Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre/Tome 1/Appendice III (Discours sur les peines infamantes)

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APPENDICE III


(Variante de l’édition de 1785. Voir p. 42).


Tout ce que l’on pourroit désirer, c’est qu’on s’efforçât de mieux éclairer l’opinion publique sur l’esprit de quelques unes de nos institutions, que nous nous obstinons à regarder comme favorables au préjugé ; telle est sur-tout l’opinion attachée à la confiscation. Quel en est donc l’objet ? Est-ce le coupable qu’on veut punir ? Non, la confiscation n’est pas la peine destinée a expier le crime, elle n’en est que la conséquence ; et d’ailleurs quand le Fisc s’empare des biens d’un criminel, ils ont pour l’ordinaire cessé de lui appartenir, parce que la juste sévérité des Loix lui a ôté la vie, c’est donc sur sa famille que tombe cette peine ; c’est à ses héritiers qu’elle enlevé le patrimoine, que l’ordre naturel des successions leur déféroit ; et tandis qu’ils auroient besoin de toute la considération que le vulgaire attache à l’opulence, pour se défendre contre le mépris public qui les environne, nous ajoutons encore à leur avilissement par la misère… la misère et l’infamie ! Ah ! c’est trop de maux à la fois : craignons-nous donc qu’il ne reste à ces malheureux quelques moyens d’échapper au désespoir et au crime où tout semble les entraîner ! La raison, l’intérêt public, la douceur de nos mœurs, tout nous invite donc à proscrire cet usage, que l’on peut regarder comme le plus puissant protecteur du préjugé.

Mais il en est encore un autre qui doit avoir sur le préjugé que nous combattons une influence très-réelle, quoique plus éloignée, c’est la honte attachée à la bâtardise.

Je voudrois que l’opinion publique n’imprimât plus aucune tâche aux bâtards ; qu’on ne parût point punir en eux les désordres de leurs pères, en les excluant des bénéfices ecclésiastiques. Pourquoi se persuader que les vices de ceux qui leur ont donné le jour, leur ont été transmis avec leur sang ? Je ne proposerois pas cependant de leur accorder les droits de famille, et de les appeller avec les enfans légitimes à la succession de leurs parens : non, pour l’intérêt des mœurs, pour la dignité du lien conjugal, ne souffrons pas que les fruits d’une union illicite, vienent partager avec les enfans de la loi les honneurs et le patrimoine de familles, auxquels ils sont étrangers à ses yeux ; laissons au cœur des citoyens qu’égare l’ivresse des passions, la douleur salutaire de ne pouvoir prodiguer librement toutes les preuves de leur tendresse aux gages d’un amour que la vertu n’approuve pas ; ne leur permettons pas de goûter toutes les douceurs attachées au titre de père, s’ils n’ont plié leur tête sous le joug sacré du mariage. La seule chose où l’on cherche en vain les principes de la justice et de la raison, la seule qui favorise le principe du préjugé dont il est question, c’est cette espèce de flétrissure que nous semblons attacher à la personne des bâtards, en les déclarant incapables de posséder des bénéfices. Cet usage inconnu aux premiers âges de l’Église, né dans le onzième siècle, c’est à dire au milieu des plus épaisses ténèbres de l’ignorance, ne va pas même au but qu’il semble se proposer, puisque l’indignité qu’on suppose dans les bâtards, est toujours levée par des dispenses, qui ne se refusent jamais et qui ne sont que de pure formalité. Si le bien public et l’intérêt de l’Église exigent qu’ils soient exclus des bénéfices, ces dispenses sont injustes et nulles, dans le cas contraire, elles sont absurdes et inutiles, ou plutôt elles servent à faire penser que l’on peut raisonnablement imputer aux hommes des fautes, commises dans un tems où ils n’étoient point encore ; c’est cet abus trop analogue à notre préjugé qu’il faut proscrire, aussi bien que tous ceux de nos autres usages, qui peuvent retracer les mêmes idées et le même esprit.

Mais il est tems de porter un plus grand coup au préjugé, en réformant une autre institution plus déraisonnable encore.

Quel étrange spectacle se présente ici à mes yeux ! deux citoyens ont offensé la Loi ; l’un pressé par le besoin autant que par la cupidité, a osé porter des mains avides sur les trésors de son voisin opulent ; l’autre a trahi l’État, en livrant aux ennemis la florissante armée qu’il devoit conduire à la victoire : la Loi s’apprête à punir ces deux coupables ; on déploie pour le premier l’appareil d’un supplice aussi cruel qu’ignominieux ; mais l’autre, on le regarde encore d’un œil de faveur et de prédilection, l’indulgence éclate jusque dans les coups qu’on lui porte ; on a réservé pour lui une espèce de punition particulière ; on attache à l’instrument même de son supplice une idée de grandeur et de prééminence, qui le distingue encore en ce moment de la foule des citoyens, et semble imposer au mépris public qui devoit l’écraser. Le premier transmettra sa honte au dernier rejetton de sa race malheureuse ; mais la honte n’oseroit approcher de la famille du second : et ses glorieux descendans citeront un jour avec orgueil la catastrophe même qui termina sa vie comme un titre éclatant de leur noblesse et de leur illustration.

Quel est donc le motif d’une telle partialité ! le Noble et le Roturier, condamnés à servir de victime à la vindicte publique, sont deux coupables, tous deux déchus du rang qu’ils occupoient dans l’État, tous deux dépouillés de la qualité de citoyen ; une seule différence reste entr’eux, c’est que le premier est plus criminel parce qu’il avoit violé des Loix qui avoient accumulé sur sa tête toutes les distinctions et tous les avantages de la Société. Pourquoi donc le traiter avec tant d’honneur au sein même de l’infamie ? Ô toi, qui vas expier à la face du public les attentats dont tu tes souillé, viens-tu donc jusques sur l’échafaud humilier, par le faste d’une orgueilleuse prérogative, les citoyens vertueux auxquels les loix vont t’immoler ! viens tu leur dire : je suis si grand et vous êtes si viles, que mes crimes mêmes sont plus nobles que ceux des gens de votre espèce, et que ni mes forfaits, ni mon supplice, ne peuvent encore m’abaisser jusqu’à vous ? Vous venez de voir, Messieurs, dans cet usage une injustice, une atteinte portée à la vigueur des Loix, une insulte à l’humanité ; mais ce qui me touche ici particulièrement, c’est l’appui qu’il prête au préjugé qui nous occupe.

Cette différence de peines qui semble dire aux Roturiers, qu’ils ne sont pas dignes de mourir de la même manière que les Nobles, ajoute nécessairement à celle des premiers un nouveau caractère d’ignominie ; tandis que les punitions des grands paroissent en quelque sorte honorables, parce qu’elles sont réservées pour les grands, celles du peuple deviennent plus avilissantes, parce qu’elles ne sont faites que pour le peuple. C’est ainsi que le déshonneur s’est attaché aux familles plébéiennes, parce que les instrumens destinés au supplice de leurs membres, étoient en même tems les tristes monumens de leur humiliation, et du mépris que la Loi même sembloit témoigner pour elles. Et voilà peut-être le plus puissant du préjugé ; car ce n’est ni la raison, ni la vérité, mais l’éclat des distinctions extérieures qui détermine l’estime de la multitude. Voyez comme par-tout elle considère la vertu moins que les talens, les talents moins que la grandeur et l’opulence ; voyez comme le peuple se méprise toujours lui-même, à proportion du mépris qu’on a pour lui : c’est par ce principe que le préjugé trouve dans l’usage dont je viens de parler, de puissantes ressources pour opprimer cette partie de la Nation, qui reste en butte à ses injustices, et pour faire retomber en elle tout le déshonneur dont l’autre s’affranchit.

Que devons nous faire pour, remédier à de tels inconvéniens ? Si j’entreprends de l’indiquer, ce n’est pas que je veuille porter une main profane sur l’édifice sacré de nos Lois ; je sais qu’il n’appartient qu’aux Chefs de la législation, de peser dans leur sagesse les avantages ou les inconvéniens des Loix ; et que le ministere de l’Écrivain philosophe se borne à diriger l’opinion publique. C’est donc à elle seule que je m’adresse, quand je désire de voir étendu à toutes les classes de la Société, le genre de peines jusque ici réservé pour les grands. Je préfère ce parti à celui d’étendre aux grands les châtimens affectés aux autres citoyens, non seulement parce qu’il est plus doux, plus humain et plus équitable, mais aussi parce qu’il nous fourniroit encore un moyen plus directe d’affoiblir le préjugé.

Tout ce que nous venons de dire, fait voir que la honte de ce préjugé n’est pas seulement, attachée au supplice, mais à la forme même du supplice, et comme l’imagination des peuples est accoutumée de prêter à celle que je propose de rendre générale une sorte d’éclat, et d’en séparer l’idée du déshonneur des familles, la transporter à la bourgeoisie me paroit être un moyen naturel de donner le change au préjugé, et de tourner contre lui les choses mêmes qui ont favorisé ses progrès. Le mal dont nous parlons étant l’ouvrage du caprice et de l’imagination, ce seroit peut-être un grand art que de lui opposer un remède puisé dans ces mêmes principes ; car ce n’est pas toujours sur la gravité des mesures que l’on prend pour déraciner un abus, qu’il faut fonder le succès d’une pareille entreprise, mais sur leurs rapports avec la disposition des esprits qui l’a fait naître et qui la perpétue.

Tous les moyens que je viens d’indiquer, ne peuvent manquer, ce me semble, d’affoiblir au moins le préjugé ; mais il en est un puissant, irrésistible, qui suffiroit seul pour l’anéantir : et ce moyen quel est-il ? Interrogeons là-dessus tout homme de bon sens et il nous l’indiquera, tant il est simple, naturel et infaillible. Qui ne connoit pas cet ascendant invincible attaché à l’exemple des souverains ? Ô Rois ! je vais parler de la plus précieuse de vos prérogatives, et de la plus noble partie de votre puissance. Ce n’est pas lorsqu’elle force un peuple entier à plier sous vos loix qu’elle me frappe davantage : le pouvoir des loix est borné ; elles peuvent bien commander quelques actions extérieures ; mais sous leur empire même, nos esprits, nos pensées, nos passions restent libres, et ce sont elles qui forment nos mœurs, dont la puissence balance et renverse quelquefois celle des Loix mêmes. Mais cette partie de notre indépendance qui échappe à notre autorité, vous la resaisissez par la force de vos exemples.

Par-tout la splendeur des titres et des dignités attire le respect, l’admiration des hommes ; de-là ce penchant impérieux qui les porte à copier les manières et les idées de ceux que leur rang élevé au dessus du vulgaire. Considérez sur-tout le caractère des peuples soumis au gouvernement monarchique, ne semble-t-il pas que cet esprit d’imitation soit le ressort universel qui les fait mouvoir ? Voyez comme les Provinces imitent la Ville, comme la Ville imite la Cour ; comme la manière de vivre des grands devient la règle des peuples, fixe ce qu’on appelle le bon ton, espèce de mérite auquel chacun prétend, et qui est en quelque sorte la mesure de la considération qu’il obtient dans le commerce du monde. Que dis-je ? telle est l’influence de leur conduite, qu’elle efface souvent aux yeux du vulgaire les principes les plus sacrés, et forme presque son unique morale. N’est-il pas des vertus viles et bourgeoises, parce qu’ils les abandonnent au peuple, des ridicules qu’ils mettent en vogue, des vices qu’ils ennoblissent en les adoptant ? Ils pourroient ramener un peuple entier à la vertu, si la vertu d’un peuple n’étoit point une chimère dans les vastes Empires où le luxe irrite sans cesse toutes les passions.

Si tel est le pouvoir de l’exemple des grands, que sera-ce de celui des Souverains ? Supposons qu’il y ait dans le monde un peuple à la fois sensible, généreux et frivole, que la mode entraine, que l’éclat et la grandeur passionnent, qu’un penchant naturel à aimer ses maîtres, encore plus que la vanité, dispose à recevoir toutes les impressions qu’ils voudront lui donner, quelles ressources n’auront-ils pas pour diriger ses mœurs, ses idées, ses opinions ?

Oui, pour triompher du préjugé barbare que je combats, a raison et l’humanité n’attendent plus que leurs secours ; et j’ose croire qu’il nous en coûtera peu pour le leur sacrifier. En effet, quand j’examine plus attentivement cette opinion bizarre, je ne vois pas à quoi elle tient désormais parmi nous : du moins me paroit-il certain qu’elle ne porte point sur un mépris réel de ceux qui en sont les victimes. Quiconque est capable de quelque réflexion, en sent aisément toute l’absurdité ; il trouve en lui assez de philosophie pour s’en détacher, mais il craint le blâme d’autrui s’il osoit la braver ouvertement ; on est enchaîné par les préjugés que l’on suppose dans les autres plutôt que par les siens ; il s’agit donc moins de changer nos principes, que de nous autoriser à les observer par des exemples imposans : que le Souverain nous les donne et nous nous empresserons de les suivre.

Il est peu nécessaire sans doute d’entrer dans le détail des moyens que sa bienfaisance pourroit choisir, pour exécuter un projet si digne d’elle ; ils se présentent d’eux-mêmes à tout esprit juste.

Par exemple, il ne souffriroit pas qu’on fermât désormais aux parents d’un coupable la route des honneurs et de la fortune ; il ne dédaigneroit pas lui-même de les décorer des marques de sa faveur, lorsqu’ils en seroient dignes par leurs qualités personnelles. Il est peu de familles qui ne puissent se glorifier d’un homme de mérite ; souvent celle où les Loix auront trouvé un coupable, offrira plusieurs citoyens distingués par des talens et par des vertus ; la sagesse du Souverain ne laissera point échapper une si belle occasion, d’annoncer au public par des exemples éclatans, combien il dédaigne ce vil préjugé qui ose outrager l’innocence, et de le flétrir pour ainsi dire de son mépris à la face de toute la Nation.

Un jeune homme qui tenoit à une famille honnête, vient de périr sur l’échafaud ; tous les esprits sont encore pleins de l’impression de terreur qu’a produite l’image de son supplice ; on plaint une famille entière digne d’un meilleur sort ; on plaint surtout un père vénérable par ses mœurs, et par des services rendus à la Patrie. Stérile pitié qui ne sauveroit pas de l’infamie !… Mais tout à coup une étonnante nouvelle s’est répandue… Ce citoyen a reçu de la part du Roi une lettre honorable ; le monarque daigne l’assurer qu’une faute étrangère n’efface point à ses yeux les vertus et les services de ses fidèles sujets, il le nomme à un poste considérable dans sa Province, il ajoute à ce bienfait la marque brillante d’une distinction flatteuse… Croit-on que cet homme-là seroit vil aux yeux de ses compatriotes ? Cependant des faits semblables se renouvellent : la renommée les publie par-tout, avec des circonstances propres à frapper l’imagination des peuples, et à leur montrer sous les traits les plus touchans la sagesse et la bonté du Roi. Il n’est pas nécessaire d’ajouter que ses intentions, manifestées par ses actions et par ses discours, sont devenus pour ses Courtisans une loi ; que les grands, que les hommes en place, seconderont de tout leur pouvoir l’exécution de ses vues bienfaisantes. Voilà donc les dispensateurs des grâces, les modèles du goût et des mœurs publiques, les arbitres du bon ton, législateurs de sa société, ligués contre une opinion qui a sa source dans le faux honneur ; la vanité même se joint à la justice et à la raison pour la repousser. Nous la verrons donc bientôt reléguée dans la classe de ces préjugés grossiers, qui ne sont faits que pour le peuple, et que les honnêtes gens rougiroient d’adopter.

Applaudissons-nous, Messieurs, de voir son sort dépendre d’un pareil événement ; non, ce ne sera point en vain que vous aurez conçu le noble espoir d’en affranchir l’humanité. Cette idée intéressante, sur laquelle vous avez su fixer l’attention du public, parviendra tôt ou tard jusqu’au Trône ; elle ne sera pas vainement présentée au jeune et sage Monarque qui le remplit : nous en avons pour garant cette sainte passion du bonheur des peuples qui forme son auguste caractère. Celui qui bannissant de notre Code criminel l’usage barbare de la question, voulut épargner aux accusés des cruautés inutiles qui déshonoroient la justice, est digne d’arracher l’innocence à l’infamie qui ne doit poursuivre que le crime. Dompter ce préjugé terrible, seroit du moins un nouveau genre de triomphe, dont il donneroit le premier exemple aux Souverains, et dont la gloire ne seroit point effacée par l’éclat des grands événemens qui ont illustré son regne.

Enfin cette ressource si puissante n’est pas la dernière qui nous reste ; j’en vois une autre qui paroît faite pour la seconder, et qui seule produiroit encore les plus grands effets : et cette ressource, Messieurs, c’est vous-même qui nous l’avez, présentée.

En invitant les Gens de Lettres à frapper sur l’opinion funeste dont nous parlons, vous avez donné au public un gage certain de sa ruine, la raison et l’éloquence : voilà des armes que l’on peut désormais employer avec confiance contre les préjugés. Oui, plus je réfléchis, et plus je suis porté à croire que celui dont il est question, ne conserve encore aujourd’hui des restes de son ancien empire, que parce qu’il n’a point encore été approfondi, parce que l’esprit philosophique ne s’est point encore porté particulièrement sur cet objet. On croit peut-être assez généralement qu’il est injuste et pernicieux ; mais le croire ce n’est point le sentir : pour imprimer aux esprits ce sentiment profond, pour leur donner ces fortes secousses, nécessaires pour les arracher à un préjugé qui s’appuie encore sur la force d’une ancienne habitude, il faudroit ramener souvent leur attention sur le tableau des injustices et des malheurs qu’il entraîne.

C’est à vous de rendre ce service à l’humanité, illustres Écrivains, à qui des talens supérieurs imposent le noble devoir d’éclairer vos semblables ; c’est à vous qu’il est donné de commander à l’opinion ; et quand votre pouvoir fut-il plus étendu que dans ce siècle avide des jouissances de l’esprit, où vos Ouvrages devenus l’occupation et les délices d’une foule innombrable de citoyens, vous donnent une si prodigieuse influence sur les mœurs et sur les idées des peuples ? Combien de coutumes barbares, combien de préjugés aussi funestes que respectés n’avez-vous pas détruits, malgré les profondes racines qui sembloient devoir ôter l’espoir de les ébranler ? Hélas ! le génie sait faire triompher l’erreur même, lorsqu’il s’abaisse à la protéger ; que ne pourrez-vous donc pas quand vous montrerez la vérité aux hommes, non pas la vérité austère gourmandant les passions, imposant des devoirs, demandant des sacrifices ; mais la vérité douce, touchante, réclamant les droits les plus chers de l’humanité, secondant le vœu de toutes les âmes sensibles et trouvant tous les cœurs disposés à la recevoir ? Quelle résistance éprouverez-vous, quand vous attaquerez avec toutes les forces de la raison et du génie un préjugé odieux, déjà beaucoup affoibli par le progrès des lumières, et dont on s’étonnera d’avoir été l’esclave, dès que vous l’aurez peint avec les couleurs qui lui conviennent ?

Grâces immortelles soient donc rendues à la Compagnie savante, qui la première a donné l’exemple de tourner vers cet objet l’émulation des Gens de Lettres. Cette idée, aussi belle qu’elle est neuve, lui assure à jamais des droits à la reconnaissance de la Société. J’ai tâché, Messieurs, autant qu’il étoit en moi, de seconder votre zèle pour le bien de l’humanité : puisse un grand nombre de ceux qui ont couru avec moi la même carrière, avoir attaqué avec des armes plus victorieuses, l’abus funeste contre lequel nous nous sommes ligués ! Si je n’obtiens pas la couronne à laquelle j’ai osé aspirer, je trouverai du moins au fond de mon cœur un prix plus flatteur encore, qu’aucun rival ne sauroit m’enlever.


FIN