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Œuvres complètes (Rimbaud)/Chanson de la plus haute tour

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CHANSON DE LA PLUS HAUTE TOUR




Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.

Ah ! que le temps vienne
Où les cœurs s’éprennent !


Je me suis dit : laisse,
Et qu’on ne te voie.
Et sans la promesse
De plus hautes joies,

Que rien ne t’arrête,
Auguste retraite.


Ô mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n’a que l’image
De la Notre-Dame :

Est-ce que l’on prit
La Vierge Marie ?


J’ai tant fait patience
Qu’à jamais j’oublie.
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties,

Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.


Ainsi la prairie
À l’oubli livrée ;
Grandie et fleurie
D’encens et d’ivraie ;

Au bourdon farouche
De cent sales mouches.


Oisive jeunesse
A tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.

Ah ! que le temps vienne
Où les cœurs s’éprennent !