Œuvres complètes de Bernard Palissy/Note sur les précédentes éditions des œuvres de Bernard Palissy

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J.-J. Dubochet et Cie (p. xxxvi-xxxix).

NOTE

SUR LES PRÉCÉDENTES ÉDITIONS DES ŒUVRES

DE BERNARD PALISSY.


Le premier ouvrage authentique de Bernard Palissy fut publié à La Rochelle, sous ce titre : « Recepte véritable, par laquelle tous les hommes de France pourront apprendre à multiplier et à augmenter leurs thrésors. Item, ceux qui n’ont jamais eu cognoissance des lettres, pourront apprendre une philosophie nécessaire à tous les habitants de la terre. Item, en ce livre est contenu le dessein d’un iardin autant délectable et d’utile invention, qu’il en fut oncques veu. Item, le dessein et ordonnance d’une ville de forteresse, la plus imprenable qu’homme ouyt iamais parler ; composé par maistre Bernard Palissy, ouurier de terre, et inventeur des rustiques figulines du Roy, et de monseigneur le duc de Montmorency, pair et connestable de France ; demeurant en la ville de Xaintes. La Rochelle, de l’imprimerie de Barthélemy Berton. 1563. » Le seul exemplaire que nous connaissions de cet ouvrage appartient à la Bibliothèque royale. C’est sur lui qu’a été imprimé et corrigé le texte qui fait partie de la présente édition.

En 1580, Palissy publia son ouvrage intitulé : « Discours admirables de la nature des eaux et fontaines, tant naturelles qu’artificielles, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu et des émaux ; avec plusieurs autres excellents secrets des choses naturelles. Plus, un traité de la marne, fort utile et nécessaire à ceux qui se mellent de l’agriculture. Le tout dressé par dialogues, ès quels sont introduits la théorique et la practique. Par Me Bernard Palissy, inventeur des rustiques figulines du Roy, et de la Royne sa mère. Un volume in-8, à Paris, chez Martin le jeune, à l’enseigne du Serpent, devant le collége de Cambray. 1580. » Les exemplaires de ce volume sont devenus très-rares, et sont par conséquent d’un prix assez élevé.

Ces deux ouvrages furent réunis en deux volumes in-8, publiés en 1636, sous ce titre : « Le Moyen de devenir riche, et la manière véritable par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier leurs thrésors et possessions ; avec plusieurs autres excellents secrets des choses naturelles, desquels jusques à présent l’on n’a ouï. Paris, Robert Fouet, libraire. 1636. » Le second volume est intitulé : « Seconde partie du Moyen de devenir riche, contenant les Discours admirables de la nature des eaux et fontaines, etc., par Me Bernard Palissy, inventeur des rustiques figulines du Roy. »

Cette édition est peu estimée, parce qu’elle est loin d’être conforme aux textes originaux publiés du vivant de l’auteur. Le libraire est inexcusable, non-seulement pour avoir donné à l’œuvre de Palissy un titre ridicule, mais encore pour l’avoir tronquée et mutilée, en supprimant tous les passages qui, au seizième siècle, lui paraissaient de nature à soulever la susceptibilité du clergé, comme en la dénaturant par certaines additions. C’est ainsi, par exemple, que l’on trouve, au commencement du premier volume, une épître dédicatoire au peuple français, qui évidemment n’est point sortie de la plume de Palissy.

Les œuvres du potier de Xaintes, long-temps oubliées, ne reprirent quelque lustre que dans la seconde moitié du siècle suivant. Mais la rareté des exemplaires ne permettait encore au public de les connaître que d’après les citations et les éloges de quelques savants empressés de relever la gloire de l’un des hommes les plus capables d’honorer sa patrie.

En 1777, MM. Faujas de Saint-Fond et Gobet donnèrent une édition nouvelle des Œuvres de Bernard Palissy. Cette édition, qui forme un beau volume in-4o, est accompagnée de notes instructives, de documents nombreux, et doit être regardée comme un digne hommage rendu à notre illustre compatriote. Toutefois, l’envie de la rendre le plus complète possible nous semble avoir entraîné trop loin les deux savants éditeurs. Un passage de la Recepte véritable leur ayant paru indiquer que Palissy avait, avant 1563, publié un premier ouvrage, dont il ne donne d’ailleurs ni le titre ni la date, Faujas et Gobet s’efforcèrent de découvrir cet écrit, et crurent l’avoir rencontré dans un opuscule pseudonyme publié à Lyon, en 1557, sous le nom de Pierre Braillier, et ils n’hésitèrent pas à l’insérer dans leur édition. Bien que nous ne puissions admettre leurs arguments à ce sujet, nous avons cru devoir réimprimer cet opuscule sous la forme d’Appendice[1], afin que notre édition ne parût pas moins complète que la précédente, et aussi pour que le public fût appelé à décider entre l’opinion des deux savants éditeurs et la nôtre.

Nous avons d’ailleurs un autre reproche à faire à l’édition de 1777 : c’est d’avoir complètement interverti l’ordre des divers traités dont se composent les œuvres authentiques de Palissy. Cette interversion dans l’ordre chronologique a non-seulement pour résultat d’empêcher le lecteur de suivre le développement progressif des idées de l’auteur, mais aussi de présenter en seconde ligne des opinions, des systèmes qu’il a modifiés avec le temps, en sorte que la rectification précède partout la théorie primitive. Enfin, Faujas de Saint-Fond et Gobet, tout en blâmant l’éditeur de 1636 de quelques altérations qu’il avait fait subir au texte original, ont aussi fait quelques sacrifices aux opinions dominantes de l’époque. Nous n’avons pas besoin de dire que tous les passages supprimés ou altérés ont été scrupuleusement rétablis dans notre édition, la seule exactement conforme à celles publiées du vivant de l’auteur.

La destinée des ouvrages de Palissy, et par conséquent celle de sa gloire, ont été soumises à de singulières alternatives. Son nom eut peu de retentissement pendant sa vie. Oublié après sa mort, pendant un demi siècle, il fut réhabilité, d’une manière assez maladroite, dans l’édition du libraire Fouët. Dans le siècle suivant, il devint, de la part de Voltaire, l’objet de quelques plaisanteries qui montrèrent uniquement la faiblesse de leur auteur sur les questions de Physique du globe. Vers la fin du même siècle, Fontenelle, Buffon, Rouelle, Guettard, Venel et plusieurs autres savants lui rendirent une justice tardive, mais éclatante, et rappelèrent avec admiration ses divers titres scientifiques, tandis que Faujas et Gobet, dans leur belle édition in-4o, élevaient à sa gloire un véritable monument. Plus tard, Cuvier et tous ceux qui s’occupèrent de l’histoire de la science, lui rendirent le même hommage. Enfin, tout récemment, Palissy a été très-dignement apprécié dans une notice de M. Miel, lue, en 1835, à la Société libre des Beaux-Arts, et dans un excellent article de M. Eug. Piot, inséré dans le Cabinet de l’Amateur, 2e livraison, mars 1842.


  1. V. Appendice.