Œuvres posthumes (Verlaine)/Metz

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Œuvres posthumesMesseinSecond volume (p. 129-130).

METZ

Fragment


L’Esplanade, sa musique du 2e génie, valses de Strauss, polkas de Musard (l’aîné), mozaïques et fantaisies sur des opéras d’Auber et de déjà Ambroise Thomas, ou ma mémoire me trahirait singulièrement, soli, duos, tutti; le tour de l’estrade ; les beaux officiers en plastrons de velours noir, en belles franches et françaises épaulettes d’or, au lieu de ces torsades équivoques prises, hélas ! non, empruntées aux Prussiens, les dames en schalls de cachemire de l’Inde, en écharpes de crêpe de Chine, en volants gorge-de-pigeon, caca-dauphin, et toutes nuances comme il faut, soie, satin, moire, et toutes étoffes cossues, aux capotes panachées de plumes rares et dont le bavolet, grâce à de savantes inclinations, — le Tout-Metz ! — ne cachait pas autant la nuque et les frisons d’or clair ou rouge, d’ébène noir ou mordoré, qu’on eût pu le redouter, — ô remembrances enfantines de quand, insoucieux moutard, je poussais et tapais mon cerceau novice entre les pantalons à bandes rouges, à lisérés noirs, des militaires, de nankin ou de Casimir ou de coutil des citadins fumeurs de cigarilles.

L’Esplanade, « les fois » de musique ! Bon Dieu, que j’y aspirais ! Et comme je hâtais le pas, aux jours tant souhaités, tirant ma mère par la manche !…