Œuvres complètes de Béranger/Les Contrebandiers

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LES CONTREBANDIERS c*


chanson
ADRESSÉE À M. JOSEPH BERNARD, DÉPUTÉ DU VAR (Air noté )
AUTEUR
DU BON SENS D’UN HOMME DE RIEN


Air : Cette chaumière-là vaut un palais


                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.

            Il est minuit. Çà, qu’on me suive,
            Hommes, pacotille et mulets.
            Marchons, attentifs au qui vive.
            Armons fusils et pistolets.
                    Les douaniers sont en nombre ;
                    Mais le plomb n’est pas cher ;
                    Et l’on sait que dans l’ombre
                    Nos balles verront clair.


                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.

            Camarades, la noble vie !
            Que de hauts faits à publier !
            Combien notre belle est ravie
            Quand l’or pleut dans son tablier !
                    Château, maison, cabane,
                    Nous sont ouverts partout.
                    Si la loi nous condamne,
                    Le peuple nous absout.

                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.

            Bravant neige, froid, pluie, orage,
            Au bruit des torrents nous dormons.
            Ah ! qu’on aspire de courage,
            Dans l’air pur du sommet des monts !
                    Cimes à nous connues,
                    Cent fois vous nous voyez
                    La tête dans les nues
                    Et la mort sous nos pieds.


                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.

            Aux échanges l’homme s’exerce ;
            Mais l’impôt barre les chemins.
            Passons : c’est nous qui du commerce
            Tiendrons la balance en nos mains.
                    Partout la Providence
                    Veut, en nous protégeant,
                    Niveler l’abondance,
                    Éparpiller l’argent.

                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.

            Nos gouvernants, pris de vertige,
            Des biens du ciel triplent le taux,
            Font mourir le fruit sur sa tige,
            Du travail brisent les marteaux.
                    Pour qu’au loin il abreuve
                    Le sol et l’habitant,
                    Le bon Dieu crée un fleuve :
                    Ils en font un étang.


                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.

            Quoi ! l’on veut qu’uni de langage,
            Aux mêmes lois longtemps soumis,
            Tout peuple qu’un traité partage
            Forme deux peuples d’ennemis.
                    Non ; grâce à notre peine,
                    Ils ne vont pas en vain
                    Filer la même laine,
                    Sourire au même vin.

                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.

            À la frontière où l’oiseau vole,
            Rien ne lui dit : Suis d’autres lois.
            L’été vient tarir ta rigole
            Qui sert de limite à deux rois.
                    Prix du sang qu’ils répandent,
                    Là, leurs droits sont perçus.
                    Ces bornes qu’ils défendent,
                    Nous sautons par-dessus.


                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.

            On nous chante dans nos campagnes,
            Nous, dont le fusil redouté,
            En frappant l’écho des montagnes,
            Peut réveiller la liberté.
                    Quand tombe la patrie
                    Sous de voisins altiers,
                    Mourante elle s’écrie :
                    À moi, contrebandiers !

                Malheur ! malheur aux commis !
                À nous, bonheur et richesse !
                Le peuple à nous s’intéresse :
                    Il est de nos amis.
    Oui, le peuple est partout de nos amis ;
Oui, le peuple est partout, partout de nos amis.




c*. Le Bon Sens d’un homme de rien est un livre d’un grand sens fait par un homme de beaucoup d’esprit. Dans un cadre fort original, l’auteur, philanthrope consciencieux et instruit, a traité beaucoup de questions économiques qu’il a su revêtir d’une forme à la fois piquante et familière. Les questions politiques y sont également abordées avec une franchise toute bretonne. Le style de cet ouvrage, remarquable par une correction sans recherche et une naïveté sans affectation, décèle un très rare talent d’écrivain, fait pour s’illustrer dans la défense des intérêts populaires. À l’appui de cette opinion, on peut lire le discours prononcé par M. Bernard, à la Chambre, lors de la discussion sur la réforme du Code pénal.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LES CONTREBANDIERS.

Air : Cette chaumière vaut un palais.
No 284.



\relative c'' {
  \time 6/8
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  \tempo "Allegretto."
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  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 120
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c e d c b a | g4 g8 b4 b8 | c g' f e d c 
b[ (a)] g f[ (e)] d | c4. \bar "||"
  r8 r g' | c c c c c c 
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c c c c c c | d4 d8 d d d | e4 e8 d4 d8 
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g4. r4 ees8 | c'4 c8 c4 c8 | ees4. ees4 d8 | c4 c8 fis,4 fis8 | g4. 
\bar "||" \mark \markup { \musicglyph #"scripts.segno" }
}

\addlyrics {
Mal -- heur mal -- heur aux com -- mis
À nous bon -- heur et ri -- ches -- se
Le peuple à nous s’in -- té -- res -- se
Il est de nos a -- mis
Oui le peuple est par -- tout de nos a -- mis
Oui le peuple est par -- tout de nos a -- mis.
Il est mi -- nuit ça qu’on me sui -- ve
Hom -- mes pa -- co -- tille et mu -- lets
Mar -- chons at -- ten -- tifs au qui vi -- ve
Ar -- mons fu -- sils et pis -- to -- lets
Les doua -- niers sont en nom -- bre
Mais le plomb n’est pas cher
Et l’on sait que dans l’om -- bre
Nos bal -- les ver -- ront clair.
}

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