Œuvres posthumes (Musset)/Sonnet (À madame ***)

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Œuvres posthumesCharpentierŒuvres complètes d’Alfred de Musset. Tome X (p. 71-72).


SONNET


À MADAME ***


Jeune ange aux doux regards, à la douce parole,
Un instant près de vous je suis venu m’asseoir,
Et, — l’orage apaisé, — comme l’oiseau s’envole,
Mon bonheur s’en alla, n’ayant duré qu’un soir.

Et puis, que voulez-vous après qui me console ?
L’éclair laisse, en fuyant, l’horizon triste et noir.
Ne jugez pas ma vie insouciante et folle ;
Car, si j’étais joyeux, qui ne l’est à vous voir ?

Hélas ! je n’oserais vous aimer, même en rêve !
C’est de si bas vers vous que mon regard se lève !
C’est de si haut sur moi que s’inclinent vos yeux !


Allez, soyez heureuse ; oubliez-moi bien vite,
Comme le chérubin oublia le lévite
Qui l’avait vu passer et traverser les cieux !


Ce sonnet a été écrit le 30 juillet 1844. Alfred de Musset avait passé la soirée du 29 près d’une jeune femme qui regardait le feu d’artifice par la même fenêtre que lui. Pour comprendre le sens du troisième vers, il faut savoir que la fête patriotique avait été troublée par une pluie d’orage.