Études sur l’Italie, suite/03

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Études sur l’Italie, suite
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III.


À M. Édouard Bertin.




Deux anges du Seigneur, les ailes entr’ouvertes,
Abaissant jusqu’au sol leurs longues plumes vertes,
Marchaient, pour accomplir un céleste dessein,
À côté de Benoît montant le mont Cassin ;
Ils répétaient : Avant que le jour ne décline,
Tu trouveras la paix en haut de la colline.
Or, les moines venaient après le bienheureux,
Le suivant à la file, et se plaignant entr’eux
Que la route était longue, et que c’était folie
De quitter pour ce roc les plaines d’Italie ;
Par Jésus ! que c’était un travail surhumain,
Et qu’il fallait au moins s’arrêter en chemin,
Afin de secouer ainsi, par intervalles,
La poudre et le gravier qui souillaient leurs sandales.
Voilà ce qu’ils disaient, car ils ne voyaient pas
Les deux blancs messagers qui conduisaient leurs pas.
Mais le saint, l’œil au but, ferme dans la carrière,
Montait, montait toujours sans regarder derrière,
N’écoutant ni leurs voix, ni celle du torrent,
De rochers en rochers sous ses pieds murmurant.

Ainsi dans ce chemin qu’on appelle la vie,
L’âme qui veut monter toujours est poursuivie
Par une voix d’en bas, qui lui crie : Où vas-tu ?
Car le monde est débile à suivre la vertu !



Ô vous qui, l’œil au but où notre âme se fie,
Sentez la poésie et la philosophie
Comme deux anges purs vous échauffer le sein,
Imitez parmi nous l’homme du mont Cassin ;
Et malgré la tourmente et sa clameur sauvage,
Certains de cette paix, qui repose au rivage,
Entraînez avec vous ce vulgaire hébété,
Ainsi que l’on remorque un vaisseau démâté.
Car il faut dissiper la nuit noire et profonde
Qui cache à ses regards l’aspect d’un autre monde,
Afin que dans ce temps de grande obscurité
Il puisse sur vos pas chercher la vérité.



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