Évangile d’une grand’mère/66

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Librairie de L. Hachette et Cie (p. 184-187).

LXVI

LE POSSÉDÉ GUÉRI.



Le jour suivant, comme il descendait la montagne, une foule nombreuse vint au-devant de lui. Et voilà que du milieu de cette foule, un homme s’écria :

« Maître, je vous supplie, ayez pitié de mon fils, mon unique enfant ! Le mauvais esprit se saisit de lui, et aussitôt il crie. Et l’esprit le jette par terre ; il s’agite en écumant, et l’esprit ne le quitte qu’après l’avoir tout déchiré. J’ai prié vos disciples de le chasser ; et ils ne l’ont pas pu. »

Jésus lui dit : « Amène ici ton fils. »

Et comme l’enfant approchait, le démon le jeta à terre et l’agita violemment en le faisant écumer.

Et Jésus demanda au père :

« Depuis combien de temps est-il en cet état ? »

Le père répondit : « Depuis son enfance. Souvent l’esprit le jette dans le feu ou dans l’eau pour le faire périr. Si vous pouvez quelque chose, ayez pitié de nous, et secourez-nous. »

Jésus lui répondit :

« Si tu peux avoir la foi, tout est possible à celui qui croit. »

Et le père de l’enfant s’écria aussitôt, les yeux pleins de larmes :

« Je crois. Seigneur, aidez mon incrédulité. »

Et Jésus, voyant le peuple qui s’assemblait, menaça l’esprit immobile, lui disant :

« Esprit sourd et muet, je te commande, sors de cet enfant et ne rentre plus en lui. »

Et poussant un grand cri, et s’agitant avec violence, l’esprit sortit de l’enfant qui devint comme mort ; de sorte que plusieurs disciples disaient : « Il est mort. »

Mais Jésus le prenant par la main et le soulevant, l’enfant se leva. Et Jésus le rendit à son père.

Jeanne. Grand’mère, pourquoi les disciples n’ont-ils pas pu guérir cet enfant ?

Grand’mère. Parce qu’ils n’avaient pas encore assez de foi en Notre-Seigneur et dans le pouvoir qu’il leur avait donné.

Henri. Et pourquoi Notre-Seigneur veut-il que le père croie, pour guérir l’enfant ? Ce n’eût pas été la faute du pauvre enfant si le père n’avait pas cru en Jésus-Christ.

Grand’mère. C’était le père qui demandait la guérison de son enfant ; c’était au père que Notre-Seigneur devait accorder cette grâce. Pour la mériter, il fallait qu’il crût au pouvoir de celui qu’il implorait.

Valentine. Et pourquoi le méchant démon secoue-t-il si fort ce pauvre enfant et le jette-t-il par terre avec tant de violence qu’il resta comme mort ?

Grand’mère. Parce qu’il était furieux de ne pouvoir résister à la volonté de Notre-Seigneur, et qu’il regrettait de devoir abandonner le corps de ce pauvre enfant qu’il se plaisait à tourmenter depuis plusieurs années.

Louis. Et pourquoi Notre-Seigneur dit-il au démon : « Esprit sourd et muet ? »

Grand’mère. Parce que le démon, en entrant dans l’enfant, l’avait rendu sourd et muet pour l’empêcher de se plaindre, de prier, et même d’entendre les prières qu’on faisait pour lui.

Élisabeth. Y a-t-il encore des gens possédés du démon ?

Grand’mère. C’est fort rare dans les pays chrétiens, et depuis la venue de Notre-Seigneur sur la terre, mais il y en a encore quelquefois ; et dans les pays idolâtres, en Chine par exemple, il paraît qu’il y en a beaucoup.

Élisabeth. Et comment fait-on pour délivrer les possédés ?

Grand’mère. On les fait exorciser ; c’est-à-dire que des prêtres disent sur eux certaines prières, les aspergent d’eau bénite, leur faisant toucher des reliques des Saints, priant pour eux, et souvent on parvient à les délivrer.

Camille. On disait, il y a quelques jours, chez une dame où nous étions en visite, qu’il n’y avait pas de possédés et qu’on prenait des maladies pour des possessions.

Grand’mère. Ces personnes ne réfléchissaient pas ou n’avaient pas la foi. Du moment qu’on est chrétien et qu’on croit à l’Évangile, on doit nécessairement croire au démon et à la possibilité de la possession par le démon. Quant aux possédés, il est malheureusement certain qu’il y en a quelques-uns et qu’il est très-dangereux de plaisanter avec ce qui peut appeler le démon, ce qu’on appelle évoquer le démon ou les esprits.

Mais en n’appelant pas à soi les mauvais esprits, en vivant chrétiennement et purement, on est sous la protection du Sauveur tout-puissant, par conséquent à l’abri des attaques de Satan.