Aller au contenu

Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le sacre

La bibliothèque libre.
Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 131-132).

LE SACRE

Je crois devoir séparer cet oiseau[NdÉ 1] de la liste des faucons, et le mettre à la suite du lanier, quoique quelques-uns de nos nomenclateurs[1] ne regardent le sacre que comme une variété de l’espèce du faucon, parce qu’en le considérant comme variété, elle appartiendrait bien plutôt à l’espèce du lanier qu’à celle du faucon : en effet, le sacre a, comme le lanier, le bec et les pieds bleus, tandis que les faucons ont les pieds jaunes. Ce caractère, qui paraît spécifique, pourrait même faire croire que le sacre ne serait réellement qu’une variété du lanier ; mais il en diffère beaucoup par les couleurs, et constamment par la grandeur ; il paraît que ce sont deux espèces distinctes et voisines qu’on ne doit pas mêler avec celles des faucons : ce qu’il y a de singulier ici, c’est que Belon est encore le seul qui nous ait donné des indications de cet oiseau ; sans lui, les naturalistes ne connaîtraient que peu ou point du tout le sacre et le lanier : tous deux sont devenus également rares, et c’est ce qui doit faire présumer encore qu’ils ont les mêmes habitudes naturelles, et que par conséquent ils sont d’espèces très voisines. Mais Belon les ayant décrits, comme les ayant vus tous deux, et les donnant comme des oiseaux réellement différents l’un de l’autre, il est juste de s’en rapporter à lui, et de citer ce qu’il dit du sacre, comme nous avons cité ce qu’il dit du lanier. « Le sacre est de plus laid pennage que nul des oiseaux de fauconnerie, car il est de couleur comme entre roux et enfumé, semblable à un milan ; il est court empiété, ayant les jambes et les doigts bleus, ressemblant en ce quelque chose au lanier ; il serait quasi pareil au faucon en grandeur, n’était qu’il est compassé plus rond. Il est oiseau de moult hardi courage, comparé en force au faucon pèlerin : aussi est oiseau de passage, et il est rare de trouver homme qui se puisse vanter d’avoir oncques vu l’endroit où il fait ses petits ; il y a quelques fauconniers qui sont d’opinion qu’il vient de Tartarie et Russie, et de devers la mer Majeure, et que faisant son chemin pour aller vivre certaine partie de l’an vers la partie du midi, est prins au passage par les fauconniers, qui les aguettent en diverses îles de la mer Égée, Rhodes, Chypre, etc. Et combien qu’on fasse de hauts vols avec le sacre pour le milan, toutefois on le peut aussi dresser pour le gibier et pour la campagne à prendre oies sauvages, ostardes, olives, faisans, perdrix, lièvres, et à toute autre manière de gibier… Le sacret est le mâle, et le sacre la femelle, entre lesquels il n’y a d’autre différence sinon du grand au petit. »

En comparant cette description du sacre avec celle que le même auteur a donnée du lanier, on se persuadera aisément : 1o que ces deux oiseaux sont plus voisins l’un de l’autre que d’aucune autre espèce ; 2o que tous deux sont oiseaux passagers ; quoique Belon dise que le lanier était, de son temps, naturel en France, il est presque sûr qu’on ne l’y trouve plus aujourd’hui ; 3o que ces deux oiseaux paraissent différer essentiellement des faucons en ce qu’ils ont le corps plus arrondi, les jambes plus courtes, le bec et les pieds bleus ; et c’est à cause de toutes ces différences que nous avons cru devoir les en séparer.

Il y a plusieurs années que nous avons fait dessiner à la Ménagerie du roi un oiseau de proie qu’on nous dit être le sacre ; mais la description qui en fut faite alors ayant été égarée, nous n’en pouvons rien dire de plus.


Notes de Buffon
  1. Falco sacer. Le sacre. Brisson, Ornithologie, t. Ier, p. 337. — Nota. Cet auteur en fait la douzième variété de l’espèce du faucon.
Notes de l’éditeur
  1. Falco sacer L. [Note de Wikisource : actuellement Falco (Hierofalco) cherrug Gray].