Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des minéraux/Du cobalt

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DU COBALT

De tous les minéraux métalliques, le cobalt est peut-être celui dont la nature est la plus masquée, les caractères les plus ambigus et l’essence la moins pure : les mines de cobalt, très différentes entre elles, n’offrent d’abord aucun caractère commun, et ce n’est qu’en les travaillant au feu qu’on peut les reconnaître par un effet très remarquable, unique et qui consiste à donner aux émaux une belle couleur bleue. Ce n’est aussi que pour obtenir ce beau bleu que l’on recherche le cobalt : il n’a aucune autre propriété dont on puisse faire un usage utile, si ce n’est peut-être en l’alliant avec d’autres minéraux métalliques[1]. Ses mines sont assez rares et toujours chargées d’une grande quantité de matières étrangères ; la plupart contiennent plus d’arsenic que de cobalt, et dans toutes le fer est si intimement lié au cobalt qu’on ne peut l’en séparer ; le bismuth se trouve aussi assez souvent interposé dans la substance de ces mines ; on y a reconnu de l’or, de l’argent, du cuivre et quelquefois toutes ces matières et d’autres encore s’y trouvent mêlées ensemble, sans compter les pyrites qui sont aussi intimement unies à la substance du cobalt. Le nombre de ces variétés est donc si grand, non seulement dans les différentes mines de cobalt, mais aussi dans une seule même mine, que les nomenclateurs en minéralogie ont cru devoir en séparer absolument un autre minéral qui n’était pas connu avant le travail des mines de cobalt ; ils ont donné le nom de nickel[2] à cette substance qui diffère en effet du cobalt, quoiqu’elle ne se trouve qu’avec lui. Tous deux peuvent se réduire en un régule dont les propriétés sont assez différentes pour qu’on puisse les regarder comme deux différentes sortes de minéraux métalliques.

Le régule de cobalt n’affecte guère de figure régulière[3] et n’a pas de forme déterminée : ce régule est très pesant, d’une couleur grise assez brillante, d’un tissu serré, d’une substance compacte et d’un grain fin ; sa surface prend en peu de temps, par l’impression de l’air, une teinte rosacée ou couleur de fleur de pêcher ; il est assez dur et n’est point du tout ductile ; sa densité est néanmoins plus grande que celle de l’étain, du fer et du cuivre ; elle est à très peu près égale à la densité de l’acier[4]. Ce régule du cobalt et celui du nickel sont, après le bismuth, les plus pesantes des matières auxquelles on a donné le nom de demi-métaux, et l’on aurait certainement mis le bismuth, le cobalt et le nickel au rang des métaux s’ils avaient eu de la ductilité : ce n’est qu’à cause de sa très grande densité que l’on a placé le mercure avec les métaux, et parce qu’on a en même temps supposé que sa fluidité pouvait être considérée comme l’extrême de la ductilité.

Les minières de cobalt s’annoncent par des efflorescences à la surface du terrain : ces efflorescences sont ordinairement rougeâtres et assez souvent sont disposées en étoiles ou en rayons divergents qui quelquefois se croisent. Nous donnerons ici l’indication du petit nombre de ces mines que nos observateurs ont reconnues en France et dans les Pyrénées, aux confins de l’Espagne ; mais c’est dans la Saxe et dans quelques autres provinces de l’Allemagne qu’on a commencé à travailler, et que l’on travaille encore avec succès et profit les mines de cobalt ; et ce sont les minéralogistes allemands qui nous ont donné le plus de lumières sur les propriétés de ce minéral et sur la manière dont on doit le traiter.

Le premier et le plus sûr des indices extérieurs[5] qui peuvent annoncer une mine prochaine de cobalt est donc une efflorescence minérale, couleur de rose, de structure radiée à laquelle on a donné le nom de fleurs de cobalt : quelquefois cette matière n’est point en forme de fleurs rouges, mais en poudre et d’une couleur plus pâle ; mais le signe le plus certain et par lequel on pourra reconnaître le véritable cobalt est la terre bleue qui l’accompagne quelquefois, et, au défaut de cet indice, ce sera la couleur bleue qu’il donne lorsqu’il est réduit en verre ; car, si la mine qui paraît être de cobalt se convertit en verre noir, ce ne sera que de la pyrite ; si le verre est d’une couleur rousse, ce sera de la mine de cuivre ; au lieu que la mine de cobalt donnera toujours un verre bleu de saphir : c’est probablement par cette ressemblance à la couleur du saphir qu’on a donné à ce verre bleu de cobalt le nom de saphre ou safre. Au reste, on a aussi appelé safre la chaux de cobalt qui est en poudre rougeâtre et qui ne provient que de la calcination de la mine de cobalt : le safre qui est dans le commerce est toujours mêlé de sable quartzeux qu’on ajoute en fraude pour en augmenter la quantité, et ce safre ou chaux rougeâtre de cobalt donne aussi par la fusion le même bleu que le verre de cobalt, et c’est à ce verre bleu de safre que l’on donne le nom de smalt.

Pour obtenir ce verre avec sa belle couleur, on fait griller la mine de cobalt dans un fourneau où la flamme est réverbérée sur la matière minérale réduite en poudre ou du moins concassée ; ce fourneau doit être surmonté de cheminées tortueuses dans lesquelles les vapeurs qui s’élèvent puissent être retenues en s’attachant à leurs parois, ces vapeurs s’y condensent en effet et s’y accumulent en grande quantité, sous la forme d’une poudre blanchâtre que l’on détache en la raclant ; cette poudre est de l’arsenic dont les mines de cobalt sont toujours mêlées : elles en fournissent en si grande quantité, par la simple torréfaction, que tout l’arsenic blanc qui est dans le commerce vient des fourneaux où l’on grille des mines de cobalt ; et c’est le premier produit qu’on en tire.

La matière calcinée qui reste dans le fourneau, après l’entière sublimation des vapeurs arsenicales, est une chaux trop réfractaire pour être fondue seule ; il faut y ajouter du sable vitrescible, ou du quartz qu’on aura fait auparavant torréfier pour les pulvériser : sur une partie de chaux de cobalt, on met ordinairement deux ou trois parties de cette poudre vitreuse à laquelle on ajoute une partie de salin pour accélérer la fusion ; ce mélange se met dans de grands creusets placés dans le fourneau, et pendant les dix ou douze heures de feu qui sont nécessaires pour la vitrification, on remue souvent la matière pour en rendre le mélange plus égal et plus intime ; et, lorsqu’elle est entièrement et parfaitement fondue, on la prend tout ardente et liquide avec des cuillers de fer, et on la jette dans un cuvier plein d’eau, où, se refroidissant subitement, elle n’acquiert pas autant de dureté qu’à l’air et devient plus aisée à pulvériser ; elle forme néanmoins des masses solides qu’il faut broyer sous les pilons d’un bocard, et faire ensuite passer sous une meule pour la réduire en poudre très fine et bien lavée, qui est alors d’un beau bleu d’azur et toute préparée pour entrer dans les émaux.

Comme les mines de cobalt sont fort mélangées et très différentes les unes des autres, et que même l’on donne vulgairement le nom de cobalt à toute mine mêlée de matières nuisibles[6], et surtout d’arsenic, on est forcé de les essayer pour les reconnaître, et s’assurer si elles contiennent en effet le vrai cobalt qui donne au verre le beau bleu. Il faut, dans ces essais, rendre les scories fort fluides et très nettes, pour juger de l’intensité de la couleur bleue que fournit la mine convertie d’abord en chaux et en verre ; on doit donc commencer par la griller et calciner, pour la mettre dans l’état de chaux ; il se trouve, à la vérité, quelques morceaux de minerai où le cobalt est assez pur pour n’avoir pas besoin d’être grillé, et qui donnent leur bleu sans cette préparation ; mais ces morceaux sont très rares, et communément le minerai de cobalt se trouve mêlé d’une plus ou moins grande quantité d’arsenic qu’il faut enlever par la sublimation. Cette opération, quoique très simple, demande cependant quelques attentions ; car il arrive assez souvent que, par un feu de grillage trop fort, le minerai de cobalt perd quelques nuances de sa belle couleur bleue ; et de même il arrive que ce minerai ne peut acquérir cette couleur, s’il n’a pas été assez grillé pour l’exalter, et ce point précis est difficile à saisir. Les unes de ces mines exigent beaucoup plus de temps et de feu que les autres, ce ne peut donc être que par des essais réitérés et faits avec soin que l’on peut s’assurer à peu près de la manière dont on doit traiter en grand telle ou telle mine particulière[7].

Dans quelques-unes, on trouve une assez forte quantité d’argent, et même d’or, pour mériter un travail particulier, par lequel on en extrait ces métaux. Il faut pour cela ne calciner d’abord la mine de cobalt qu’à un feu modéré : s’il était violent, l’arsenic qui s’en dégagerait brusquement emporterait avec lui une partie de l’argent et de l’or, lequel ne s’y trouve qu’allié avec l’argent[8].

Mais ces mines de cobalt, qui contiennent une assez grande quantité de cet argent mêlé d’or pour mériter d’être ainsi travaillées, sont très rares en comparaison de celles qui ne sont mêlées que d’arsenic, de fer et de bismuth, et, avant de faire des essais qui ne laissent pas d’être coûteux, il faut tâcher de reconnaître les vraies mines de cobalt et de les distinguer de celles qui ne sont que des minerais d’arsenic, de fer, etc. ; et, si l’on ne peut s’en fier à cette connaissance d’inspection, il ne faut faire que des essais en petit[9], sur lesquels néanmoins on ne peut pas absolument compter ; car, dans la même mine de cobalt, certaines parties du minéral sont souvent très différentes les unes des autres, et ne contiennent quelquefois qu’une si petite quantité de cobalt qu’on ne peut en faire usage[10].

La substance du cobalt est plus fixe au feu que celle des demi-métaux, même que celle du fer et des autres métaux imparfaits : aussi vient-on à bout de les séparer du cobalt en les sublimant et en les volatilisant par des feux de grillages réitérés. La fixité de cette substance approche de la fixité de l’or et de l’argent ; car le régule de cobalt n’entre pas dans les pores de la coupelle, en sorte que, si l’on expose à l’action du feu, sur une coupelle, un mélange de plomb et de cobalt, le plomb seul pénètre les pores de la coupelle en se vitrifiant, tandis que le cobalt réduit en scories reste sur la coupelle, ou est rejeté sur ses bords : ces scories de cobalt, étant ensuite fondues avec des matières vitreuses, donnent le bleu qu’on nomme safre, et, lorsqu’on les mêle à parties égales avec l’alcali et le sable vitrescible, elles donnent l’émail bleu qu’on appelle smalt.

Le régule de cobalt peut s’allier avec la plupart des substances métalliques ; il s’unit intimement avec l’or et le cuivre qu’il rend aigres et cassants ; on ne l’allie que difficilement avec l’argent[11], le plomb et même avec l’arsenic, quoique ce sel métallique se trouve toujours mêlé par sa nature dans la mine de cobalt ; il en est de même du bismuth, qui se refuse à toute union avec le régule de cobalt ; et, quoiqu’on trouve souvent le bismuth mêlé dans les mines de cobalt, il ne lui est point uni d’une manière intime, mais simplement interposé dans la mine de cobalt sans la pénétrer ; et au contraire, lorsque le cobalt est une fois joint au soufre par l’intermède des alcalis, son union avec le bismuth est si intime, qu’on ne peut les séparer que par les acides, tandis qu’en même temps le cobalt ne contracte avec le soufre qu’une très légère union, et qu’on peut toujours les séparer l’un de l’autre par un simple feu de torréfaction qui enlève le soufre et le réduit en vapeurs.

Le mercure, qui mouille si bien l’or et l’argent, ne peut s’attacher au cobalt, ni s’y mêler par la trituration, aidée même de la chaleur : ainsi la fixité du régule de cobalt, qui est presque égale à celle de ces métaux, n’influe point sur son attraction mutuelle avec le mercure.

Tous les acides minéraux attaquent ou dissolvent le cobalt à l’aide de la chaleur, et ils produisent ensemble différents sels dont quelques-uns sont en cristaux transparents : l’alcali volatil dissout aussi la chaux du cobalt, et cette dissolution est d’un rouge pourpre ; mais, en général, les couleurs, dans toutes les dissolutions du cobalt, varient non seulement selon la différence des dissolvants, mais encore suivant le plus ou le moins de pureté du cobalt, qui n’est presque jamais exempt de minéraux étrangers, et surtout de fer et d’arsenic, dont on sait qu’il ne faut qu’une très petite portion pour altérer ou même changer absolument la couleur de la dissolution.

En France, on a reconnu plusieurs indices de mines de cobalt, et on n’aurait pas dû négliger ces minières ; par exemple, les mines d’argent d’Almont en Dauphiné contiennent beaucoup de mines de cobalt qu’on pourrait séparer de l’argent. M. de Grignon assure qu’on a jeté, dans les décombres de ces mines, peut-être plus de cobalt qu’il n’en faudrait pour fournir toute l’Europe de safre. Le cobalt se trouve mêlé de même avec la mine d’argent rouge à Saint-Marie-aux-Mines en Lorraine[12], et il y en a aussi dans une mine de cuivre azurée au village d’Ossenback dans les Vosges[13] : on n’a fait aucun usage de ces mines de cobalt. M. de Gensane dit, à ce sujet, que, comme ce minéral devient rare, même en Allemagne, il serait avantageux pour nous de mettre en valeur une mine considérable qui se trouve entre la Minera et Notre-Dame-de-Coral en Roussillon[14] : il y en a une autre très abondante et de bonne qualité que les Espagnols ont fait exploiter avec quelque succès, elle est située dans la vallée de Gistau[15]. M. Bowles dit que cette mine n’a été découverte qu’au commencement de ce siècle[16], et qu’elle n’a encore été travaillée qu’a une petite profondeur, qu’on en a tiré annuellement cinq à six cents quintaux[17] ; il ajoute qu’en examinant cette mine de Gistau, il a reconnu différents morceaux d’un cobalt qui avait le grain plus fin et la couleur d’un gris bleu plus clair que celui de Saxe ; que la plupart de ces morceaux étaient contigus à une sorte d’ardoise dure et luisante avec des taches de couleur de rose sèche, et qu’il n’y avait point de taches semblables sur les morceaux de cobalt[18].

C’est de la Saxe qu’on a jusqu’ici tiré la plus grande partie du safre qui se consomme en Europe pour les émaux, la porcelaine, les faïences, et aussi pour peindre à froid, et relever par l’empois la blancheur des toiles. La principale mine est celle de Schneeberg ; elle est très abondante et peu profonde ; on assure que le produit annuel de cette mine est fort considérable : il n’est pas permis d’exporter le cobalt en nature, et c’est après l’avoir réduit en safre qu’on le vend à un prix d’autant plus haut qu’il y a moins de concurrence dans le commerce de cette sorte de denrée, dont l’Allemagne a pour ainsi dire le privilège exclusif[19].

Cependant il se trouve des mines de cobalt en Angleterre, dans le comté de Sommerset ; en Suède, la mine de Tannaberg est d’un cobalt blanc qui, selon M. Demeste, rend par quintal trente-cinq livres de cobalt, deux livres de fer, cinquante-cinq livres d’arsenic et huit livres de soufre[20].

Nous sommes aussi presque assurés que le cobalt se trouve en Asie, et sans doute dans toutes les parties du monde, comme les autres matières produites par la nature ; car le très beau bleu des porcelaines du Japon et de la Chine démontre que très anciennement on y a connu et travaillé ce minéral[21].

Dans les morceaux de mine de cobalt que l’on rassemble dans les cabinets, il s’en trouve de toute couleur et de tout mélange, et l’on ne connaît aucun cobalt pur dans sa mine ; il est souvent mêlé de bismuth, et toujours la mine contient du fer quelquefois mélangé de zinc, de cuivre, et même d’argent tenant or, et presque toujours encore la mine est combinée avec des pyrites et beaucoup d’arsenic. De toutes ces matières, la plus difficile à séparer du cobalt est celle du fer : leur union est si intime qu’on est obligé de volatiliser le fer en le faisant sublimer plusieurs fois par le sel ammoniac qui l’enlève plus facilement que le cobalt ; mais ce travail ne peut se faire en grand.

On voit des morceaux de minerai dans lesquels le cobalt est décomposé en une sorte de céruse ou de chaux : on trouve aussi quelquefois de l’argent pur en petits filets ou en poudre palpable dans la mine de cobalt ; mais, le plus souvent, ce métal n’y est point apparent, et d’ailleurs n’y est qu’en trop petite quantité pour qu’on puisse l’extraire avec profit. On connaît aussi une mine noire vitreuse de cobalt dans laquelle ce minéral est en céruse ou en chaux, qui paraît être minéralisée par l’action du foie de soufre dans lequel le cobalt se dissout aisément.


Notes de Buffon
  1. M. Beaumé dit, dans sa Chimie expérimentale, avoir fait entrer le cobalt dans un alliage pour des robinets de fontaine, que cet alliage pouvait se mouler parfaitement et n’était sujet à aucune espèce de rouille.
  2. Cronstedt a donné le nom de nickel à cette substance, parce qu’elle se trouve dans les mines de cobalt que les Allemands nomment Kupfer-Nickel. M. Bergman observe que, quoiqu’on trouve fréquemment du cobalt natif, il est toujours uni au fer, à l’arsenic et au nickel. Opuscules chimiques, t. II, dissertation 24.
  3. M. l’abbé Mongez assure néanmoins avoir obtenu un régule de cobalt en cristaux composés de faisceaux réguliers. Journal de physique, 1781.
  4. La pesanteur spécifique du régule de cobalt est de 78 119 ; celle du régule de nickel de 78 070 ; et la pesanteur spécifique de l’acier écroui et trempé est de 78 180 ; celle du fer forgé n’est que de 77 880.
  5. Transactions philosophiques, no 396, novembre 1726.
  6. La langue allemande a même attaché au mot de cobalt ou cobolt l’idée d’un esprit souterrain, malfaisant et malin, qui se plaît à effrayer et à tourmenter les mineurs ; et, comme le minerai de cobalt, à raison de l’arsenic qu’il contient, ronge les pieds et les mains des ouvriers qui le travaillent, on a appelé en général cobalto les mines dont l’arsenic fait la partie dominante. Mémoire sur le cobalt, par M. Saur, dans ceux des Savants étrangers, t. Ier.
  7. On pèse deux quintaux qu’on réduit en poudre grossière ; on les met dans un test à rôtir, sous la moufle du fourneau ; on leur donne le degré de chaleur modéré dans le commencement, et de demi-heure en demi-heure on retire le test pour refroidir la matière et la mettre en poudre plus fine, ce que l’on répète trois ou quatre fois, ou jusqu’à ce qu’elle ne rende plus d’arsenic.

    Le caillou qu’il faut joindre à cette matière, pour en achever l’essai, doit être aussi calciné. On choisit le silex qui devient blanc par la calcination, et qui ne prend point de couleur tannée. On peut lui substituer un quartz bien cristallin ou un sable bien lavé, qu’il faut aussi calciner. On divise en deux parties égales le cobalt calciné ; à une de ces parties on joint deux quintaux de cailloux ou de sable, et six quintaux de potasse. Après avoir mêlé le tout ensemble, on le met dans un creuset d’essai, que l’on place sur l’aire de la forge devant le soufflet : aussitôt que le charbon dont on a rempli le foyer, formé avec des briques, est affaissé, et que le creuset est rouge, on peut commencer à souffler, parce qu’on ne risque rien par rapport au soulèvement du flux. Dès qu’on a soufflé près d’une heure, on peut prendre, avec un fil de fer froid, un essai de la matière en fusion, et, si l’on trouve que les scories soient tenaces et qu’elles filent, l’essai est achevé… ; on le laisse encore au feu pendant quelques minutes. Quand on a cassé le creuset, on prend ces scories, on les broie et on les lave avec soin pour voir la couleur qu’elles donnent.

    Si elle est trop intense, on refait un autre essai avec le second quintal de cobalt qu’on a rôti, et l’on y ajoute trois quintaux de cailloux ou de sable. Si la couleur des scories de ce second essai est encore trop foncée, on répète ces essais jusqu’à ce qu’on ait trouvé la juste proportion du sable et la couleur qu’on veut avoir. C’est par ce moyen qu’on juge de la bonté du cobalt ; car, s’il colore beaucoup de sable ou de cailloux calcinés, il rend par conséquent beaucoup de couleur, et son prix augmente. (Schlutter, Traité de la fonte des mines, t. Ier, p. 235 et 236.)

  8. On met quatre quintaux de cobalt dans un vaisseau plat sous la moufle ; on l’agite, sans discontinuer, pendant la calcination ; et, quand il ne rend plus d’odeur d’arsenic, on le pèse pour connaître ce qu’il a perdu de son poids : ce déchet va ordinairement à vingt-cinq ou vingt-six pour cent. On fait scorifier ce qui reste avec neuf quintaux de plomb grenaillé dont on connaît la richesse en argent ; et, lorsque les scories sont bien fluides, on verse le tout, dans le creux demi-sphérique d’une planche de cuivre rouge qu’on a frottée de craie. Les scories étant refroidies, on les détache avec le marteau du culot de plomb, que l’on met à la coupelle ; on connaît par le bouton d’argent qui reste sur la coupelle, et dont on a soustrait l’argent des neuf quintaux de plomb, si ce cobalt mérite d’être traité pour fin. Il convient aussi de faire le départ de ce bouton de coupelle, parce qu’ordinairement l’argent qu’on trouve dans le cobalt recèle un peu d’or. Idem, p. 237.
  9. Pour éviter la dépense des essais en grand, il faut prendre une portion du cobalt que l’on veut essayer ; on le pulvérise en poudre très fine ; ensuite on le met dans un creuset large d’ouverture, que l’on met dans un fourneau… Il faut que le feu soit assez fort pour tenir toujours le creuset d’un rouge obscur ; mais, dès que la matière paraît rouge, on l’agite de deux minutes en deux minutes… Entre chaque agitation on souffle dans le milieu du creuset à petits coups serrés avec un soufflet à main, comme on souffle sur l’antimoine qu’on emploie à purifier l’or… C’est le moyen le plus prompt de chasser la fumée blanche arsenicale, surtout lorsqu’on n’a pas dessein d’essayer dans la suite ce cobalt pour le fin, car, sans le soufflet, l’arsenic serait fort longtemps à s’évaporer. Quand il reste un peu de matière volatile dans le creuset, le cobalt qu’on y a mis paraît s’éteindre, et devient obscur ; mais il faut continuer à l’agiter jusqu’à ce qu’il ne répande plus de fumée blanche ni d’odeur d’ail : alors la calcination est finie… Une once de cobalt ainsi calciné se trouve réduite à environ cinq gros…

    On met deux gros de ce cobalt calciné dans un petit matras ; on y verse une once d’eau-forte, et environ trois gros d’eau commune ; on place le matras sur des cendres très chaudes… l’eau forte se chargera de la partie colorante, si ce minéral en contient, et prendra, en une heure ou deux de digestion, une couleur cramoisi sale : c’est la couleur que lui donne toujours le cobalt propre à faire l’azur, surtout s’il tient du bismuth. S’il ne contient pas de parties colorantes, elle restera blanche ; s’il tient du cuivre, elle prendra une couleur verte…

    Pour tirer la matière bleue du smalt, prenez cent grains de ce cobalt calciné, deux cents grains de sable bien lavé, deux cents grains de sel de soude purifié, et vingt à vingt-cinq grains de borax calciné. Après avoir bien mêlé ces matières dans un petit creuset d’essai bien bouché, mettez ce creuset sur l’aire d’une forge, ou encore mieux dans un petit fourneau de fonte carré… Faites agir le soufflet pendant une bonne demi-heure. Il n’y aura aucune effervescence si le cobalt a été bien calciné ; laissez ce creuset un demi-quart d’heure dans le feu après la parfaite fusion, sans souffler, pour donner le temps à la matière vitrifiée de se rasseoir ; retirez le creuset et mettez le refroidir à l’air ; cassez-le quand il sera froid, vous trouverez toute la matière vitrifiée en un verre bleu foncé, si ce cobalt a donné une couleur rouge à l’eau-forte, ou au moins une couleur de feuille morte. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 238.

  10. Une manière courte d’éprouver si une mine de cobalt fournira du beau bleu, c’est de la fondre dans un creuset avec deux ou trois fois son poids de borax, qui deviendra d’un beau bleu si le cobalt est de bonne qualité. Voyez l’Encyclopédie, article Cobalt.
  11. Si l’on fait fondre ensemble deux parties de cobalt avec une partie d’argent, on trouve l’argent au bas et le cobalt au-dessus, simplement attachés l’un à l’autre ; cependant l’argent devient plus cassant, il est d’une couleur plus grise, et le cobalt est d’une couleur plus blanche qu’auparavant. Le régule de cobalt ne peut donc point s’unir au plomb et à l’argent en toutes proportions, mais seulement en petite quantité. Chimie métallurgique de Geller, t. Ier, p. 184.
  12. Les mines de Sainte-Marie-aux-Mines ont donné, il y a quelques années, de la mine de cobalt en si grande quantité, qu’on avait fait des dépenses nécessaires pour en fabriquer le smalt ; mais cette mine de cobalt s’est appauvrie à mesure que celle d’argent a paru, de manière qu’on n’en trouve pas aujourd’hui assez pour fabriquer cette couleur. Mémoire sur le cobalt, par M. Saur, dans ceux des Savants étrangers, t. Ier.
  13. Auprès du village d’Ossenback, dans les Vosges, il y a une mine de cuivre azur ; le filon contient peu de mine en cuivre, mais il rend beaucoup de plomb : ce filon est un quartz noir extrêmement dur, parsemé de mine couleur de lapis, avec quantité de cobalt. Sur l’exploitation des mines, par M. de Gensane ; Mémoires des Savants étrangers, t. IV, p. 141 et suiv.
  14. Cette mine est située auprès du ruisseau qui descend de la côte qui fait face au village de la Minera. La veine a plus de deux toises d’épaisseur, et paraît au jour sur plus d’une lieue de longueur ; cette mine est de la même nature que celle de San-Giomen en Catalogne. Histoire naturelle du Languedoc, par M. de Gensane, t. II, p. 161.
  15. L’Espagnol qui est propriétaire de cette mine a traité de son produit avec des négociants de Strasbourg, qui l’envoient aux fonderies de Wurtemberg… Il est étonnant qu’aucun particulier des frontières du royaume n’ait pensé jusqu’à présent à enlever aux Allemands la main-d’œuvre de la préparation de l’azur. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 48 et 49.
  16. Histoire naturelle d’Espagne, p. 398 et suiv.
  17. Il y a une mine dans la vallée de Gistau, aux Pyrénées espagnoles, dont le cobalt s’est vendu sortant de la terre jusqu’à quarante livres le quintal pour la fabrique d’azur du Wurtemberg. Traité de la fonte des mines de Schlutter, t. Ier, p. 236.
  18. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 399.
  19. On trouve beaucoup de cobalt en Misnie, en Bohême, dans la vallée de Joachims-Thal ; il y en a dans le duché de Wurtemberg, dans le Hartz et dans plusieurs endroits de l’Allemagne.
  20. Lettres de M. Demeste, t. II, 144.
  21. Quelques personnes prétendent que c’est par un mélange du lapis-lazuli que les Chinois donnent à leurs porcelaines la belle couleur bleue. M. de Bomare est dans cette opinion. Voyez sa Minéralogie, t. II, p. 36 et suiv. ; mais je ne la crois pas fondée, car le lapis, en se vitrifiant, ne conserve pas sa couleur.