Œuvres complètes de Béranger/L’Épée de Damoclès

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L’ÉPÉE DE DAMOCLÈS


Air : À soixante ans, etc. (Air noté )


De Damoclès l’épée est bien connue ;
En songe, à table, il m’a semblé la voir.
Sous cette épée et menaçante et nue
Denys l’ancien me forçait à m’asseoir. (bis.)
Je m’écriais : Que mon destin s’achève,
La coupe en main, au doux bruit des concerts ! (bis.)
Ô vieux Denys ! je me ris de ton glaive[1],
Je bois, je chante, et je siffle tes vers. (bis.)

Servez, disais-je, à messieurs de la bouche ;
Versez, versez, messieurs du gobelet.
Malheur d’autrui n’est point ce qui te touche,
Denys ; sur moi fais donc vite un couplet.
Ton Apollon à nos larmes fait trêve ;
Il nous égaie au sein d’affreux revers ;

Ô vieux Denys ! je me ris de ton glaive,
Je bois, je chante, et je siffle tes vers.

Puisqu’à rimer sans remords tu t’amuses,
De la patrie écoute un peu la voix :
Elle est, crois-moi, la première des Muses ;
Mais rarement elle inspire les rois.
Du frêle arbuste où bout sa noble sève,
La moindre fleur parfume au loin les airs.
Ô vieux Denys ! je me ris de ton glaive,
Je bois, je chante, et je siffle tes vers.

Tu crois du Pinde avoir conquis la gloire,
Quand ses lauriers, de ta foudre encor chauds,
Vont à prix d’or te cacher à l’histoire,
Ou balayer la fange des cachots.
Mais, à ton nom, Clio, qui se soulève,
Sur ton cercueil viendra peser nos fers.
Ô vieux Denys ! je me ris de ton glaive,
Je bois, je chante, et je siffle tes vers.

Que du mépris la haine au moins me sauve !
Dit ce bon roi, qui rompt un fil léger.
Le fer pesant tombe sur mon front chauve ;
J’entends ces mots : Denys sait se venger.
Me voilà mort ; et poursuivant mon rêve,
La coupe en main, je répète aux enfers :
Ô vieux Denys ! je me ris de ton glaive,
Je bois, je chante, et je siffle tes vers.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


L’ÉPÉE DE DAMOCLÈS.

Air : À soixante ans.
No 194.



\relative c'' {
  \time 2/2
  \key c \major
  \tempo "Allegretto."
  \autoBeamOff
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\partial 2 r8. g16 g8. g16
  c4.. g16 c8. c16 d8. d16
e2 e8. e16 f8. d16
  b4 c d8. d16 b8. b16
  c2 r8. g16 g8. g16
c4 g c8. c16 e8. e16
  d8[ (c)] b4 b b8. b16
  a4 a b8 b b b
c4 r cis cis8 cis
  d4 d fis,8 fis fis fis
  g2 r8 g g g
a4 a c8 b a b
  d4 c r8 c c c
  d4 d8 d f[ (e)] d e
f4 f8.[ (d16)] d4 d8.[ (c16)]
  b4 c8. c16 d4 c8. c16
  b2 r8. g16 g8. g16
c4 g8 g c4 d8. d16
  e2 e8. e16 f8. d16
  b4 c d8. d16 b8. b16
c2 r8. g16 g8. g16 
  c4 g8. g16 c4 d8. d16
  e1
e4 r c d8. d16
  e4 f8 fis g4 b,8. b16
  c4 e d d
e e d8 d d d
  e4 c8 e g4 g,8 g
  c2 \bar "||"
}

\addlyrics {
De Da -- mo -- clès l’é -- pée est bien con -- nu -- e
En songe à table il m’a sem -- blé la voir
Sous cette é -- pée et me -- na -- çante et nu -- e
De -- nys l’an -- cien me for -- çait à m’as -- seoir
De -- nys l’an -- cien me for -- çait à m’as -- seoir
Je m’é -- cri -- ais que mon des -- tin s’a -- chè -- ve
La coupe en main au doux bruit des con -- certs
La coupe en main au doux bruit des con -- "certs !"
Ô vieux De -- nys je me ris de ton glai -- ve
Je bois je chante et je sif -- fle tes vers
Ô vieux De -- nys je me ris de ton glai -- ve
Je bois je chante et je sif -- fle tes vers
Je bois je chante et je sif -- fle tes vers
Et je sif -- fle tes vers.
}

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  1. Denys l’ancien, tyran de Syracuse, était, comme on sait, un métromane déterminé ; il envoyait en prison ceux qui ne trouvaient pas ses vers bons. Nous avons eu aussi en France des rois qui se mêlaient d’écrire et de faire des vers. Quant à l’histoire du festin de Damoclès, elle est trop connus pour qu’il soit besoin de la rapporter ici.

    Cette chanson appartient au règne de Louis XVIII, qui, de même que Denys, avait la manie d’écrire et a fait beaucoup de petits vers.