Œuvres complètes de Lamartine (1860)/Tome 1/Le Chrétien mourant

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TRENTE-TROISIÈME
MÉDITATION



LE CHRÉTIEN MOURANT


Qu’entends-je ? autour de moi l’airain sacré résonne !
Quelle foule pieuse en pleurant m’environne ?
Pour qui ce chant funèbre et ce pâle flambeau ?
Ô mort ! est-ce ta voix qui frappe mon oreille
Pour la dernière fois ? Hé quoi ! je me réveille
Sur le bord du tombeau !

Ô toi, d’un feu divin précieuse étincelle,
De ce corps périssable habitante immortelle,

Dissipe ces terreurs : la mort vient t’affranchir !
Prends ton vol, ô mon âme, et dépouille tes chaînes !
Déposer le fardeau des misères humaines,
Est-ce donc là mourir ?

Oui, le temps a cessé de mesurer mes heures.
Messagers rayonnants des célestes demeures,
Dans quels palais nouveaux allez-vous me ravir ?
Déjà, déjà je nage en des flots de lumière ;
L’espace devant moi s’agrandit, et la terre
Sous mes pieds semble fuir !

Mais qu’entends-je ? Au moment où mon âme s’éveille,
Des soupirs, des sanglots ont frappé mon oreille !
Compagnons de l’exil, quoi ! vous pleurez ma mort !
Vous pleurez ! et déjà dans la coupe sacrée
J’ai bu l’oubli des maux, et mon âme enivrée
Entre au céleste port.