Œuvres de Lagrange/Pièces diverses/Sur les interpolations

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SUR
LES INTERPOLATIONS[1].


(Astronomisches Jahrbuch oder Ephemeriden für das Jahr 1783. Unter Aufsicht und mit Genehmhaltung der Königl. Akademie der Wissenschaften zu Berlin verfertigt und zum Drucke befördert. Berlin, 1780.)


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1. La méthode des interpolations est une des plus ingénieuses et des plus utiles que l’Astronomie possède. Elle sert non-seulement pour remplir dans les Tables les lieux moyens entre ceux qu’on a calculés immédiatement, mais encore pour suppléer dans une suite d’observations à celles qui manquent. Lorsque les nombres donnés entre lesquels il s’agit d’insérer des nombres intermédiaires sont en progression arithmétique, il est naturel d’imaginer que les nombres intermédiaires cherchés doivent former aussi une même progression arithmétique avec les nombres donnés ; il n’y a donc alors qu’à insérer des moyens arithmétiques entre les nombres donnés ; c’est en quoi consiste la méthode des parties proportionnelles, dont l’usage paraît avoir été connu de tout temps. Mais cette méthode si simple ne peut avoir lieu que lorsque les nombres donnés croissent ou décroissent également, c’est-à-dire par des différences constantes. Si ces différences ne sont pas constantes, alors on ne peut pas supposer non plus que celles des nombres intermédiaires le soient, et la question se réduit à trouver la loi de l’augmentation ou de la diminution des nombres donnés pour pouvoir y assujettir aussi les nombres intermédiaires. C’est l’objet de la méthode des interpolations. Ce qui se présente de plus naturel dans cette recherche, c’est d’examiner si les différences des nombres donnés forment elles-mêmes une progression arithmétique ; dans ce cas il est visible que l’on peut appliquer la méthode des parties proportionnelles à la suite des différences ; ensuite on pourra remonter de cette suite à celle des nombres cherchés. De même, si les différences des nombres donnés ne forment pas une progression arithmétique, mais que les différences de ces différences, qu’on appelle différences secondes de la série donnée, en forment elles-mêmes une, on pourra trouver les termes intermédiaires de cette dernière suite, et remonter de là successivementà celle des différences premières, et enfin à celle des nombres à interpoler.

C’est sur ce principe qu’est fondée la théorie ordinaire de l’interpolation, laquelle se réduit par conséquent à la solution de ce Problème :

Étant donnée une suite de nombres dont les différences d’un ordre quelconque soient constantes, trouver un nombre quelconque de termes intermédiaires qui suivent la même loi.

Les Français font honneur de cette découverte à M. Mouton, chanoine de Lyon, qui en parle dans un Ouvrage sur les diamètres apparents du Soleil et de la Lune, imprimé en 1670, à l’occasion d’une Table des déclinaisons du Soleil insérée dans cet Ouvrage. C’est le même qui a calculé les logarithmes des sinus et des tangentes pour toutes les secondes des quatre premiers degrés et des quatre derniers, jusqu’à dix décimales, dont l’Académie des Sciences de Paris possède le manuscrit, et qu’on a publié depuis peu, mais seulement jusqu’à sept décimales dans la nouvelle édition des Tables de Gardiner, faite à Avignon.

Il paraît néanmoins que la découverte dont il s’agit doit être beaucoup plus ancienne, et il est bien naturel de penser qu’elle n’a pu échapper aux premiers calculateurs des Tables trigonométriques et logarithmiques, à cause des secours immenses qu’elle offre dans ces sortes de calculs. Aussi je trouve que Henri Briggs, qui a calculé le premier les logarithmes des nombres naturels depuis jusqu’à et depuis jusqu’à mille, propose, pour remplir cette lacune, une méthode d’interpolation fondée sur la considération des différences successives, qu’il dit avoir déjà employée avec succès dans la construction du canon trigonométrique pour les sinus et tangentes des degrés et des centièmes de degré. (Voir son Arithmetica logarithmica, Chap. XIII, et sa Trigonometria Britannica, Chap. XII.)

Cette méthode, dont Briggs ne donne point la démonstration, et dont aucun des auteurs qui sont venus après lui n’a fait mention que je sache, me paraît très-directe et très-ingénieuse ; elle a été généralisée depuis par Cotes dans sa Canonitechnia, sive constructio Tabularum per differentias ; mais cet auteur a également supprimé la démonstration de ses formules, et je ne sache pas que personne jusqu’ici ait entrepris d’y suppléer, ce qui vient vraisemblablement de ce que l’usage de cette méthode a été entièrement abandonné depuis que Newton en a proposé une autre plus simple, fondée uniquement sur la considération des courbes.

Newton regarde les termes donnés comme autant d’ordonnées d’une courbe de genre parabolique, et il cherche l’équation d’une courbe de cette espèce qui passerait par tous les points donnés. Ayant cette équation, on a évidemment la loi de toute la courbe, et par conséquent la valeur de toutes les ordonnées intermédiaires, qui sont les termes à interpoler.

2. Comme l’analyse de Newton est très-connue, je ne la rappellerai point ici. Elle conduit, comme l’on sait, à cette formule très-simple et très-générale

dans laquelle sont les différences premières, secondes, troisièmes, etc. de la suite donnée qu’il s’agit d’interpoler en sorte que

Cette formule sert donc, comme on voit, à trouver la valeur d’un terme quelconqué intermédiaire entre deux termes quelconques de la série donnée, et pour cela il n’y a qu’à faire égal à la fraction qui exprime la distance du terme cherché au premier terme Mais, pour en faciliter l’usage dans l’interpolation des lieux de la Lune et des planètes, on a donné jusqu’ici, dans nos Éphémérides, une Table qui donne les valeurs des coefficients en supposant exprimé en parties de heures, et cette Table est calculée de en minutes. On trouve de plus, dans lé volume des Éphémérides pour 1778, une autre Table qui donne les valeurs des mêmes coefficients en parties d’une heure ou de minutes, et qui est calculée de en secondes. La première de ces Tables sert pour interpoler les lieux calculés de jour en jour, comme on les trouve dans les Èphémérides. La seconde pourrait servir pour interpoler des lieux calculés d’heure en heure ; mais son principal usage consiste à interpoler des quantités qui ne seraient données que de degré en degré. Enfin, il y a dans le Recueil des Tables logarithmiques et trigonométriques de M. Schulze une nouvelle Table qui donne les valeurs des coefficients dont il s’agit, pour chaque centième partie de l’unité, c’est-à-dire en faisant successivement de sorte que par le moyen de cette Table on pourra aisément interpoler entre les premiers termes et d’une suite donnée quatre-vingt-dix-neuf termes intermédiaires placés à distances égales.

3. La formule précédente est la plus usitée, et c’est d’ailleurs presque la seule que les Astronomes connaissent. Il y en a cependant une autre non moins simple ; et qui est même préférable à quelques égards c’est celle qui résulte de la troisième Proposition de la méthode différentielle de Newton, et qui a fourni les Tables placées à la fin du Traité de Cotes : De constructione Tabularum. La voici :

4. Soit la suite des termes équidistants à interpoler continuée de part et d’autre ainsi

qu’on en prenne successivement les différences premières, secondes, troisièmes, en les écrivant, pour plus de commodité, comme on le voit ici,

en sorte que la seconde ligne horizontale soit celle des différences premières des termes de la première ligne ; que la troisième contienne les différences premières des termes de la seconde, et par conséquent les différences secondes de ceux de la première, et ainsi de suite, et qu’en général chaque terme d’une ligne quelconque horizontale soit la différence des deux termes de la ligne supérieure entre lesquels il est placé ; par exemple,

Qu’on suppose maintenant, pour plus de simplicité et d’uniformité,

on aura en général

En faisant négatif on aura la valeur de (Voyez les Mémoires de l’Académie de Berlin pour 1758, où cette formule est démontrée et appliquée à quelques exemples).

5. Les avantages de cette dernière formule sont :

1o Que l’on peut trouver par une même opération les valeurs des deux termes et également distants de part et d’autre du terme du milieu

Car en faisant négatif pour avoir la valeur de il est clair que les termes de la formule qui occupent les places paires doivent demeurer les mêmes, puisque n’y est élevé qu’à des puissances paires ; au contraire, les termes qui occupent les places impaires changent simplement de signe, puisque chacun de ces termes est une fonction de multipliée par .

De sorte que, si l’on fait séparément une somme des termes pairs et une somme des termes impairs, et qu’on nomme la première la seconde on aura

2o Que les termes affectés des puissances paires de sont séparés et indépendants de ceux qui contiennent les puissances impaires, la somme étant composée uniquement des premiers et la somme uniquement des seconds, ce qui est plus analogue à la nature des fonctions que l’on a à interpoler dans l’Astronomie, ces fonctions étant ordinairement composées de sinus-et de cosinus dont les uns ne donnent que des puissances impaires de l’arc, les autres que des puissances paires.

3o Si les termes de la suite des différences vont en décroissant et deviennent enfin nuls, c’est une marque que la série proposée est algébrique. Alors la formule qui exprime le terme général se trouve finie et exacte ; ainsi elle donnera rigoureusement la valeur d’un terme quelconque intermédiaire. Mais, si les termes de la suite dont il s’agit ne vont pas en diminuant, l’expression de ne se terminera pas et ne sera pas même convergente ; elle sera donc fautive et ne pourra pas être employée pour trouver les termes intermédiaires. Cet inconvénient a également lieu dans la formule ordinaire d’interpolation que nous avons rapportée plus haut, et vient en général de ce qu’alors la série n’est pas algébrique, comme on le suppose.

6. Parmi les cas qui échappent à ces méthodes d’interpolation, un des plus étendus et des plus importants dans l’Astronomie est celui où la série à interpoler est composée de sinus ou de cosinus d’angles qui varient uniformément, mais dont les variations d’un terme à l’autre de la série sont trop grandes pour qu’on puisse substituer à ces sinus ou cosinus leurs valeurs exprimées par des puissances des arcs. Dans ce cas, les différences successives sont très-irrégulibres elles vont tantôt en augmentant, tantôt en diminuant, et changent même souvent de signe, ce qui ne peut que rendre fautive la valeur de dans les formules connues d’interpolation. Ces formules ne peuvent donc être d’aucun usage dans ces sortes de séries ; il est néanmoins d’autant plus intéressant d’avoir une méthode pour interpoler les séries de cette forme que toutes les irrégularités des mouvements des corps célestes s’y rapportent, et qu’en général l’art de construire des Tables des planètes d’après les observations en dépend. Cette considération m’a engagé, il y a quelques années, à chercher une méthode particulière pour cet objet, et j’ai donné le résultat de mes recherches sur cette matière dans un Mémoire imprimé parmi ceux de l’Académie des Sciences de Paris pour l’année 1772[2] ; mais j’ai remarqué depuis qu’on peut simplifier beaucoup la méthode de ce Mémoire en employant la série des différences successives de la seconde formule d’interpolation donnée ci-dessus (no 4). C’est ce que je vais développer ; je tâcherai en même temps d’ajouter quelques autres simplifications à la méthode dont il s’agit.

7. La question considérée dans toute sa généralité se réduit à celle-ci :

Supposons que l’on ait une suite dont le terme général soit de la forme suivante

et que l’on connaisse plusieurs valeurs successives, telles que

répondant à

il s’agit de déterminer les coefficients ainsi que les angles

Supposons, pour plus de simplicité, que la valeur de ne renferme qu’un seul terme en donnant successivement à les valeurs précédentes, on aura

De là on trouvera, en prenant les différences successives et employant les réductions connues

De sorte qu’on aura

Donc, puisque si l’on partage la série précédente en deux, on aura ces deux suites

lesquelles sont évidemment deux progressions géométriques qui ont la même raison

8. De là il est facile de conclure que, si l’expression de contient plusieurs termes tels que

la série sera composée d’autant de progressions géométriques dont les premiers termes seront

et dont les raisons seront

et que, de même, la série sera composée d’autant de progressions géométriques dont les premiers termes seront

et dont les raisons seront les mêmes que pour la série

Ces deux séries seront par conséquent toujours du genre de celles que l’on nomme récurrentes, et dont la propriété est qu’il y a constamment la même relation entre un certain nombre de termes successifs ; cette relation étant la même que celle des puissances successives de l’inconnue dans une équation qui aurait pour racines les raisons des différentes progressions géométriques qui composent la série récurrente, ainsi qu’il est démontré dans plusieurs Ouvrages.

9. Lors donc qu’on aura formé la série des différences successives on examinera d’abord si cette série va en diminuant, auquel cas on pourra faire usage de la formule du no 4.

Si l’on voit que cette série n’est pas décroissante, on la partagera en ces deux et l’on examinera si elles sont des progressions géométriques qui ont la même raison. Alors, nommant cette raison, c’est-à-dire le quotient d’un terme quelconque divisé par le précédent, on aura

d’où

Ensuite on aura

d’où l’on tire

par où l’on connaîtra le coefficient ainsi que les deux angles et ainsi l’on aura

pour expression du terme général de la série primitive donnée.

10. En général, lorsque les séries sont composées de différentes progressions géométriques, il est facile de s’apercevoir qu’elles doivent dégénérer peu à peu en progressions géométriques simples, qui aient pour raison la plus grande des quantités

parce que les termes des progressions dont les raisons sont moindres doivent aller en diminuant vis-à-vis de ceux de la progression qui a la plus grande raison.

Donc, si l’on a un grand nombre de termes de ces séries, il n’y aura qu’à examiner si les derniers termes sont entre eux dans un rapport constant ou à peu près constant, et qui soit le même pour les deux séries. Si cela n’est pas, on en conclura d’abord que l’expression du terme général n’est pas composée de sinus d’arcs qui croissent uniformément. Mais supposons que la condition dont il s’agit ait lieu alors, nommant le quotient d’un des derniers termes divisé par celui qui le précède, on aura l’angle étant celui de tous les angles qui approchera le plus de Et cette détermination de sera d’autant plus exacte que la série approchera le plus d’être une progression géométrique. De plus, si l’on divise un de ces termes par étant le quantième de ce terme, à compter du premier ou on aura à très-peu près les valeurs de et par où l’on connaîtra l’angle et le coefficient On pourra donc connaître par ce moyen, du moins par approximation, un des termes, tel que de l’expression de

11. Si maintenant on reprend la série primitive et qu’on y prenne seulement les termes de deux en deux comme

ou de trois en trois comme

ou, en général, de en comme

série que nous représenterons simplement ainsi

il est visible que le terme général de cette série sera le même que le terme général de la première série, en mettant dans celui-ci à la place de

Si donc on cherche les différences successives de cette dernière série, et qu’on en déduise les deux séries et on y pourra appliquer les raisonnementsdu numéro précédent et en déduire par la même méthode la valeur approchée de l’angle qui sera le plus près de Ainsi l’on connaîtra par ce moyen celui des angles qui approchera le plus de ou plutôt, comme est un maximum lorsque étant un nombre entier quelconque positif ou négatif, l’angle qu’on trouvera par la méthode précédente sera celui qui sera le plus près de ce qui fournira différents moyens de connaître à peu près les différents angles qui entrent dans l’expression du terme général

12. Mais, pour trouver les valeurs exactes de ces angles ainsi que des autres constantes qui entrent dans l’expression du terme général il faut considérer la question dans toute sa généralité et traiter les séries comme des séries récurrentes d’ordre quelconque, La méthode que j’ai donnée pour cet objet dans le Mémoire cité plus haut est peut-être ce qu’il y a de plus direct pour cette recherche mais, comme cette méthode est fondée sur la théorie des fractions continues, qui n’est peut-être pas assez familière aux Astronomes, nous allons en proposer une autre qui a l’avantage de ne demander que des opérations élémentaires.

Cette méthode est fondée sur la propriété générale des séries récurrentes dont nous avons parlé plus haut (no 8).

On prendra un nombre indéfini d’inconnues que nous dénoterons, pour plus de simplicité, par et l’on formera les équations suivantes, dont la loi est assez évidente,

On divisera d’abord chacune de ces équations par le coefficient de la première inconnue ensuite on les soustraira successivement l’une de l’autre ; on aura de nouvelles équations de la même forme, mais qui ne contiendront plus l’inconnue On divisera de nouveau ces équations par les coefficients de la première inconnue et on les retranchera l’une de l’autre, ce qui produira de nouvelles équations où les deux inconnues ne se trouveront plus. On continuera ainsi tant qu’il y aura des équations et des inconnues.

Maintenant, si la loi des séries peut être représentée par deux termes, il faudra que, dans les équations ci-dessus, toutes les inconnues puissent être nulles, hors les deux premières

Par conséquent il faudra que, dans la seconde suite d’équations sans l’inconnue l’autre inconnue disparaisse d’elle-même, c’est-à-dire que les coefficients de cette inconnue soient nuls. Si cette condition a lieu, on prendra une quelconque des premières équations, on y fera et l’on déterminera par là la valeur de en supposant, pour plus de simplicité, Alors, nommant en général deux termes quelconques successifs de la série ou de l’autre série on aura cette relation constante

d’où l’on formera cette équation en du premier degré

Si la condition précédente n’a pas lieu, il faudra savoir si la loi des séries récurrentes peut être représentée par trois termes. Pour cela il faudra que, dans la troisième suite d’équations sans les inconnues et la troisième inconnue s’en aille d’elle-même, afin que l’on puisse y supposer nulles toutes les autres inconnues

Si cette dernière condition a lieu, on prendra une quelconque des premières équations et une quelconque des équations sans on y fera et l’on aura deux équations qui serviront à déterminer les inconnues et et où l’on pourra supposer, pour plus de simplicité,

Alors nommant trois termes consécutifs de l’une ou de l’autre série on aura cette relation constante

d’où l’on formera cette équation en du second degré

Mais, si la condition dont il s’agit n’a pas lieu, la loi des séries ne pourra pas être représentée par trois termes, et il faudra voir si elle peut l’être par quatre, et ainsi de suite.

13. Supposons à présent que l’on ait reconnu que cette loi peut être exprimée par termes, en sorte que l’on ait cette relation entre les termes successifs

On formera de là l’équation en de degré

dont les racines seront les raisons des différentes progressions géomé-

triques qui composent les séries et et par conséquent seront égales à (no 8)

On aura donc non-seulement le nombre des sinus qui entrent dans l’expression du terme général de la série proposée (no 7), mais aussi les valeurs des angles et il ne restera plus qu’à déterminer les coefficients ainsi que les angles ce qu’on fera par la comparaison d’autant de termes de la série donnée. On pourrait aisément donner des formules générales pour cet objet, mais elles seraient, dans la pratique, moins commodes que l’opération ordinaire de l’élimination.

Pour faciliter cette opération, on prendra d’abord les sommes et les différences des termes équidistants de part et d’autre du terme et l’on formera ces équations

ainsi que les équations

Les premières serviront à déterminer les inconnues

et les dernières serviront à déterminer les inconnues d’où l’on déduira ensuite les valeurs de et des angles

14. On voit donc, d’après tout ce qui précède, que, pour que la série primitive donnée soit formée d’un certain nombre de sinus d’angles croissant uniformément, il faut que l’équation en trouvée par les règles ci-dessus ait toutes ses racines réelles inégales et comprises entre ces limites et autrement on ne pourra déterminer les différents angles Cependant, lorsque quelqu’une de ces conditions n’a pas lieu, on peut également avoir l’expression du terme général Parcourons les différents cas qui peuvent arriver. Et d’abord supposons que toutes les racines soient comprises entre les limites assignées, mais qu’il y en ait deux d’égales entre elles, en sorte que l’on ait Alors, au lieu du terme de l’expression de il faudra substituer un terme de cette autre forme par conséquent, dans les équations ci-dessus, il faudra changer en et multiplier en même temps chaque terme par le coefficient de l’angle

Si trois racines sont égales, en sorte que, outre on ait encore alors il faudra de plus changer le terme en un autre de cette forme par conséquent, dans les équations précédentes il faudra changer aussi en et multiplier les termes respectifs par les carrés des coefficients de l’angle et ainsi de suite.

Cela peut se démontrer de plusieurs manières, et surtout par la considération des quantités évanouissantes, en supposant que les angles au lieu d’être absolument égaux, diffèrent entre eux par des quantités infiniment petites ; mais ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans ce détail.

On doit conclure de là que, dans le cas des racines égales, l’expression de contiendra toujours la quantité en coefficient, et élevée à la première puissance pour deux racines égales, à la seconde pour trois racines égales, et ainsi de suite, ce qui donnera des équations séculaires de différents ordres.

15. Supposons maintenant que, parmi les racines de l’équation en il y en ait une qui tombe hors de ces limites et Alors il est visible que l’équation ne pourra pas donner pour un angle réel ; cet angle deviendra donc imaginaire, et ses sinus et cosinus se transformeront en sinus et cosinus hyperboliques. Pour résoudre ce cas, on fera donc

et, employant les exponentielles, on aura

ce qui donnera l’équation

qui, étant résolue par les logarithmes, donnera toujours une valeur réelle de tant que sera ou

Ayant trouvé on mettra, à la place du terme de l’expression de deux termes de cette forme

et étant des coefficients qu’on déterminera par la comparaison des termes.

Les expressions et sont ce qu’on appelle cosinus et sinus hyperboliques du secteur et l’on en trouve une Table toute calculée dans les Additions publiées par M. Lambert aux Tables logarithmiques et trigonométriques. Dans ce cas donc, l’expression de contiendra la quantité en exponentielle, d’où résultera une autre espèce d’équations séculaires ; mais il ne paraît pas qu’il y ait de telles équations dans le système du monde.

16. Enfin si, parmi les racines de l’équation en il y en avait d’imaginaires, alors les angles et correspondant à deux racines imaginaires de la forme deviendraient aussi de la même forme, et il en résulterait, après les réductions dans l’expression de des termes où serait à la fois en exponentielle et en sinus et cosinus. Comme ce cas est peut-être encore plus étranger au système du monde que le précédent, nous nous dispenserons de l’examiner en détail, d’autant plus que les difficultés qu’il présente peuvent être résolues par les méthodes connues.

17. En finissant ce Mémoire, je ne dois pas oublier de faire remarquer que toute suite formée de sinus d’angles croissant en progression arithmétique a cette propriété que, si l’on n’en prend les termes que de deux en deux, ou de trois en trois, ou etc., on aura encore des suites de même nature, et que la même chose aura lieu pour toutes les suites qu’on pourra former par l’addition d’un certain nombre de termes successifs de la suite proposée, même en multipliant chacun de ces termes par un coefficient donné. C’est de quoi on peut se convaincre par une analyse facile, que nous supprimons ici pour ne pas passer les bornes que nous nous sommes prescrites. Cette remarque peut être surtout d’une grande utilité lorsqu’il s’agira d’appliquer la méthode de ce Mémoire aux résultats déduits des observations, puisqu’on pourra prendre également, à la place de chaque résultat particulier, le milieu entre un certain nombre de résultats successifs, ce qui rendra les résultats plus sûrs et l’emploi de la méthode plus avantageux.

Je me propose de donner quelque jour l’application de la méthode de ce Mémoire à la recherche de la loi des erreurs des Tables de Halley dans les oppositions de Saturne et de Jupiter.


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  1. Ce Mémoire a été lu par l’Auteur à l’Académie des Sciences de Berlin, le 3 septembre 1778. Il a été traduit en allemand par Schulze et inséré dans les Éphémérides de Berlin pour l’année 1783. Nous reproduisons le Mémoire original en français, retrouvé dans les papiers de Lagrange qui sont déposés à la Bibliothèque de l’Institut de France.
    (Note de l’Éditeur.)
  2. Œuvres de Lagrange, t. VI, p. 507.