Œuvres complètes (M. de Fontanes)/Contre les Visites importunes

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CONTRE

LES VISITES IMPORTUNES.


Lorsque de mon hameau j’ai repris le chemin,
Je ferme aux indiscrets ces rustiques demeures,
Où l’Étude rêveuse, un livre dans la main,
 Met à profit toutes mes heures.

Près d’elle est Harpocrate, assidu surveillant,
Qui, le doigt appuyé sur sa lèvre immobile,
Chasse le peuple auteur et l’essaim turbulent
 Des nouvellistes de la ville.

Le silence a pour moi d’ineffables douceurs ;
C’est quand tout est muet qu’un Dieu parle au poëte ;
Ne me croyez pas seul : la troupe des neuf sœurs
 Vient se jouer dans ma retraite.

Du silence entourés, Pythagore et Platon
Jadis ont entendu la voix de leur génie,
Et les sept lyres d’or, qui, variant leur ton,
 Des Cieux composent l’harmonie.


Comme eux, je ne vis plus qu’en un monde enchanté
Qu’aucun bruit au dehors n’interrompe mes veilles !
Par un songe divin dans l’Olympe emporté,
 Scipion vit moins de merveilles.

Au fond des autres sourds, des bois mystérieux,
Pour méditer ses vers Apollon se retire :
Il écarte avec soin le faune curieux,
 Et la bacchante et le satyre.

Profanes ! taisez-vous, et fuyez loin de lui ;
Craignez, en l’approchant, un trop juste anathême :
Le cantique immortel qu’il prépare aujourd’hui
 Réjouira Jupiter même.


Courbevoie.