Évangile d’une grand’mère/42

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 120-123).

XLII

LE MIRACLE DE JONAS EXPLIQUÉ.



Après leur avoir encore donné bien des explications dont ils ne profitèrent pas plus qu’ils n’avaient profité des miracles et des autres paroles de Notre-Seigneur, il leur parla sévèrement :

« Race de vipères, leur dit-il, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, vous qui êtes mauvais ? Car la bouche parle selon ce que sent le cœur ; l’homme bon tire de bonnes choses d’un bon fonds ; et l’homme méchant tire de mauvaises choses d’un fonds mauvais. »

Les Scribes et les Pharisiens lui dirent alors :

« Maître, nous voudrions bien que vous nous fissiez voir quelque prodige. »

Pierre. Comment ? Mais Notre-Seigneur avait déjà fait une quantité de prodiges. Et les Pharisiens eux-mêmes avaient interrogé l’aveugle-né, le paralytique et d’autres encore.

Grand’mère. Oui, mais ils ne voulaient pas y croire, et ils espéraient, en lui demandant des prodiges, qu’il ferait quelque chose de contraire à la loi, ce qui leur donnerait un motif pour le mettre en prison.

Aussi Notre-Seigneur se contenta de dire :

« Cette génération méchante et infidèle demande un prodige ; il ne lui en sera pas donné d’autre que le prodige du prophète Jonas. Car, de même que Jonas demeura trois jours dans le ventre d’une baleine, de même le Fils de l’Homme restera trois jours dans le sein de la terre. »

Valentine. Comment Jonas est-il entré dans le ventre d’une baleine ? Qu’est-ce que c’est que Jonas ?

Grand’mère. Jonas était un Prophète auquel Dieu ordonna d’aller dans une ville appelée Ninive et de parcourir la ville en criant : « Encore quarante jours et Ninive sera détruite ! »

Jonas eut peur des gens de Ninive qui étaient très-méchants ; et au lieu d’exécuter l’ordre de Dieu, il se sauva et s’embarqua à Joppé sur un vaisseau qui allait à Tarse. Pour punir Jonas de sa désobéissance, le bon Dieu envoya une terrible tempête ; le vaisseau était prêt à périr, lorsque Jonas dit aux gens qui conduisaient le vaisseau que c’était sans doute à cause de sa désobéissance que le bon Dieu allait les faire tous périr ; alors ces hommes prirent Jonas et le lancèrent dans la mer. Une baleine qui se trouvait là, par l’ordre de Dieu, avala Jonas, le prenant sans doute pour un poisson ; elle le garda trois jours et ensuite le rejeta sur le rivage. Alors Jonas remercia le bon Dieu de l’avoir sauvé, et courut à Ninive, pour crier dans toutes les rues et les environs : « Encore quarante jours et Ninive sera détruite ! »

Jacques. Grand’mère, je crois que c’est impossible, puisque mon oncle Louis m’a dit que le gosier d’une baleine était si étroit qu’elle ne pouvait avaler que de tout petits poissons, comme les sardines, par exemple.

Grand’mère. C’est vrai ; mais d’abord tout est possible au bon Dieu ; ensuite ton oncle Louis ne t’a pas dit que la baleine avait aux deux côtés de la mâchoire, plusieurs compartiments, comme des cabinets qui s’ouvrent et se ferment par une espèce de porte ; quand la baleine passe près d’une foule de petits poissons réunis, ce qu’on appelle un banc, banc de sardines, banc de harengs, etc., elle ouvre son immense gueule qui se remplit de petits poissons ; elle les place avec sa langue dans ses cabinets qui sont ses garde-manger et dont elle ferme les portes. Quand elle a faim, elle ouvre une des portes, en fait sortir les poissons et les avale un à un, jusqu’à ce qu’elle soit rassasiée. Il est probable que la baleine de Jonas, le sentant trop grand et trop dur pour être avalé, le revomit sur le rivage.

D’ailleurs tout cela est miraculeux, car un homme ne peut pas vivre sans miracle dans la gueule d’un poisson pendant trois jours.

Tu vois que Notre-Seigneur voulait dire que lui aussi serait englouti comme Jonas pendant trois jours et qu’il ressusciterait le troisième jour.

Jacques. Mais Notre-Seigneur n’a pas été englouti comme Jonas, puisqu’aucune baleine ne l’a avalé.

Grand’mère. Il a été englouti par la terre, c’est-à-dire enseveli (ce que nous appelons enterré) dans un rocher creusé exprès pour contenir un mort.