Œuvres complètes de André Chénier, 1819/Idylles/Mnazile et Chloé
MNAZILE ET CHLOÉ
Fleurs, bocage sonore, et mobiles roseaux
Où murmure zéphyr au murmure des eaux,
Parlez ; le beau Mnazile est-il sous vos ombrages ?
Il visite souvent vos paisibles rivages.
Souvent j’écoute, et l’air qui gémit dans vos bois
À mon oreille au loin vient apporter sa voix.
Onde, mère des fleurs, naïade transparente
Qui pressez mollement cette enceinte odorante,
Amenez-y Chloé, l’amour de mes regards.
Vos bords m’offrent souvent ses vestiges épars.
Souvent ma bouche vient sous vos sombres allées
Baiser l’herbe et les fleurs que ses pas ont foulées.
Oh ! s’il pouvait savoir quel amoureux ennui
Me rend cher ce bocage où je rêve de lui !
Peut-être je devais d’un souris favorable
L’inviter, l’engager à me trouver aimable.
Si pour m’encourager quelque dieu bienfaiteur
Lui disait que son nom fait palpiter mon cœur !
J’aurais dû l’inviter, d’une voix douce et tendre,
À se laisser aimer, à m’aimer, à m’entendre.
Ah ! je l’ai vu ; c’est lui. Dieux ! je vais lui parler !
Ô ma bouche ! ô mes yeux ! gardez de vous troubler.
Le feuillage a frémi. Quelque robe légère
C’est elle ! Ô ! mes regards ayez soin de vous taire.
Quoi, Mnazile est ici ? Seule, errante, mes pas
Cherchaient ici le frais et ne t’y croyaient pas.
Seul, au bord de ces flots que le tilleul couronne
J’avais fui le soleil et n’attendais personne.
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