Œuvres complètes (Crémazie)/Lettres 03

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À M. Jacques Crémazie.

Paris, 27 juillet 1863.
Mon cher Jacques,

Il règne à Paris une grande fermentation à propos de la Pologne. La réponse de Gortschakoff aux trois puissances occidentales est considérée comme un défi, et, dans le quartier où je demeure, Belleville, quartier essentiellement ouvrier, on n’entend parler que de la Pologne. La Bourse, ce baromètre de la politique, baisse tous les jours et on s’attend à la guerre avec la Russie.

Les révolutionnaires donnent la main aux journaux religieux pour crier : Vive la Pologne ! Quelle sera la dupe dans cette mise en scène qui me paraît un peu exagérée ? Dieu seul le sait. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que tous les partis opposés à Napoléon cherchent à faire leurs petites affaires sous le manteau de la sympathie pour la Pologne. Car je ne comprends pas trop comment les journaux religieux font tant de tapage en favorisant la révolution polonaise, dont les principaux chefs étaient les compagnons de Garibaldi dans le vol du royaume de Naples. L’avenir nous dira ce qui doit sortir de cette croisade polonaise