Œuvres complètes de Béranger/Le Vieux Sergent

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Vieux Sergent.


LE VIEUX SERGENT


1825


Air : Dis-moi, soldat, dis-moi, t’en souviens-tu (Air noté )


Près du rouet de sa fille chérie
Le vieux sergent se distrait de ses maux,
Et, d’une main que la balle a meurtrie,
Berce en riant deux petits-fils jumeaux.
Assis tranquille au seuil du toit champêtre,
Son seul refuge après tant de combats,
Il dit parfois : « Ce n’est pas tout de naître ;
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas ! »

Mais qu’entend-il ? le tambour qui résonne :
Il voit au loin passer un bataillon.
Le sang remonte à son front qui grisonne ;
Le vieux coursier a senti l’aiguillon.
Hélas ! soudain, tristement il s’écrie :
« C’est un drapeau que je ne connais pas.
« Ah ! si jamais vous vengez la patrie,
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas ! »

« Qui nous rendra, dit cet homme héroïque,
« Aux bords du Rhin, à Jemmape, à Fleurus,
« Ces paysans, fils de la république,
« Sur la frontière à sa voix accourus ?

« Pieds nus, sans pain, sourds aux lâches alarmes,
« Tous à la gloire allaient du même pas.
« Le Rhin lui seul peut retremper nos armes.
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas !

« De quel éclat brillaient dans la bataille
« Ces habits bleus par la Victoire usés !
« La Liberté mêlait à la mitraille
« Des fers rompus et des sceptres brisés.
« Les nations, reines par nos conquêtes,
« Ceignaient de fleurs le front de nos soldats.
« Heureux celui qui mourut dans ces fêtes !
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas !

« Tant de vertu trop tôt fut obscurcie.
« Pour s’anoblir nos chefs sortent des rangs ;
« Par la cartouche encor toute noircie
« Leur bouche est prête à flatter les tyrans.
« La Liberté déserte avec ses armes ;
« D’un trône à l’autre ils vont offrir leurs bras ;
« À notre gloire on mesure nos larmes.
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas ! »

Sa fille alors, interrompant sa plainte,
Tout en filant lui chante à demi-voix
Ces airs proscrits qui, les frappant de crainte,
Ont en sursaut réveillé tous les rois.
« Peuple, à ton tour que ces chants te réveillent :
« Il en est temps ! » dit-il aussi tout bas.
Puis il répète à ses fils qui sommeillent :
« Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas ! »



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LE VIEUX SERGENT.

Air : Dis-moi, soldat, dis-moi, t’en souviens-tu ?
No 207.



\relative c'' {
  \time 2/2
  \key g \major
  \autoBeamOff
  \tempo "Allegretto."
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\partial 2 r8 d d d | d4 (b8) b b b b b
b8.[ (g16)] g4 r8 g g g
  a4. g8 fis a d8. c16
  b2 r8 d d d
d4 (b8) b b b b b
  b8.[ (g16)] g4 r8 g g b
a4. c8 b8. a16 g8. fis16
  g2 r8 g a b
  c4. c8 c d16[ (e)] d8. c16
c4 b8 r r g a8. b16
  c4. c8 c d16[ (e)] d8 c
  b2 r8 d d d
% {page suivante}
d4 (b8) b b b b b 
  b8.[ (g16)] g4 r8 g g g
a4. g8 fis a d8. c16
  b2 r8 d d d
  e4. c8 c c d8. e16
cis8[ (d)] d4 r8 d g8. b,16
  a4. e'8 d b c8. a16
b2 r8 d g8. b,16
  a4. e'8 d b c8. a16
  g2 \bar "||"
}
\addlyrics {
Près du rou -- et de sa fil -- le ché -- ri -- e
Le vieux ser -- gent se dis -- trait de ses maux
Et d’u -- ne main que la balle a meur -- tri -- e
Berce en ri -- ant deux pe -- tits- fils ju -- meaux
As -- sis tran -- quille au seuil du toit cham -- pê -- tre
Son seul re -- fuge a -- près tant de com -- bats
Il dit par -- fois ce n’est pas tout de naî -- tre
Dieu mes en -- fans vous donne un beau tré -- pas
Il dit par -- fois ce n’est pas tout de naî -- tre
Dieu mes en -- fans vous donne un beau tré -- pas
Dieu mes en -- fans vous donne un beau tré -- pas.
}

Haut