Œuvres complètes (Tolstoï)/Tome XIX/Appendice

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Traduction par J.-Wladimir Bienstock.
Stock (Œuvres complètes, volume 19p. 451-454).


APPENDICE


I


Les Confessions furent la première œuvre écrite par Léon Tolstoï après la crise religieuse qu’il traversa. Comme, en cette œuvre, s’exprime déjà l’opinion critique de l’auteur en ce qui concerne la religion officielle, elle fut interdite par la censure russe et supprimée du numéro de la Revue Rousskaia Missl où elle devait paraître, en 1882.

Les Confessions furent écrites en 1879. Quand, trois années plus tard, Tolstoï voulut publier cet ouvrage, il y ajouta la conclusion dans laquelle, sous couleur d’un rêve fantastique, il dépeint son état d’âme. Dans ces pages, Tolstoï écrit qu’il se sent dans l’état d’équilibre quand il regarde le ciel ; alors sa tête lui semble appuyée sur une borne solide tandis que son corps est soutenu par des lanières invisibles.

Cette image artistique a induit en erreur un critique espagnol, qui prit sans doute connaissance des Confessions dans une traduction inexacte. Ce critique écrivit un article sur l’ascétisme de Tolstoï, qu’il dit être arrivé au point de ne pas dormir dans un lit, mais la tête appuyée sur une borne et le corps soutenu par des courroies. En France, à propos de cette œuvre, parut dans la Nouvelle Revue un remarquable article portant comme titre : Un pessimiste russe.

Comme tous les ouvrages de Tolstoï interdits par la censure russe, Les Confessions furent copiées, lithographiées et répandues de cette manière dans la société instruite, en Russie. Un manuscrit envoyé à l’étranger fut traduit dans toutes les langues européennes.

Cette œuvre produisit une grande impression sur tout le monde civilisé et partagea les admirateurs de Tolstoï en deux camps : dans l’un on regrettait que Tolstoï eût abandonné la littérature pure, dans l’autre on suivait Tolstoï dans ses recherches religieuses.

Tourgueniev, par exemple, qui admirait le génie artistique de Tolstoï mais ne partageait pas ses convictions religieuses, ayant eu connaissance de la nouvelle direction prise par le grand écrivain, et de sa nouvelle œuvre, écrivit à son ami Pollonsky : « Quant à l’œuvre de Tolstoï, publiée à Stuttgard, j’en entends parler pour la première fois… Je plains beaucoup Tolstoï… Mais d’ailleurs, comme disent les Français, chacun tue ses puces à sa manière. »

Enfin Tourgueniev a lu l’ouvrage, et il écrit à Grigorovitch :

« J’ai reçu ces jours-ci, par une charmante dame de Moscou, Les Confessions de Tolstoï, que la censure a interdites. C’est une œuvre remarquable par la sincérité, la vérité ; elle force la conviction, mais elle est entièrement basée sur des idées fausses, et à la fin des fins, aboutit à la négation la plus sombre de toute vie vraiment humaine. C’est aussi en son genre du nihilisme… Je suis étonné que Tolstoï qui nie, entre autres, l’art, s’entoure d’artistes, et je me demande ce qu’ils peuvent tirer de sa conversation ? Et malgré tout, Tolstoï est peut-être l’homme le plus remarquable de la Russie. »

Avec cette œuvre, Tolstoï commença la série de ses écrits religieux et philosophiques, dont la plupart furent interdits par la censure ; et ce n’est que récemment, après le manifeste du 17/30 octobre 1905, qu’ils sont devenus accessibles au grand public russe.

À la fin des Confessions, Tolstoï déclare qu’il est arrivé à la religion chrétienne du peuple, dont il voit l’essence dans l’humilité, le pardon, l’amour du prochain, et la soumission à la volonté divine. Cette religion, il l’a trouvée dans le peuple en observant sa vie, en étudiant ses contes, sa poésie légendaire, en causant avec les pèlerins respectés du peuple, avec les vieillards, les sectaires, les schismatiques.

Tolstoï a su profiter de cette poésie populaire, et, la revêtant d’une forme littéraire, nous l’a transmise en une série d’admirables contes.

Malgré les persécutions de la censure, malgré l’interdiction de ces récits dans les écoles populaires, ils ont été répandus dans toute la Russie par dizaines de millions d’exemplaires, et non seulement ils ont fait connaître à toute la masse populaire le nom de Tolstoï, mais ils ont contribué au développement de la conscience religieuse du peuple ainsi qu’à sa façon d’envisager l’église officielle.

La plupart de ces récits ont été écrits vers 1880, à l’époque où Tolstoï prit une part plus immédiate à l’instruction du peuple. Dans le présent volume, ils accompagnent Les Confessions parce qu’ils sont le résultat pratique le plus immédiat de cette conception du monde à laquelle est arrivé l’auteur de cette œuvre.

Un de ces récits : Où l’amour est, Dieu est, n’appartient pas à la légende populaire russe ; c’est l’imitation d’un conte français. Tolstoï en avait lu la traduction, publiée par une revue religieuse. Séduit par l’idée, il l’adapta aux mœurs russes, si bien qu’on ne peut plus y reconnaître l’original.

II

Les Confessions ont paru en français sous le titre : Mes Confessions, en 1891, chez l’éditeur Albert Savine, dans la traduction de Zoria. Cette traduction est précédée d’une intéressante préface dans laquelle est racontée l’histoire de cet ouvrage.

Les Récits populaires ont été traduits à diverses époques et en différentes traductions. On les trouve dispersés dans les volumes portant les titres suivants :

a) À la Recherche du bonheur, traduction Halpérine Kaminsky, édition Perrin.

b) Ivan l’Imbécile, traduction Halpérine Kaminsky, édition Perrin.

c) Paysans et Soldats, édition Dentu (sans nom de traducteur).

d) Autour du Samovar, traduction Jaubert. 1 vol. illustré : Éditions de la Société française d’imprimerie et de librairie.

e) Contes évangéliques, traduction Golschmann. Ce petit volume distribué comme livre de prix dans les écoles de la Ville de Paris, ne fut pas, dit-on, mis en vente.


P. B.