Œuvres complètes de Saint-Just/Tome 1/XI. Lettre à Adrien Bayard

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Lettre à Adrien Bayard, Texte établi par Charles Vellay, Eugène Fasquelle, éditeur (L’Élite de la Révolution)Tome premier (p. 350-351).


XI

LETTRE À ADRIEN BAYARD


Saint-Just venait à peine d'atteindre sa vingt-cinquième année quand s'ouvrirent, le 2 septembre 1792, les élections à la Convention nationale. Ce fut à Soissons, dans l'église Saint-Gervais, que se réunirent les électeurs du département de l'Aisne. Le crédit et l'influence de Saint-Just étaient alors considérables, et il occupait dans cette assemblée électorale une place prédominante. Secrétaire, par son àge, du bureau provisoire, il fut ensuite acclamé président du premier bureau. Il fut élu le cinquième représentant de l'Aisne, le 5 septembre, par 349 suffrages sur 600 volants. « Le nom de Saint-Just, dit M. Edouard Fleury, fut proclamé par le président de l'Assembiée au milieu des applaudissements enthousiastes de ses amis. Quand le jeune conventionnel apparut dans la salle, ce fut un concert d'acclamations auxquelles se joignirent même les électeurs qui tout à l'heure lui avaient refusé leurs voix. Sa tendre jeunesse, son grand air, l'intelligence froide qui rayonnait sur son front, sa confiance en lui-même, avaient triomphé des hostilités. » Le procès-verbal de la réunion électorale porte ces mots : « M. le Président lui a dit deux mots sur ses vertus qui ont devancé son âge. M. de Saint-Just a répondu en marquant à l'assemblée toute sa sensibilité et la plus grande modestie: il a en outre prêté le serment de maintenir la liberté et l'égalité, et le son des cloches a annoncé sa nomination. » Avant de quitter la ville où il venait d'être élu, Saint-Just présida lui-même à l'enrôlement des volontaires. Il prononça, à cette occasion, un discours vibrant d’enthousiasme et salué, disent les procès-verbaux, par des applaudissements « à tout rompre », inais dont le texte n’a malheureusement pas été conservé.

Saint-Just était encore à Soissons, le 9 septembre, quand il annonça son élection à son beau-frère, Adrien Bayard, par cette brève lettre :


Frère, je vous annonce que j’ai été nommé, lundi dernier, député à la Convention par l’assemblée électorale du département de l’Aisne. Faites-moi le plaisir de me mander, dans le courant de la semaine, si je puis disposer, pour une quinzaine, de votre logement, en attendant que j’en aie trouvé un. Dans le cas où cela se pourrait, donnez-moi une lettre pour le concierge.

Donnez-moi des nouvelles de votre épouse ; envoyez-la-moi, si vous voulez, quand je serai installé.

Je vous embrasse tous les deux de tout mon cœur.

Votre frère et ami,

Saint-Just.

Soissons, ce 9 septembre 1792.


P.-S. — Je pars lundi prochain.