Victor Hugo, et, la jeunesse aidant, il arriva que le poëte, chez M. Sainte-Beuve, entraîna d’abord le critique. Puis ils se dégagent l’un de l’autre et semblent aller chacun leur chemin. Le poëte n’y perd pas, il donne toujours la note intime ; mais le critique en souffre, il ne peut pas se déployer au large, il n’attire à lui qu’une partie des forces vitales, et malgré des prodiges de finesse, il a je ne sais quoi de relativement aride, il laisse une vague impression de sécheresse, on dirait qu’il s’agite en dehors sans tenir à l’âme. Les variations de M. Sainte-Beuve trahissent le secret malaise, la sourde inquiétude d’un talent qui n’a pas encore trouvé son emploi définitif et complet. Je crois qu’il a été très heureux pour lui que les circonstances l’aient ainsi divisé et jeté dans tant de voies diverses. Quand les forces disjointes se sont de nouveau réunies, il ne s’en est trouvé que plus riche ; mais en attendant il avait donné le spectacle d’une étrange versatilité, et le grand public, qui a coutume de s’en tenir à l’apparence, a eu dès lors quelque peine à le prendre tout à fait au sérieux.

Cependant, cette période obscure ne pouvait pas se prolonger ; le jour devait se faire tôt ou tard, et il se fait dans le Port-Royal. C’est là que l’on voit enfin la vie poétique de M. Sainte-Beuve tourner tout entière au profit de sa vive curiosité d’intelligence et seconder le critique sans l’asservir. Peut-être fallait-il un tel sujet pour rendre cet accord possible. Port-Royal, n’est-ce pas le nid caché, le chez-soi tranquille, à l’étroite enceinte, la solitude pleine de méditations, que M. Sainte-Beuve se serait faite quelque part sur le mont sacré de la poésie, s’il y eût élu domicile pour toujours ? Dans ses Portraits littéraires antérieurs, il y avait des pages excellentes, des aperçus merveilleusement ingénieux, des physionomies en grand nombre finement dessinées ; mais jamais encore on ne l’avait vu s’attacher à ses personnages, — des personnages pour la plupart inconnus, — avec une telle sympathie de curiosité, les deviner dans l’ombre et entretenir avec eux un commerce d’aussi intime familiarité. Il se retrouve dans les solitaires de Port-Royal ; ils ont quelque chose de son imagination méditative et tournée en dedans ; ils ont les prémices de ces souffrances sans nom, de ces inquiétudes vagues et profondes qui, de nos jours, ont tourmenté tant d’âmes et auxquelles M. Sainte-Beuve n’a point échappé ; ils ont l’amour de la retraite, l’amour de l’observation et de la pénétrante analyse des choses intérieures. À vrai dire, leur piété est bien un peu rigide ; mais dans ce temps-là M. Sainte-Beuve était religieux lui-même, il l’était au moins par l’imagination, comme on l’est volontiers dans ces heures douteuses où quelque chose en nous, ne fût-ce que le talent, cherche un appui. Tous ceux qui l’avaient successivement entraîné : Saint-Simon, Lamennais et Diderot lui-même, dans l’enthousiasme de son athéisme, n’étaient-ils pas religieux à leur manière ? Il se peut que M. Sainte-Beuve ne se soit pas fait dès l’abord une juste idée des aspects sévères de son sujet ; mais avec moins de religion les solitaires de Port-Royal l’eussent moins attiré. Leur austérité, d’ailleurs, n’est pas sécheresse. En dépit du grand Arnauld, comme on l’appelait autrefois, ils sont moins discuteurs et disputeurs que conseillers intimes et soigneux directeurs des âmes. Et s’il s’y mêle un peu trop de théologie abrupte, cela même ne faisait qu’ajouter à l’attrait ; le critique y trouvait ample matière à s’exercer, et puis le plaisir qu’on éprouve à se retrouver en autrui, n’est-il pas bien autrement assaisonné quand il est plus inattendu, et que la sympathie se fait jour à travers des mœurs différentes, malgré la diversité des temps, de l’éducation, du costume et du langage ?

M. Sainte-Beuve dut jouir vivement lorsque, à Lausanne, il put s’absorber dans Port-Royal. Son livre en porte la trace, et volontiers nous le prendrions au mot, nous autres Vaudois, lorsqu’il parle dans sa préface de toutes les harmonies et concordances qui, sur les rivages de notre beau lac, présidèrent à l’éclosion de l’œuvre ; mais si réellement il jouit de ces concordances extérieures, dont il parle si bien, c’est que sentant s’ouvrir la grande veine de son talent, il travaille avec bonheur, confiance et sérénité. Le poëte est maintenant au service de l’investigateur ; il lui apporte tout ce qu’il a de divination, et il en résulte une critique vivante, complète, d’où toute sécheresse a disparu, et qui demeurera comme une des formes qu’a revêtues la poésie, dans ce siècle d’analyse, lequel, entre toutes les manifestations de la puissance créatrice, a surtout connu la résurrection du passé.

À ce point de vue déjà, le Port-Royal de M. Sainte-Beuve peut être envisagé comme faisant centre dans son œuvre ; il marque le moment où s’est définitivement établie la juste hiérarchie entre les diverses aptitudes de son talent. Son dernier recueil de poésies, les Pensées d’août, date de l’année même où il vint, vers l’automne, s’établir à Lausanne. Il ne fera plus de vers désormais, ou il n’en fera qu’à de rares intervalles, ce qui ne veut pas dire que le poëte soit mort, mais seulement qu’il s’est absorbé dans le critique.

Mais si M. Sainte-Beuve devait passer par Port-Royal, il ne devait point s’y renfermer. Il y trouva, d’une façon toute humaine, l’équilibre du talent, et c’est la seule grâce que lui aient value de si longues relations avec ces austères théologiens de la grâce. Il put dès lors aller de tout cœur aux travaux qu’il entreprenait, sans sentir en lui la sourde inquiétude des facultés inemployées et des besoins inassouvis. Quand une fois on en est là, on va de l’avant. Ainsi fit M. Sainte-Beuve. Il était loin encore d’en avoir fini avec les solitaires de Port-Royal, que déjà il se trouvait à l’étroit dans leur paisible demeure, et qu’il s’échappait pour essayer ailleurs ses forces nouvelles. Les portraits littéraires se multiplient sous sa plume, et toujours on l’y sent plus à l’aise, déployant un esprit plus pénétrant et plus dégagé. En lui plus de contradictions, au dehors plus d’obstacles ni de barrières. L’horizon s’ouvre, et il se porte d’un point à l’autre avec une égale facilité. Sous quelque forme que lui apparaisse la vie humaine, il y entre, il la comprend, il la reproduit. Son style, autrefois plein de recherches, inquiet comme sa pensée, contourné, calculé, tout ensemble nuancé et heurté, insinuant et cassant, devient net, délié, rapide, sans cesser d’être ondoyant et riche. Sa phrase exprime en même temps l’éloge et le blâme, le fait et ses accessoires, la forme et ses accidents, la règle et l’exception. De tout temps elle y avait visé, de tout temps elle y avait réussi, mais on sentait le tour de force ; maintenant elle n’est ni moins souple ni moins ingénieuse, mais elle est souple comme la réalité, ingénieuse comme la nature. M. Sainte-Beuve est de tous les écrivains français celui qui est devenu le plus habile à dire deux choses à la fois. Que cette habileté ait dû s’acquérir, c’est ce qui est trop évident ; on voit M. Sainte-Beuve se faisant la main, et c’est là, pour le dire en passant, ce qui le distinguera toujours de Voltaire, dont il a fini par rappeler l’abondance et la facilité. Voltaire n’a pas fait cet apprentissage ; sa plume naquit légère, et dès le premier jour il fut le plus alerte des écrivains français. Mais qui dit acquis ne dit pas nécessairement factice ; l’éducation est nature aussi, et peut-être n’y a-t-il rien de plus remarquable dans l’histoire du style de M. Sainte-Beuve que cet art qui s’efface et ces qualités cherchées qui finissent par couler de source. Et à supposer même qu’il restât çà et là quelque trace de la tension première, le spirituel critique aurait toujours pour excuse la richesse de la pensée moderne, pensée à mille faces. Personne n’admire et ne goûte plus que moi le facile mouvement et la transparence de Voltaire. Il n’en est pas moins vrai qu’il y a quelque pauvreté relative dans cette phrase courte et juste, qui serre à la taille une pensée dégourdie. Venant aujourd’hui, s’il est possible de concevoir de semblables transpositions, le style de Voltaire perdrait la moitié de sa valeur. Il n’est parfait qu’en son temps et en son lieu, adapté à la vie intellectuelle du XVIIIe siècle, dont il réfléchit les qualités et les défauts, la hardiesse, la légèreté, et cette vivacité d’un bon sens un peu étroit, volontiers persiffleur, que l’épicuréisme accompagne, et qui y va sans scrupules, renversant d’un tour de main tout ce qui le gêne et le dépasse. Pourquoi ne pas le dire ? Voltaire est trop clair pour nous, le demi-jour lui manque. Moins parfait en son genre, ou plutôt n’ayant atteint à sa perfection que tardivement et à la suite d’exercices prolongés, le style de M. Sainte-Beuve n’en témoigne pas moins, dans sa variété nuancée et surabondante, d’une vie intellectuelle plus large, qui s’alimente à plus de sources. Et le mérite de M. Sainte-Beuve est d’en avoir exprimé la richesse sans embarras. C’était là le problème, car le génie propre de la langue française est celui de la facilité. Elle ne redoute ni la profondeur, ni l’infinité des nuances et des aperçus, mais à une condition, que l’aisance y soit.

C’est donc à partir de ces premières années passées à Port-Royal que commence pour M. Sainte-Beuve l’ère du progrès, progrès constant, fécond, toujours grandissant, et dont nous avons vu le dernier terme dans les Causeries du lundi, lorsqu’il a entrepris d’appliquer à tous les sujets possibles cet art de résurrection et de vivante critique. Donner tous les lundis un nouveau portrait, fin, juste, animé ; ressusciter d’innombrables types individuels plus ou moins effacés, les faire vivre et marcher devant nous, y mettre autant de sagacité, autant de divination que dans les portraits minutieusement étudiés des solitaires de Port-Royal, et s’astreindre néanmoins aux exigences de la presse quotidienne qui lui mesure le temps et l’espace : telle est la gageure que M. Sainte-Beuve a tenue pendant des années et des années, sans trace de fatigue. Le journal a été servi à souhait, jamais trop, jamais trop peu, toujours à temps, jamais rien d’ardu ni de précipité ; l’auteur cependant ne s’est point écarté des sévères conditions de son art ; il n’a fait que le plier à une forme nouvelle, courante et à la portée de tous.

Je n’ai pas à relever ici quelques-uns des défauts que l’on a reprochés à tort ou à raison aux Causeries du lundis, et qui reviennent pour la plupart à des péchés de complaisance. M. Sainte-Beuve s’en est expliqué assez franchement ; il ne tient qu’à nous de deviner entre les lignes. Le temps me manque également pour m’arrêter à la tentative hardie par laquelle il a voulu donner un attrait de plus aux Nouveaux lundis, celui de la libre et franche discussion des contemporains, amis ou ennemis — tentative plus facile pour les ennemis que pour les amis, comme l’événement l’a prouvé. — Je prends l’ensemble, et je le trouve bien caractérisé par l’auteur lui-même, lorsqu’il en a parlé comme d’une histoire naturelle des talents et des caractères. Il est exact, substantiel, il tend à classer en décrivant ; sa manière rappelle les méthodes de la science, et ce n’est peut-être pas sans raison qu’il s’est appelé le naturaliste des esprits. Mais à ce mot se posent aussitôt des questions qu’il vaudrait la peine d’examiner sérieusement, et que je ne puis qu’effleurer. Y a-t-il lieu à cette fonction de naturaliste des esprits ? Peut-on réellement appliquer aux individualités humaines les méthodes descriptives de la science, et à supposer qu’on le puisse, M. Sainte-Beuve y at-il réussi ?

Je soupçonne que la prétention de M. Sainte-Beuve a quelquefois étonné et a pu faire sourire. On envisage les sciences naturelles comme essentiellement occupées à nommer et à définir des espèces, et quelles espèces M. Sainte-Beuve a-t-il nommées ou définies ? il a dépeint des individualités ; il n’est pas sorti des accidents, de ce qui est accessoire et éternellement variable. Passe encore si dans chaque cas particulier il avait pu remonter quelques générations en arrière et démêler l’obscure formation des talents dont il étudiait les aptitudes, ou bien s’il lui avait été possible de comparer fréquemment le tour d’esprit de ses héros avec la forme de leur crâne, l’ampleur et la complexion de leur cerveau. Voilà qui aurait pu fournir aux savants des lumières utiles et les mettre sur le chemin de quelque découverte ; mais que leur importe que l’on étudie avec amour et que l’on apprécie avec finesse les qualités d’esprit de vingt, trente ou même cent particuliers, s’appelassent-ils Racine, Voltaire, Rousseau, Chateaubriand ?

Telle est l’objection qu’a soulevée et que soulève encore la prétention de M. Sainte-Beuve à être le naturaliste des esprits, prétention dont on voit de bonne heure des traces dans ses écrits, mais qu’il n’a hautement déclarée qu’assez tard. Que l’objection soit fondée ou non, il est probable que pour la majorité des lecteurs l’œuvre de M. Sainte-Beuve ne sera pas celle d’un naturaliste. Tous les hommes qui regardent autour d’eux ou seulement en eux-mêmes, acquièrent avec les années un certain fonds d’expérience et d’observation, précieux sans doute, mais qui n’est pas à proprement parler de la science, parce qu’il y manque l’enchaînement et la classification. En vivant, on apprend à connaître les hommes, utile savoir, sagesse indispensable, qui profite nécessairement de la lecture et de l’étude, comme de tout ce qui étend le cercle de notre horizon. Or, le premier mérite de M. Sainte-Beuve restera toujours, aux yeux de la plupart de ses lecteurs, d’avoir contribué plus qu’un autre à enrichir ce fonds de sagesse pratique. Aucun des écrivains et biographes modernes ne nous a fait voir le jeu de la vie humaine diversifié dans un plus grand nombre de types. Il n’est pas difficile de montrer son esprit en parlant du prochain ; mais il est plus difficile et plus méritoire de montrer l’esprit d’autrui, et c’est un art où M. Sainte-Beuve a tellement excellé que plusieurs des écrivains dont il a tracé le portrait ont dû éprouver quelque malaise en se sentant pénétrés à ce point. Parlant d’eux-mêmes dans l’intimité, ils n’auraient pas dit si bien, mais ils n’auraient pas dit autre chose. Le prêtre qui écoute les aveux de la pénitence ne pourrait pas nous en apprendre davantage. M. Sainte-Beuve est mieux qu’un critique, c’est un confesseur.[2]

On lui accordera en outre ce mérite, déjà plus scientifique, d’avoir, autant qu’il l’a pu, réuni des détails de nature à jeter quelque jour sur la filiation des talents. Il est attentif à placer ceux dont il parle dans leur juste milieu, à les entourer de leur famille, de leurs amis, de leur monde ; il cherche les indices précurseurs de leur talent chez le père, la mère, l’aïeul, les ancêtres, et il en montre chez les descendants les restes dégénérés ; il n’oublie pas non plus de dire comment ils ont pu être modifiés par des influences plus générales. Le caractère n’est pas pour lui quelque chose de donné et de fatal ; c’est un résultat complexe, et il travaille à en démêler les éléments, de telle sorte que si l’on refuse à M. Sainte-Beuve le titre de naturaliste, au moins faut-il reconnaître que la science trouvera à glaner dans ses œuvres toute une gerbe d’utiles observations.

Mais je vais plus loin, et je n’hésite pas à reconnaître à M. Sainte-Beuve un mérite d’ordre tout à fait scientifique, et dont l’importance grandira avec le temps. L’objection que l’on fait valoir contre lui se rattache à la manière dont on conçoit le plus ordinairement la notion de l’espèce. Directement ou indirectement on y rattache l’idée de création. À une époque quelconque, un être auparavant inconnu, — plante, animal, peu importe, — est apparu sur la terre. Il a été l’objet d’un fiat particulier. La puissance qui l’a créé ne lui a pas seulement donné une certaine forme, elle l’a rendu capable de produire des êtres semblables à lui, et l’espèce est représentée d’une manière concrète et vivante par l’ensemble de sa postérité. Cette vue de l’espèce conduit à restreindre le nombre des espèces, afin, s’il est permis de parler ainsi, de ne pas abuser de la puissance créatrice. Cela peut sembler étrange, car comment abuser de l’infini ? Mais dans les choses de la science l’intervention divine est un moyen extrême. Elle marque le terme de nos recherches, et il est tout simple que nous nous efforcions de le reculer autant que possible. Aussi les naturalistes qui travaillent avec cette arrière-pensée de l’espèce créée une fois pour toutes, sont-ils enclins à envisager comme des accidents sans portée tout ce qui s’appelle variétés, formes, ports, anomalies, etc. Ils n’aiment ni les hybrides ni les intermédiaires, et leurs catalogues sont ordinairement les plus courts. Là est le grand inconvénient pratique de l’idée préconçue de la permanence de l’espèce, elle conduit sans qu’on s’en doute à observer la nature en gros. Or la plupart des progrès accomplis par la science moderne ont été le produit d’études minutieuses, et l’on sent de plus en plus qu’il faut entrer dans le détail et le poursuivre jusqu’aux dernières limites du possible. Au fond, cette idée d’espèce représente à sa manière le besoin d’unité qui en toute chose travaille l’esprit humain ; mais elle est obscure et sommaire, et la seule manière de l’élucider est de procéder à une vaste enquête historique qui détermine jusqu’à quel point la variété peut s’introduire dans une seule et même postérité. L’enquête est commencée ; on la poursuit énergiquement, toutes les sciences ont été mises de réquisition ; mais en attendant que l’on ait des résultats positifs, l’idée même d’espèce est comme suspendue, et le mot n’existe plus dans la langue scientifique qu’à titre provisoire. Les naturalistes les plus éminents avouent qu’ils ne connaissent aujourd’hui que des formes plus ou moins distinctes, dont ils étudient la filiation soit en observant la nature vivante soit en interrogeant les restes du passé. En apparence la science s’est appauvrie, elle s’est enrichie en réalité. Autrefois, quand le botaniste parcourait une prairie au printemps, il y récoltait, comme le premier venu, une violette odorante et une violette inodore, dont les fleurs variaient du violet au blanc. Aujourd’hui, sans tenir compte d’un caractère aussi inconstant que celui de la coloration des fleurs, il récoltera dans la même prairie cinq ou six violettes, — peut-être plus, — nettement distinctes et reconnaissables à distance pour tout œil exercé. Il en est de même pour la moitié du règne végétal. Examinée de plus près et avec une attention plus ingénieuse, la nature a découvert une richesse de formes qu’on ne lui soupçonnait pas auparavant, et qui ne paraîtra rien en comparaison de sa richesse probable si l’on songe au peu d’étendue des territoires sérieusement explorés. Aussi ne s’attache-t-on plus seulement à quelques caractères saillants ; on observe et l’on tâche de décrire la physionomie, les mœurs, le mode de croissance ou de développement de tous les êtres qui nous entourent, et au lieu de négliger les accidents, on les note avec un soin minutieux, dans l’espoir d’y surprendre à l’état naissant le passage d’une forme à une autre.

C’est par là que la science moderne me paraît se rapprocher de l’esprit dans lequel a travaillé M. Sainte-Beuve. Lui aussi, il a décrit des formes, et plus il a observé, plus il les a vues se multiplier. N’eussent-elles réellement qu’une valeur individuelle, l’étude qu’il en a faite ne serait point dépouillée de toute importance scientifique, puisqu’à mesure qu’on entre plus avant dans les voies historiques, l’individu acquiert plus de prix aux yeux de la science. Il ne serait pas exact d’ailleurs de ne leur attribuer qu’une valeur individuelle, car il en est bien peu qui ne représentent des types, derrière lesquels on voit se grouper toute une famille. Indépendamment et au-dessus de cette connaissance pratique des hommes que M. Sainte-Beuve a tant contribué à enrichir, il y a une science de l’humanité qui n’est encore qu’en formation, et dont les progrès ne seront rapides que lorsqu’on aura un grand nombre de descriptions individuelles se rapportant à tous les groupes humains. M. Sainte-Beuve lui a fourni une ample moisson de renseignements qui s’étendent à diverses époques et à divers pays, mais dont l’abondance est presque inépuisable en ce qui concerne le groupe français, à partir du seizième siècle jusqu’à nos jours.

Et à le prendre ainsi, tout à fait sérieusement, comme naturaliste des esprits, son Port-Royal occupe encore une place centrale dans l’ensemble de son œuvre. Plus la nature paraît riche, plus la vie paraît courte ; aussi tous ces naturalistes descripteurs usent-ils d’adresse pour embrasser dans le peu de temps qui leur est donné une plus grande partie d’un si vaste ensemble. Incapables de tout approfondir également, ils font choix de quelques familles ou de quelques groupes qu’ils étudient avec un soin plus minutieux, afin qu’il y ait au moins quelques sujets qu’ils aient traversé de part en part. L’instruction qu’ils y trouvent se reporte d’elle-même sur les sujets voisins. Dans quelque genre que ce soit, les plus savants ne sont aujourd’hui que ceux qui, avec une culture étendue, ont touché le fond sur un plus grand nombre de points. M. Sainte-Beuve en a plus d’un, de ces points où il a touché le fond, et le premier de tous, celui où décidément il est maître et peut en remontrer à chacun, est sans doute Port-Royal. Et ici l’analogie est facile à poursuivre entre ce qu’il a fait et ce que font à l’ordinaire les purs naturalistes. Port-Royal représente moins une idée ou une institution qu’un type de piété, lequel s’est varié selon le caractère de chacun de ceux qui aspirèrent à le réaliser. Les solitaires de Port-Royal forment une famille morale, et l’une des plus distinctes dont l’histoire fasse mention. M. Sainte-Beuve a voulu la connaître homme par homme ; il a recherché comment le type s’en était reproduit dans chacun ; il a noté toutes les variantes, toutes les déviations, et l’on peut dire qu’il y a trouvé le sujet d’une monographie comme on en fait en botanique ou en zoologie. Et c’est aussi pourquoi, au lieu de s’en tenir aux célébrités, ainsi que le lui auraient conseillé la plupart des hommes de lettres, il a tiré au grand jour une foule de noms obscurs et retracé longuement des vies ignorées. Les purs littérateurs lui en feront un reproche, et l’on verra probablement circuler dans les futurs manuels de littérature une phrase stéréotype sur les longueurs que n’a pas évitées cet ingénieux écrivain ; mais les vrais moralistes et ceux qui, comme lui, aiment à retrouver l’esprit sérieux de la science dans les choses littéraires, ne lui seront de rien plus reconnaissants que de ces prétendues longueurs, car l’originalité de l’œuvre et sa beauté est de montrer l’idéal chrétien, tel que l’a conçu Port-Royal, reproduit dans le plus grand nombre possible de types individuels. Il s’est attaché à tous ceux qu’il a pu saisir, et par là il a enrichi la littérature française non-seulement d’un ouvrage qui restera, mais d’une application nouvelle de l’esprit critique. Cette méthode demande à être appliquée avec discernement ; mais il était dans les exigences du talent de M. Sainte-Beuve de pouvoir l’employer une fois jusqu’au bout, et il eût vainement cherché un groupe auquel elle fût mieux appropriée.

Ainsi, de quelque manière qu’on l’envisage, Port-Royal nous apparaît comme l’œuvre par excellence de M. Sainte-Beuve, et plus on l’étudié, plus on découvre de rapports entré le sujet et le talent de l’auteur. Toutefois on se demandera si l’harmonie est parfaite, et s’il n’y a pas discordance au moins sur un point ? Victor Hugo, qui a rarement parlé de Port-Royal, dut en dire quelques mots en recevant à l’Académie M. Sainte-Beuve ; il y mit de l’éclat, des couleurs voyantes, et M. Sainte-Beuve l’en blâme avec justice : on entre plus discrètement dans cette maison d’humilité. N’y aurait-il pas une discordance du même genre, moins sensible dans le ton, non moins réelle au fond, entre les dispositions des solitaires et celles de leur biographe ? Il se pourrait même qu’il y en eût plus d’une, car voici trente ans révolus que M. Sainte-Beuve faisait son cours à Lausanne, et il a eu dès lors le temps de changer.

N’ayant pas entendu le cours de M. Sainte-Beuve, je n’en puis parler que par ouï-dire. La plupart de ses auditeurs n’eurent pas le sentiment d’une discordance. Ils comprirent bien que M. Sainte-Beuve ne se livrait pas entièrement ; mais du moins il ne franchissait le seuil de l’enceinte vénérée que le front découvert, et chacun de ses discours respirait la sympathie et le respect. Toutefois il y eut aussi des dissidents. Si quelques auditeurs bénévoles le crurent en bon chemin de conversion, d’autres ne virent qu’un piège dans cette façon toute littéraire de traiter des matières théologiques.

Il ne reste du cours fait à Lausanne que le seul Discours préliminaire, et il me paraît donner tort à ceux qui tenaient déjà M. Sainte-Beuve pour un converti. La dernière page, entre autres, un paysage finement et curieusement décrit, n’eût pas été dans le goût des solitaires. On y sent la gentillesse de l’esprit, et le contraste est frappant entre le sérieux du sujet, déjà entrevu, et cette jolie conclusion qui assimile Port-Royal à un de ces reflets d’automne qui, sous un ciel brumeux, font miroiter les eaux du Léman. La lumière est ménagée sans doute ; mais ces miroitements et ces chatoiements sont-ils mieux à leur place que l’éclat de Victor Hugo ? En relisant ce discours et en y rattachant tout ce que j’ai ouï dire des leçons de M. Sainte-Beuve, je me figure que c’est dans les notes qu’il faut chercher la principale différence entre le ton de l’ouvrage en voie de publication (tome premier) et celui du cours de Lausanne ; or ces notes sont de nature à dissiper toute illusion, et elles ont évidemment été calculées dans ce but. « Je ne suis en Port-Royal qu’un amateur, scrupuleux il est vrai, mais qui se borne à commenter moralement et à reproduire. »[3] Et quatre pages plus loin, à propos de la démangeaison qu’a tout le monde de savoir beaucoup et de belles choses, démangeaison qui est, selon M. de Saint-Cyran, la plus grande tentation qui nous reste du péché d’Adam : « Et c’est cette démangeaison même qui nous pousse, vous peut-être qui lisez et moi qui écris, à savoir si à fond Saint-Cyran sans l’imiter. »[4] Tant de précautions étaient peut-être inutiles, car l’esprit qui les a dictées ne diffère pas de celui qu’on sent ailleurs dans le corps de l’ouvrage. Il y a du dilettante chez M. Sainte-Beuve, c’est un amateur, et il laisse l’impression d’un esprit délié qui se pique de pénétrer tous les mystères de la piété. Il est peintre, et il a pour lui l’agrément ; mais les solitaires ont l’avantage de la dignité.

Quelques années plus tard, vers le temps à peu près où M. Sainte-Beuve publiait le tome troisième de son Port-Royal, il écrivit la page suivante, qu’il donna plus tard au public, et qu’il a bien fait de reproduire dans l’édition actuelle (tom. II, pag.513), car elle est indispensable dans cette espèce de commentaire personnel, auquel, tout en parlant de Port-Royal, il se livre par réflexion.[5]

Je suis l’esprit le plus brisé et le plus rompu aux métamorphoses. J’ai commencé franchement et crûment par le dix-huitième siècle le plus avancé, par Tracy, Daunou, Lamarck et la physiologie : là est mon fond véritable. De là je suis passé par l’école doctrinaire et psychologique du Globe, mais en faisant mes réserves et sans y adhérer. De là j’ai passé au romantisme poétique et par le monde de Victor Hugo, et j’ai eu l’air de m’y fondre. J’ai traversé ensuite ou plutôt côtoyé le Saint-Simonisme, et presque aussitôt le monde de Lamennais, encore très catholique. En 1837, à Lausanne, j’ai côtoyé le Calvinisme et le Méthodisme, et j’ai dû m’efforcer à l’intéresser. Dans toutes ces traversées, je n’ai jamais aliéné ma volonté et mon jugement (hormis un moment dans le monde de Hugo et par l’effet d’un charme), je n’ai jamais engagé ma croyance ; mais je comprenais si bien les choses et les gens que je donnais les plus grandes espérances[6] aux sincères qui voulaient me convertir et qui me croyaient déjà à eux. Ma curiosité, mon désir de tout voir, de tout regarder de près, mon extrême plaisir à trouver le vrai relatif de chaque chose et de chaque organisation, m’entraînaient à cette série d’expériences, qui n’ont été pour moi qu’un long Cours de physiologie morale.

M. Sainte-Beuve sait fort bien l’impression que produisirent sur ses anciens auditeurs ces révélations hardies. Elles donnaient raison aux dissidents, et il a passé dès lors pour s’être un peu moqué de ces bons Lausannois chez lesquels il avait trouvé « abri et soleil ». Quelques-uns cependant se sont refusés à les prendre à la lettre, et n’ont voulu y voir qu’un mouvement de fausse honte, le désir de se faire pardonner par les profanes le sérieux de ses visites à Port-Royal. Peut-être n’y a-t-il besoin pour les expliquer d’aucune supposition pareille. Elles sont bien dans la ligne suivie par M. Sainte-Beuve, et s’il faut lui supposer un moment de hardiesse pour les avoir jetées au public, il n’y a qu’à le prendre tel que nous l’avons vu pour trouver très naturel qu’il les ait écrites et serrées dans son tiroir. Est-ce à dire qu’il faille les prendre à la lettre. J’en doute beaucoup. Les hommes qui ont eu une enfance chrétienne, puis une jeunesse agitée, et qui plus tard reviennent à la religion de leur enfance, les Racine, par exemple, ont coutume, lorsque du port où ils sont rentrés ils considèrent le chemin parcouru, de voir partout la grâce première, présente jusque dans leurs égarements et qui travaille à les ramener. Illusion, disent les libres moralistes, et M. Sainte-Beuve tout le premier, ce qui n’empêche pas qu’à son tour, lui, le plus libre de tous, l’esprit le plus brisé et le plus rompu aux métamorphoses, il ne donne en plein dans la même illusion. Il a commencé par le dix-huitième siècle, et lorsque, après avoir flotté de part et d’autre, il retourne à son point de départ, ou peu s’en faut, le voilà qui se persuade qu’au milieu de toutes ces métamorphoses il a toujours été le même, et que le fond premier, sa grâce à lui, ne l’a jamais abandonné. On a beau faire, on ne sort pas de soi, on ne sort pas du présent, et quand on se regarde à distance, on se juge non tel qu’on était, mais tel qu’on se voit à travers la pensée actuelle, qui colore de ses teintes les pensées d’autrefois. Les plus fins y sont pris comme les plus naïfs, et on s’y achoppe au moment même où l’on se vante de ne plus s’achopper à rien. Cette page n’est vraie qu’à son jour et à son heure. Elle indique le moment où M. Sainte-Beuve s’est senti libre de toutes les influences antérieures et en a eu clairement conscience. Il a d’ailleurs moins côtoyé et il est plus entré qu’il ne dit. Il avoue un moment d’oubli, dans le monde de Victor Hugo, et sous l’effet d’un charme ; mais le charme a agi en divers temps et sous diverses formes. Il est difficile de dire quand M. Sainte-Beuve a été le plus attiré par Port-Royal ; mais je serais bien surpris si ce n’était pas avant son séjour à Lausanne, au milieu de sa vie de Paris, dans certains moments de lassitude et de retour sur soi. C’est en 1829 déjà qu’il écrivait les Larmes de Jean Racine, Quand il commence à professer Port-Royal, et à le confronter avec les types vivants de piété et d’austérité que lui offrait la société vaudoise, le critique a déjà pris le dessus. Il jouit de son travail, de son activité nouvelle, plus que jamais féconde et facile ; mais il se livre de moins en moins, il a des fuites, des retours, des refuites, et quand enfin, après dix ans, il écrit la page que nous venons de citer, c’est que le charme a cessé, mais pour faire place à un charme nouveau, celui du dégagement complet et de la liberté illimitée. Cette page marque le point extrême du contraste dont le Discours préliminaire offre les premières traces, — à force de jouer avec ses personnages, M. Sainte-Beuve finit par les railler, — et en même temps elle annonce un contraste nouveau, plus sérieux peut-être, non moins pénible pour la foi, mais qui n’aura plus rien de choquant pour le jugement ni pour le bon goût. M. Sainte-Beuve a fini de côtoyer et de louvoyer. Il va, sans tant de façons, faire ressortir les grands et les petits côtés de son sujet, en sorte qu’après le Port-Royal raconté par un dilettante, nous aurons le Port-Royal jugé par le bon sens. Il avait précédemment des sourires et des agaceries, il faisait au lecteur de petits signes d’intelligence ; maintenant il aura le mot cru au besoin. Il définira, par exemple, la sœur Rose : « une Mme  Guyon, janséniste, ennemie de l’autre, sainte contre sainte. » Ce sainte contre sainte, il ne l’aurait jamais dit à Lausanne. C’est égal, on l’aime mieux ainsi ; cela s’appelle parler français ; on sait du moins à quoi s’en tenir, et il n’y a pas tant à prendre garde. Et non-seulement c’est plus net, mais c’est plus digne et plus sérieux. Les solitaires représentent un point de vue, M. Sainte-Beuve en représente un autre, et quel que soit celui qu’on choisisse, on ne peut que les respecter l’un et l’autre. Au reste, il en est de ce contraste comme du premier, il s’est accusé de plus en plus, et il a fini par aboutir à un aveu définitif et complet. Un jour du mois d’août 1857, de grand matin, au moment même où il venait d’achever la dernière page de son manuscrit, M. Sainte-Beuve reprit la plume et traça les lignes suivantes :

J’ai terminé cette Histoire commencée depuis si longtemps, et dont je ne me suis jamais séparé au milieu même des distractions en apparence les plus contraires, cette description fidèle d’une tribu, d’une race sainte.

Qu’ai-je voulu ? qu’ai-je fait ? qu’y ai-je gagné ?

Jeune, inquiet, malade, amoureux et curieux des fleurs les plus cachées, je voulais surtout à l’origine, en pénétrant le mystère de ces âmes pieuses, de ces existences intérieures, y recueillir la poésie intime et profonde qui s’en exhalait. Mais à peine avais-je fait quelques pas que cette poésie s’est évanouie ou a fait place à des aspects plus sévères : la religion seule s’est montrée dans sa rigueur, et le Chistrisnisme dans sa nudité.

Cette religion, il m’a été impossible d’y entrer autrement que pour la comprendre, pour l’exposer. J’ai plaidé pour elle devant les incrédules et les railleurs ; j’ai plaidé la Grâce, j’ai plaidé la Pénitence ; j’en ai dit le côté élevé, austèrement vénérable, ou même tendrement aimable ; j’ai cherché à en mesurer les degrés, — j’ai compté les degrés de l’échelle de Jacob. Là s’est borné mon rôle, là mon fruit.

Directeurs redoutés et savants, illustres solitaires, parfaits confesseurs et prêtres, vertueux laïques qui seriez prêtres ailleurs et qui n’osiez prétendre à l’autel, vous tous, hommes de bien et de vérité, quelque respect que je vous aie voué, quelque attention que j’aie mise à suivre et à marquer vos moindres vestiges, je n’ai pu me ranger à être des vôtres. Si vous étiez vivants, si vous reveniez sur la terre, est-ce à vous que je courrais d’abord ? J’irais une ou deux fois peut-être, pour vous saluer et comme par devoir, et aussi pour vérifier en vous l’exactitude de mes tableaux, mais je ne serais pas votre disciple. J’ai été votre biographe, je n’ose dire votre peintre ; hors de là, je ne suis point à vous.

Ce que je voudrais avoir fait du moins, c’est d’amener les autres, à votre égard, au point où je suis moi-même : concevoir l’idée de vos vertus et de vos mérites en même temps que de vos singularités, sentir vos grandeurs et vos misères, le côté sain et le côté malade (car, vous aussi, vous êtes malades) ; — en un mot, à force de contempler vos physionomies, donner et sentir l’étincelle, celle même qu’on appelle divine, mais une étincelle toujours passagère, et qui laisse l’esprit aussi libre, aussi serein dans sa froideur, aussi impartial après que devant.

Il y aurait eu un profit plus grand peut-être à tirer de votre commerce, un profit pratique et tout applicable aux mœurs. Pendant que je vous étudiais, j’ai souffert, mais ç’a été tout humainement. J’ai été plus occupé des blessures de mon amour-propre que du fond même qui vous concernait. Je ne vous ai point imités, je n’ai jamais songé à faire comme vous, à mettre au pied de la Croix ( ce qui n’est que la forme la plus sensible de l’idée de Dieu) les contrariétés, les humiliations même et les injustices que j’éprouvais à cause de vous et autour de vous.

J’ai eu beau faire, je n’ai été et je ne suis qu’un investigateur, un observateur sincère, attentif et scrupuleux. Et même, à mesure que j’ai avancé, le charme s’en étant allé, je n’ai plus voulu être autre chose. Il m’a semblé qu’à défaut de la flamme poétique qui colore, mais qui leurre, il n’y avait point d’emploi plus légitime et plus honorable de l’esprit que de voir les choses et les hommes comme ils sont, et de les exprimer comme on les voit, de décrire autour de soi, en serviteur de la science, les variétés de l’espèce, les diverses formes de l’organisation humaine, étrangement modifiée au moral dans la société et dans le dédale artificiel des doctrines. Et quelle doctrine plus artificielle que la vôtre ! Vous avez toujours parlé de vérité, et vous avez tout sacrifié à ce qui vous est apparu sous ce nom : j’ai été à ma manière un homme de vérité, aussi avant que je l’ai pu atteindre.

Mais cela même, que c’est peu ! que notre regard est borné ! qu’il s’arrête vite ! qu’il ressemble à un pâle flambeau allumé un moment au milieu d’une nuit immense ! et comme celui qui avait le plus à cœur de connaître son objet, qui mettait le plus d’ambition à le saisir et le plus d’orgueil à le peindre, se sent impuissant et au-dessous de sa tâche, le jour où la voyant à peu près terminée, et le résultat obtenu, l’ivresse de sa force s’apaise, où la défaillance finale et l’inévitable dégoût le gagnent, et où il s’aperçoit à son tour qu’il n’est qu’une illusion des plus fugitives au sein de l’Illusion infinie !

Voilà les adieux de M. Sainte-Beuve aux solitaires de Port-Royal après vingt ans d’intimité. Il les envoie, eux et leurs livres, comme lui et les siens, se perdre et rouler dans les abîmes de l’illusion infinie. Involontairement on se figure Vinet lisant ce morceau, lui qui avait assisté avec une si réelle sympathie à la première éclosion de l’ouvrage. De quelle tristesse il eût été saisi ! Et pourtant s’il avait eu présente à la mémoire cette autre page qu’il n’a pas pu lire non plus, celle des métamorphoses et des grandes espérances données aux sincères, il se fût senti soulagé. Il eût reconnu ici l’émotion de la sincérité qui commande le respect et inspire la sympathie. Quand M. Sainte-Beuve raille les simples et se flatte d’être l’esprit le plus brisé qu’il y ait au monde, on ne désire rien tant que de le surprendre en défaut, encore épais et noué par quelque endroit ; mais quand après avoir traversé tant de pensées et considérant le peu qu’il en reste, il s’écrie que pourtant il a été, lui aussi, un homme de vérité, on s’arrête, saisi, car ce cri-là vient du fond des entrailles.

Ces pages ont été écrites il y a dix ans ; faut-il, — tout en réservant l’avenir, — les envisager comme le dernier mot de M. Sainte-Beuve ? Je le crois, sauf à faire la part du moment, et à ne pas trop insister sur ce qui donnerait à penser que cet esprit si ouvert n’a atteint à une entière liberté que par une entière indifférence, car jamais M. Sainte-Beuve n’a été moins indifférent que dans ces dernières années. Elles lui ont valu un regain de jeunesse, dont les Nouveaux Lundis sont le précieux monument, et dans plus d’une occasion on l’a vu donner un démenti à ceux qui le jugeaient incurablement versatile et incapable de s’attacher à rien. En certaines matières M. Sainte-Beuve est toujours le même sceptique, ce qui tient, si je ne me trompe, à sa trop grande connaissance des hommes ; en politique, par exemple, il ne croit pas à une base sûre, mais seulement à des équilibres qui varient selon les temps, les lieux et les circonstances ; la politique lui paraît un terrain mouvant dont il faut s’accommoder le mieux possible. Mais il n’étend pas à tout cette facilité, et l’on se tromperait si l’on croyait qu’il ne tiendra bon sur rien. Il fléchira sur ce qui s’appelle principes ou doctrines, il s’arrangera selon les circonstances, il ne dira pas toujours tout ce qu’il pense, mais il ne dira jamais ce qu’il ne pense pas, il y aura dans son fait du plus ou du moins ; mais il ne variera pas sur les grandes questions qui se rattachent à la culture générale de l’humanité, il cherchera à diriger l’opinion non jusqu’à un certain point, mais dans un certain sens, et il y mettra, s’il le faut, de l’activité, de l’énergie, de la fermeté, de l’audace. Il a moins de système que jamais ; mais il a une tendance de plus en plus marquée. Que l’esprit aille où il voudra, pourvu qu’il aille et qu’on ne l’emprisonne pas : voilà ce qu’il désire et ce qu’il demande. Et c’est ainsi que cet homme réputé changeant a fini par défendre une cause, celle même de l’esprit, et que tant de souplesse a eu pour dernière conséquence des actes de courage. Il est aussi serein que jadis, mais à sa sérénité s’unissent un mouvement et une chaleur de vie qui semblent croître avec l’âge ; au milieu de l’Illusion infinie il y a une chose qu’il aime, dont il jouit, dont il sent plus que jamais l’inestimable valeur, et cette chose c’est encore l’esprit toujours vivant et agissant.

Dans tous les temps et dans tous les pays on a vu paraître des écrivains chargés en quelque sorte de représenter le libre jeu de la pensée ; dans tous les temps et dans tous les pays ils ont soulevé contre eux tous les dogmatismes réunis. Il n’en est pas moins vrai qu’ils nous rendent un grand service, celui de nous tenir toujours en éveil et de nous relancer éternellement. L’homme est paresseux de tête comme de bras, et l’inertie entre pour une part dans ce qu’on appelle communément principes et convictions. On croit se fixer, trop souvent on se fige, et il faut bien que quelqu’un vienne de temps en temps rendre à la vie intellectuelle son mouvement et sa fluidité. C’est là proprement la fonction de ces penseurs souples et déliés. Belle fonction, mais qui a son danger comme toutes les autres ; volontiers elle conduit à la vaine curiosité. On oublie que la liberté elle-même n’a de valeur qu’à la condition d’être aimée, sentie, et d’inspirer le dévouement. L’écueil est aujourd’hui plus prochain que jamais. M. Sainte-Beuve ne l’a pas toujours évité. Il a, lui aussi, abusé du dilettantisme ; mais il ne s’y est point renfermé, et il a fini par trouver une cause à défendre dans cette vie de l’esprit où il semblait autrefois ne voir qu’une source de plaisirs délicats. Pour elle il a affronté la contradiction, la moquerie et presque l’injure. Je sais bien qu’il n’y a pas été dogmatiquement, et que dans la fermeté de son éloquence se jouait encore une flamme mobile, légère, voltigeante ; mais qu’importe la manière ? celle de M, Sainte-Beuve d’ailleurs en vaut une autre, et l’essentiel n’est-il pas que le principe y soit, principe de conscience et d’affection, véritable ressort moral ?

On a été surpris de la vivacité de courage déployée par M. Sainte-Beuve ; on ne l’aurait pas été si on avait bien lu ce qu’il a publié depuis dix ans environ. Le critique prestidigitateur s’y efface de plus en plus devant le serviteur de la science, non seulement attentif, exact, scrupuleux, mais sincère et qui sent la dignité de son rôle. On l’avait accusé d’être un rhéteur s’arrêtant aux surfaces et ne se plaisant qu’aux images, il s’en défend : « Ma tâche, dit-il, est de comprendre et de décrire le plus de groupes possibles, en vue d’une science plus générale qu’il appartiendra à d’autres d’organiser. » Puis aussitôt, avec ce demi-sourire qui ne le quitte guère, il ajoute que c’est bien là sa prétention en ses jours de grand sérieux. En avançant en âge, il en a eu toujours plus, de ces jours de grand sérieux, et c’est pourquoi il couronne une vie plus que d’autres accidentée et mobile par une vieillesse qui ne manque ni de dignité ni de grandeur.

1868.
  1. Puisque je parle des rapports de Vinet et de M. Sainte-Beuve, je recommande aux personnes que le sujet intéresse la première note de l’Appendice du tome premier, intitulée l’Académie de Lausanne en 1837. On y trouvera une rectification importante de la manière dont ces rapports ont été présentés par M. Saint-René Taillandier dans la Revue des Deux Mondes, plus une lettre inédite de Vinet qui méritait d’être conservée.
  2. Je ne fais que reprendre ici et généraliser le mot de Vinet dans la lettre citée en note, page 237. « Vous seihblez, monsieur, confesser les auteurs que vous critiquez. »
  3. Port-Royal, première édition, I, 455.
  4. Port-Royal, première édit. I, 460. — Voir encore la note de la page 421.
  5. Le tome troisième de Port-Royal parut en 1848. La page en question a été publiée, avec d’autres pensées détachées, à la fin du volume intitulé « Derniers Portraits » Quelques indices portent à croire que ces pensées ont été rangées par ordre chronologique, et un peu avant celle que nous citons on en trouve une qui a une date, à 44 ans, ce qui nous reporte on 1848, ou peu après.
  6. C’est M. Sainte-Beuve qui souligne.