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Œuvres de Lucile de Chateaubriand/Conte grec. — L’origine de la rose

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Texte établi par Louis Thomas Élément soumis aux droits d’auteur. Cliquer pour en savoir plus.Société des trentes, Albert Messein (p. 65-69).

CONTES



CONTE GREC

L’ORIGINE DE LA ROSE


Craignant de perdre Rosélia, dès son berceau ses parents alarmés la consacrèrent à Diane. Bientôt la jeune Rosélia, prêtresse de cette déesse, lui présenta l’encens et les vœux des mortels. Elle ne comptait que seize printemps quand sa mère, par une tendresse sacrilège, l’enleva du temple de Diane pour l’unir au beau Cymédore.

« Quoi ! répétait sans cesse cette mère imprudente en regardant sa fille, quoi ! ma fille ne connaîtra jamais les douceurs d’un hymen fortuné ! Quoi ! les flammes du bûcher funèbre consumeraient tout entière cette beauté si charmante, qui ne laissera pas après elle de jeunes enfants pour rappeler ses traits et pour bénir sa mémoire ! »

Rosélia est conduite des autels de Diane à ceux d’Hyménée. Là sa bouche timide profère de coupables serments, dont son cœur ne connaît pas le danger.

Cependant Cymédore, que l’idée de Diane poursuit d’un noir pressentiment, se hâte de sortir avec Rosélia du temple de l’Hymen. Ils en franchissent les derniers degrés, lorsque Diane leva son mobile flambeau sur la nature. La chaste déesse n’a pas plus tôt aperçu nos époux fugitifs, qu’un trait semblable à ceux dont elle atteignit les enfants de Niobé, part de sa main immortelle et va frapper le cœur de Rosélia.

Un soupir qui vint expirer sur les lèvres de cette vierge-épouse fut, dit-on, le seul reproche qu’elle adressa à la déesse. Rosélia chancelle, ses faibles genoux fléchissent sur le gazon qui la reçoit.

Transporté de douleur et d’amour, Cymédore veut soutenir son épouse ; mais, ô prodige, il n’embrasse qu’un arbuste qui blesse ses mains abusées.

Cependant ce nouvel arbuste, né du repentir de Diane et des pleurs de l’Amour, se couvre de roses, fleur jusqu’alors inconnue. Rosélia sous cette forme nouvelle, conserve ses grâces, sa fraîcheur, et jusqu’au doux parfum de son haleine. L’amour et la pudeur rougissent encore son front, et les épines que Diane fait croître autour de sa tige protègent son sein embaumé. Cette belle fleur sera d’âge en âge également chère à la vierge craintive et à la jeune épouse.

Par une femme.