ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ/V

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ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ


tredîtes par plusieurs expériences, Buridan dit[1] au sujet de sa propre théorie : « Il me semble qu’il faut adopter cette supposition parce que les autres suppositions ne paraissent pas exactes, et parce qu’en outre tous les phénomènes s’accordent avec celle-ci. Hujusmodi etiam modo omnia apparentia consonant. » Et Jean Buridan compare à son hypothèse tous les faits d’expérience qu’il connaît. La méthode qu’il suit ici n’est-elle pas celle que prônera Luiz Coronel ? Que l'on réunisse ces pensées de Luiz Coronel à celle d Jean de Jandun et de Lefèvre d’Étaples et l'on sera autorisé, croyons-nous, à formuler cette conclusion : Du début du XIVe siècle au début du XVIe siècle, l’Université de Paris, a donné, touchant la méthode physique, des enseignements dont la justesse et la profondeur passent de beaucoup tout ce que le Monde entendra dire à ce sujet jusqu’au milieu du XIXe siècle.

En particulier, la Scolastique parisienne a proclamé et pratiqué un principe puissant et fécond ; elle a reconnu que la Physique du monde sublunaire n’était pas hétérogène à la Physique céleste ; qu’elles procédaient toutes deux selon la même méthode ; que les hypothèses de l'une, comme les hypothèses de l’autre, avaient pour seul objet de sauver les phénomènes.


V
Copernic et Rhaeticus.


L’idée si nette, touchant la nature des hypothèses physiques, que plusieurs avaient conçue au Moyen-Age et au début de la Renaissance va se troubler peu à peu aux époques suivantes ; elle reculera dans le temps même que l’Astronomie et la Physique feront de nouveaux et rapides progrès ; les plus grands artistes ne sont pas toujours ceux qui philosophent le mieux sur leur art. Le 24 mai 1643, Copernic mourait tandis que l’on imPage:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/82 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/83 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/84 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/85 Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/86 Rhaeticus regarde[2] ces hypothèses comme tellement adéquates aux phénomènes, qu’hypothèses et phénomènes se jpeuyent échanger comme on peut échanger la définition et le défini : « Et vero gratiorem tibi utramque Narrationem fore spero, quo clariusartificumproposîtisobservationibus îta D. Praeceptoris mei hypothèses toiç cpatvofxévotç consentire videbis, ut etiam inter se tanquam bona definitio cum definito converti possint.»

Fidèle disciple de CopernicRhaeticus n’est ni Averroïste, ni Ptoléméen ; mais il conçoit de la théorie astronomique le même idéal que le Ptoléméen Capuano ou que TAverroïste Nifo. Un bon système astronomique n’est pas seulement un système qui sauve les phénomènes célestes et permet de calculer avec précision le mouvement des astres, c’est, en outre, un système construit sur des hypothèses qui ont leur fondement dans la nature même des choses.


VI
De la préface d’Osiander a la réforme grégorienne du calendrier.


Le livre même oix Copernic exposait sa théorie astronomique publiait, au sujet des hypothèses qui portent cette théorie, des idées absolument opposées à celles qui semblent avoir inspiré Copernic et Rhaeticus. Ce livre, en effet, s’ouvrait par une préface anonyme qui portait le titre suivant : Ad lectorem^ de hypothesibus hujus Operis. « Je ne doute point, disait cette préface, que la renommée n’ait déjà répandu la nouveauté de l’hypothèse admise en cet Ouvrage, hypothèse selon laquelle la Terre est en mouvement tandis que le Soleil demeure immobile au centre du Monde ; je ne doute pas, non plus, que certains érudits ne s’en soient véhémentement offensés et qu’ils n’aient jugé mauvais que l’on troublât les disciplines libérales fermement établies depuis longtemps. S’ils veulent bien, toutefois, peser exactement leur jugement, ils trouveront que l’auteur de cet Ouvrage n’a rien commis qui méritât d’être repris.

  1. Questiones totius libri phisicorum edite a Magistro Johanne Buridam ; in lib. VIII quaest. XII ; Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. n°14723 ; fol. 106, col. d.
  2. Rhaeticus, Op. et/., Quomodoplanetae abecliptica discedere appa. reant ; éd. cit., p. 489.