À Cochin
A COCHIN
Lorsque l’on apprit, sort fatal !
Que c’ pauvr’ Machin, un poitrinaire.
Plus malade qu’à l’ordinaire,
Venait d’entrer à l’hôpital,
Il était trois heur’s moins un quart.
Et chacun dit : « il est trop tard.
« Nous irons ensemble à Cochin
« Le voir jeudi prochain. »
Le jeudi suivant on se dit :
« On connaît Machin à la ronde,
« Il ne faut pas que trop de monde
« Se bouscule autour de son lit.
« Dans la sall’ ça f’rait du pétard ;
« D’ailleurs aujourd’hui c’est trop tard.
« Nous irons ensemble à Cochin
« Le voir dimanch’ prochain. »
Le dimanche, les grandes eaux
D’un ciel gris tombaient avec rage ;
On n’eût pas affronté l’orage
Sans être mouillé jusqu’aux os.
On c' s'rait cru l' jour d' la Saint-Médard,
Et chacun dit : « il est trop tard,
« Nous irons ensemble à Cochin
« Le voir jeudi prochain. »
Le jeudi, par un gai soleil,
Le ciel était sans un nuage.
Et l'on se dit : « c'est bien dommage
« D' s'enfermer par un temps pareil,
« Attendons qu'il fass' du brouillard,
« D'ailleurs aujourd'hui c'est trop tard,
« Nous irons ensemble à Cochin
« Le voir dimanch' prochain. »
Le dimanche matin suivant
On s' dépèch' de casser la croûte ;
On achèt' des orang's en route,
Et l'on s'en va, le nez au vent ;
Mais, à l'hôpital, un potard
Nous dit : « Messieurs, il est trop tard,
« Ça ferme à trois heur's à Cochin.
« Rev'nez jeudi prochain. »
Nous persévérons, et l' jeudi,
Comme il faisait un temps propice
Nous arrivons tous à l'hospice
Pour y passer l'après-midi.
A tous les échos de Cochin
Nous réclamons l'ami Machin.
On nous dit : « N' criez pas si fort,
« D'puis hier il est mort ! »