Œuvres littéraires de Machiavel/Avertissement sur cette édition

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Traduction par Jean Vincent Périès.
Texte établi par Charles LouandreCharpentier et Cie (p. v-vi).

AVERTISSEMENT SUR CETTE ÉDITION


Après avoir analysé et jugé avec une sagacité remarquable les œuvres historiques, et politiques de Machiavel, Ginguené s’exprime ainsi « Ajoutons à tous, ces titres, qui le placent parmi les prosateurs du premier ordre ses comédies, d’autres poésies du genre satirique, une nouvelle qui ne serait pas déplacée dans le Decameron de Boccace, rappelons-nous dans quelles agitations il vécut, dans quelles occupations il consuma une grande partie de cette vie qu’il perdit avant le temps ; combien, enfin, il jouit peu de la tranquillité d’esprit et du loisir qui semblent nécessaires pour produire quelque chose de grand et de durable, et nous rendrons à son génie l’hommage qui lui est dû. Nous l’honorerons comme un des plus grands hommes de ce grand siècle.

C’est pour faire connaître sous tous ses aspects le génie vraiment extraordinaire de Machiavel que nous ajoutons le présent volume aux œuvres historiques et politiques qui se trouvent déjà dans cette Bibliothèque. Ce volume comprend cinq parties distinctes. Dans la première nous avons rangé les comédies, en écartant toutefois la traduction de l’Andrienne de Térence, traduction qui ne peut offrir quelque intérêt qu’aux lecteurs italiens. Dans la seconde nous avons place les poésies, en écartant encore les Decennales, qui, malgré le mérite incontestable de certains vers, ne sont autre chose qu’un résumé d’une certaine portion de l’histoire d’Italie. La troisième partie comprend, sous le titre de Mélanges en prose, des morceaux de fantaisie dans lesquels éclaté toute la verve satirique du seizième siècle ; morceaux qui rivalisent avec ce que Boccace a écrit de plus parfait, et dont l’un, Belphegor, traduit dans toutes les langues, a servi de modèle à La Fontaine. On trouvera dans la quatrième partie, intitulée : Mélanges historiques, le premier essai de statistique historique et économique qui ait été rédigé sur la France, à une époque l’économie sociale et la statistique n’étaient point encore nommées ; le récit de l’un des plus grands crimes de la renaissance et la vie du plus grand des condottieri de l’Italie du moyen âge Les Lettres familières, qui forment la cinquième partie et qui ont été dégagées par un choix sévère de ce bagage inutile qui charge quelquefois les correspondances, fournissent, outre des détails piquants sur les mœurs et l’esprit du seizième siècle, de curieuses révélations sur le caractère et la vie intime de Machiavel.

Les trois volumes que nous présentons au public offriront de la sorte, complété en ce qu’elle a d’éminent, l’œuvre d’un des écrivains les plus illustres, les plus attaqués et les plus admirés tout à la fois, non seulement de l’Italie, mais même de l’Europe moderne. On connaîtra par l’Histoire de Florence l’heureux imitateur de la méthode des anciens, et l’auteur qui le premier a élevé jusqu’à l’histoire la chronique diffuse et terre à terre du moyen âge. Par les œuvres politiques, on connaîtra le publiciste qui, par les Discours sur les décades de Tite-Live, a devancé Montesquieu dans l’analyse des causes de la grandeur et de la décadence des peuples, enfin, par les Œuvres littéraires on s’initiera à ces compositions qui forment avec les autres écrits du même auteur un si étonnant contraste, et qui le montrent, dans la comédie, le précurseur de Molière, dans le conte, le rival de Boccace et le modèle de La Fontaine, dans la poésie, l’émule des trouvères ou des troubadours les plus heureusement inspirés ; enfin, dans les mélanges historiques, le créateur d’une science nouvelle et le narrateur éminent qui n’a de rivaux que parmi les plus habiles écrivains de l’antiquité classique.

Ici encore nous avons reproduit l’exacte traduction de M. Peines, en l’accompagnant des éclaircissements et des notes qui nous ont paru de nature à intéresser, tout en servant de commentaires historique et littéraire.