Œuvres de La Rochefoucauld - T.1/Arvetissement

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Texte établi par D. L. Gilbert, Librairie de L. Hachette et Cie (Tome premierp. cxxi-cxxiv).

AVERTISSEMENT

SUR LE TOME I[1]

Ce premier tome contient les Œuvres morales du duc de la Rochefoucauld, c’est-à-dire celles qui, ajuste titre, ont ajouté à la gloire de l’illustre nom qu’il portait. Outre quelques morceaux accessoires qui les précèdent, elles se composent des Réflexions ou Sentences et Maximes morales[2], et des pensées intitulées Réflexions diverses[3]. La Notice bibliographique, et les Notices particulières que l’on trouvera dans le courant de ce volume me dispensent d’un long Avertissement ; il me suffira de résumer ces dernières pour rendre compte au public de mon travail.

Le recueil des Maximes est le seul ouvrage que la Rochefoucauld ait publié lui-même, et cinq éditions en ont paru de son vivant. J’ai suivi le texte de la dernière, celle de 1678, comme étant l’expression définitive de la pensée de l’auteur, mais j’ai joint à ce texte, dans les notes, les nombreuses variantes qui s’y rapportent, et qui sont puisées à diverses sources, le Manuscrit de la Rocheguyon, les papiers de Mme de Sablé, connus sous le nom de Portefeuilles de Vallant, et les quatre premières éditions des Maximes (1665, 1666, 1671 et 1675)[4].

À la suite de cette série principale se plaçaient naturellement les Maximes posthumes, c’est-à-dire celles qui, comme le mot l’indique, n’ont paru qu’après la mort de l’auteur ; dans les éditions précédentes, elles étaient au nombre de vingt-huit ; j’ai pu les augmenter de trente autres, tirées du Manuscrit et des Portefeuilles ci-dessus mentionnés[5].

Enfin il est un certain nombre de pensées que la Rochefoucauld a successivement éliminées de son œuvre ; sous le titre de Maximes supprimées, je les ai recueillies avec autant de soin qu’il m’a été possible, ne laissant de côté que celles qui, à titre de variantes, avaient déjà trouvé place dans les notes des Maximes définitives de l’auteur[6].

Ces trois séries forment un total de six cent quarante et une maximes, c’est-à-dire un relevé complet, le plus complet qui ait été donné jusqu’à présent, déduction faite des simples variantes, qu’on a trop souvent réimprimées comme pensées distinctes. Pour les deux dernières de ces trois séries, j’ai adopté un caractère d’imprimerie différent, mais un numérotage continu, m’étant bien trouvé de cette disposition dans une édition que j’ai publiée d’un autre moraliste, Vauvenargues[7].

Les Réflexions diverses sont encore, à un certain point de vue, des Maximes, si bien qu’un des éditeurs de la Rochefoucauld, l’abbé Brotier, a cru pouvoir donner les unes et les autres sous la même forme[8]. Sept avaient été imprimées dès 1731 ; j’en ajoute douze autres, que M. Édouard de Barthélémy avait publiées en 1863 et qui viennent des manuscrits de la Rocheguyon.

Telle est la composition principale de ce volume. On y trouvera, en tête des œuvres de la Rochefoucauld, son Portrait écrit par lui-même, un autre Portrait de la main du cardinal de Retz, puis, comme réplique, le Portrait du Cardinal par le Duc ; enfin la première Préface et la dernière que l’auteur a mises en tête des Maximes[9]. À la suite des Réflexions diverses, sous le titre d’Appendice, sont réunis divers morceaux se rattachant aux Maximes : 1o  un Discours apologétique, sollicité, ou au moins accepté par la Rochefoucauld pour sa première édition ; 2o   les Jugements des contemporains, également sollicités par lui[10] ; puis plusieurs pièces (numéros xii-xix de l’Appendice) ayant trait, de près ou de loin, à son principal ouvrage. Enfin, ce volume est complété par une nouvelle Table alphabétique et analytique des Œuvres morales, c’est-à-dire des Maximes et des Réflexions diverses. En tête de cette Table, j’ai dit les raisons qui m’ont engagé à la faire.

Quant au texte de la présente édition, je n’ai pas à en parler longuement : on sait quelles sont les règles adoptées pour cette collection des Grands écrivains de la France ; rien n’y paraît qui nait été vérifié, soit sur les manuscrits quand il en existe, soit sur les éditions originales. Je n’ai pas davantage à parler de l’orthographe et de la ponctuation, si peu fixées au dix-septième siècle, que notre auteur lui-même en varie sans cesse ; ici, comme dans tout le reste, je me suis conformé aux usages suivis pour l’uniformité de cette collection. Je n’insisterai pas non plus sur le travail d’annotation : tout en m’abstenant de discuter avec l’auteur, j’ai tâché de faire un commentaire perpétuel de son œuvre, comme on en use avec les auteurs grecs ou latins. Je m’y suis appliqué surtout à la confrontation, pour ainsi dire, de la Rochefoucauld avec lui-même, par de nombreux renvois entre ses pensées, et à sa confrontation avec les moralistes anciens ou modernes, par des rapprochements que j’ai multipliés autant que je l’ai pu.

Il me reste un agréable devoir à remplir, celui de remercier publiquement M. Ad. Régnier, directeur de cette collection des Grands écrivains de la France. À des connaissances presque universelles, il joint le tact littéraire le plus délicat ; il juge de tout avec un discernement qui profite à ses collaborateurs, et l’érudition n’a rien ôté, chose rare, ni à la sureté ni à la finesse de son goût. Qu’il veuille bien souffrir que je lui rende ici ce respectueux témoignage ; sa modestie dépasserait son droit et empiéterait sur le mien, si elle s’opposait à la juste expression de ma reconnaissance.

D. L. Gilbert.

  1. Le tome suivant sera précédé d’un Avertissement particulier.
  2. Tel est le titre donné par l’auteur lui-même à son livre. — Voyez la note 2 de la page 25.
  3. C’est ainsi que tous les éditeurs désignent ces morceaux, qui sont posthumes, et que l’auteur n’avait pas réunis sous un titre commun.
  4. La Notice bibliographique donnera la description de ce manuscrit, de ces portefeuilles, en tant qu’ils ont rapport aux Maximes, et de ces éditions.
  5. Pour de plus amples détails, voyez la Notice des Maximes posthumes, p. 219-222.
  6. Voyez la Notice des Maximes supprimées, p. 239-242.
  7. Œuvres complètes de Vauvenargues,vol. in-8o, Paris, Furne, 1857.
  8. Voyez la Notice des Réflexions diverses, p. 271 et 272.
  9. Les trois autres Préfaces originales, celles de 1666, de 1671 et de 1675, donnent de légères différences, que nous avons relevées dans les notes des pages 29 et 30.
  10. Voyez p. 371 et 372.