Les marionnettes, croyez-moi,
Sont les jeux de tout âge :
Depuis l’artisan jusqu’au roi,
De la ville au village.
Valets, journalistes, flatteurs,
Dévotes et coquettes,
Ah ! sans compter nos grands acteurs,
Combien de marionnettes !
L’homme, fier de marcher debout,
Vante son équilibre :
Parce qu’il court et va partout,
Le pantin se croit libre.
Mais dans combien de mauvais pas
Sa fortune le jette !
Ah ! du destin l’homme ici-bas
N’est que la marionnette.
Ce tendron des plus innocents,
Que le désir dévore,
Au trouble secret de ses sens
Ne conçoit rien encore.
Veiller la nuit, rêver le jour,
L’étonne et l’inquiète.
Elle a quinze ans : ah ! pour l’amour
La bonne marionnette !
Voyez ce mari parisien
Que maint galant visite ;
Il vous accueille mal ou bien,
Vous cherche ou vous évite.
Est-il confiant ou jaloux,
À l’air dont il vous traite ?
Non : de sa femme un tel époux
N’est que la marionnette.
Près des femmes que sommes-nous ?
Des pantins qu’on ballotte.
Messieurs, sautez, faites les fous
Au gré de leur marotte.
Le plus lourd et le plus subtil
Font la danse complète ;
Et Dieu pourtant n’a mis qu’un fil
À chaque marionnette.