Abrégé de l’histoire générale des voyages/Tome XVI/Troisième partie/Livre VI/Chapitre IV

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CHAPITRE IV.

Histoire naturelle du Brésil.

Léry déclare sans exception que dans tout le Brésil on ne voit point un seul animal qui ait une ressemblance entière avec les nôtres. Il ajoute qu’entre les animaux du pays il y en a fort peu que les habitans se plaisent à nourrir, et que par conséquent il n’y a point de distinction à faire entre les animaux sauvages et les domestiques.

On retrouve au Brésil la plupart des animaux du Paraguay et du Pérou. Léry décrit le tapir, qu’il nomme tapiroussou. Les Brasiliens, dit-il, le tuent à coups de flèches, ou le prennent dans des piéges qu’ils dressent avec assez d’industrie. Ils font un cas extrême de sa peau, dont ils coupent en rond le cuir du dos pour en faire des boucliers de la grandeur du fond d’un tonneau. Après avoir été bien séchée, elle est si dure, qu’on la croirait impénétrable aux flèches. La chair du tapiroussou ressemble pour le goût à celle du bœuf, et les Brésiliens la boucanent.

Le plus grand animal du Brésil, après le tapiroussou, que Léry ne fait pas difficulté de nommer l’âne-vache, est une espèce de cerf que les Brasiliens nomment sco-assou. Il est moins grand que le nôtre ; son bois est plus court, et son poil est de la même longueur que celui de nos chèvres. On ne trouve de grands cerfs au Brésil, que dans la capitainerie de Saint-Paul.

Léry décrit aussi le tajassou, l’agouti, le tapiti (lièvre d’Amérique), le pag (paca), le sarigoy (sarigue ou opossum), des lynx, un petit hérisson (coendou), le coati, le jagoarucu (yaguaroundi), le janouaré (jaguar), le tamandua (fourmilier), le hay (paresseux), des chats sauvages (margays), le jaguacin (crabier), le biraté (didelphe crabier), des écureuils, le tatou, de la peau duquel les Brasiliens, plus industrieux sur ce point que les autres Indiens, font de petits coffres d’une dureté impénétrable ; l’hirara, semblable à l’hyène ; il s’en trouve de noirs, de roux et même de blancs ; ils ne vivent que de miel ; leur adresse est extrême à le découvrir. Le jacaré, espèce de caïman dont ils mangent avidement la chair. Leur grosseur n’excède pas celle de la cuisse. Loin d’être nuisibles, on les prend en vie, et les enfans s’en amusent. Lery en fut témoin plusieurs fois. Les grands caïmans sont aussi redoutables au Brésil que dans les autres parties de l’Amérique.

Il n’y a point de pays au monde où les singes soient en plus grande abondance, et leurs espèces plus variées. On en distingue une que les Américains nomment aquiqui, beaucoup plus grande que toutes les autres, ornée d’une longue barbe noire au menton : le mâle est de couleur rougeâtre, et passe dans le pays pour le roi des singes. Il a le visage assez blanc, et le poil si régulièrement disposé d’une oreille à l’autre, qu’il semble tondu. On raconte que, montant quelquefois sur un arbre, il y fait entendre des sons qu’on prendrait pour une harangue, et que la nature lui a donné pour cet usage un organe creux, composé d’une forte membrane de la grosseur d’un œuf, qui s’enfle facilement sous le palais. On ajoute que, dans le mouvement qu’il se donne, il jette beaucoup d’écume, et qu’un autre singe, qu’on juge destiné à lui succéder, l’essuie fort soigneusement. C’est une espèce d’alouate.

On en distingue d’autres qui se nomment cay (sai), petits, noirs, d’une figure si agréable, qu’ils se font entendre et voir avec le même plaisir. Leur retraite est sur les arbres à silique, où, trouvant leur nourriture, ils ne cessent point, surtout à l’approche du mauvais temps, de faire retentir l’air de leur étrange mélodie. Ceux que les Brasiliens nomment sagouins ne sont pas plus gros qu’un écureuil ; ils ont aussi le poil roux ; mais Léry leur donne le mufle, le cou, le devant, et jusqu’à la fierté du lion. « C’est, dit-il, le plus joli animal qu’il ait vu au Brésil ; et s’il était aussi facile de lui faire passer la mer qu’à la guenon, il serait beaucoup plus estimé ; mais outre sa délicatesse qui ne lui permet pas de supporter le mouvement d’un vaisseau, il est si glorieux, que pour peu qu’on le fâche, il se laisse mourir de dépit. »

Les chauves-souris y sont d’une grosseur prodigieuse et très-avides de sang ; les lamantins y remontent dans les fleuves.

Les bœufs et les chevaux apportés d’Europe au Brésil s’y sont singulièrement multipliés ; mais dans la plus grande partie du pays ces animaux restent faibles. La peau des bœufs est employée à faire des bateaux.

Les Américains du Brésil ont pris tant de passion pour nos chiens, que non-seulement les hommes en élèvent quantité pour la chasse, mais que les femmes prennent plaisir à s’en faire accompagner, les portent dans leurs bras, et les nourrissent souvent de leur propre lait.

Le jaguacin vit de coquillages et de cannes à sucre. C’est d’ailleurs un animal innocent, et qui passe une partie du temps à dormir ; ce qui le rend facile à surprendre.

Le biaracata a le dos orné d’une croix blanche très-régulière. Les oiseaux et leurs œufs sont sa nourriture ordinaire ; mais il a tant de goût pour l’ambre, qu’il passe la nuit sur le rivage de la mer à chercher cette proie.

Les Brasiliens mangent non-seulement diverses sortes de lézards et de serpens, mais de gros crapauds boucanés, avec la peau et les intestins. Le tonou est un lézard gris, qui a la peau fort lisse, long de quatre ou cinq pieds, d’une grosseur proportionnée. Sa forme est hideuse ; mais il n’est pas plus dangereux que les grenouilles, entre lesquelles il vit sur les rives des fleuves et dans les marais. Léry, qui en mangea souvent, convient qu’étant écorché, nettoyé soigneusement et bien cuit, il a la chair aussi blanche, aussi tendre et d’aussi bon goût que le blanc d’un chapon. C’est, dit-il, une des bonnes viandes qu’il ait mangées en Amérique. Il voyait d’abord avec étonnement les sauvages apporter ou traîner des serpens rouges et noirs ; gros comme le bras, et longs d’une aune, qu’ils jetaient au milieu de leurs maisons parmi leurs femmes et leurs enfans ; mais, les leur voyant manier sans aucune crainte, il s’accoutuma bientôt à ce spectacle. Ce n’est pas, ajoute-t-il, que le Brésil n’en ait d’autres espèces dont la piqûre est fort venimeuse ; et l’exemple qu’il en donne est effrayant.

Le jaracaca, ou jararacoucou, est une espèce de vipère très-dangereuse.

Outre le grand serpent à sonnettes, qui porte au Brésil le nom de boicininga, il s’y en trouve un plus petit, nommé briciningbepa, qui a les mêmes propriétés, la couleur noire, et le venin extrêmement subtil.

Les voyageurs font une affreuse peinture des tourmens auxquels on est exposé au Brésil par la morsure de ces redoutables animaux, et du grand nombre des malheureux qui ne peuvent l’éviter. Il se trouve des serpens à chaque pas dans les campagnes, dans les bois, dans l’intérieur des maisons, et jusque dans les lits ou les hamacs. On en est piqué la nuit comme le jour ; et si l’on n’y remédie pas aussitôt par la saignée, par la dilatation de la blessure, et par les plus puissans antidotes, il faut s’attendre à mourir dans les plus cruelles douleurs. Quelques espèces, surtout celles des jaracacas, jettent une odeur de musc qui est d’un grand secours pour se garantir de leurs surprises. Les scorpions sont aussi fort communs ; mais leurs blessures sont rarement mortelles, quoique fort douloureuses pendant l’espace de vingt-quatre heures.

Un pays aussi couvert de bois que le Brésil est la retraite naturelle d’une infinité de charmans oiseaux. Les dindons sont une production naturelle du pays. Les sauvages, dit Léry, en élèvent et n’en mangent pas les œufs, ni même ceux des poules communes qu’ils ont reçues des Portugais ; et le plus grand reproche qu’ils fassent aux Européens, est un excès de gourmandise qui leur fait manger une poule à chaque œuf qu’ils avalent. Ils ne font pas plus d’usage des canes, qu’ils nourrissent aussi dans leurs habitations ; et la raison qu’ils en apportent, c’est que, cet animal marchant avec beaucoup de lenteur, ils craindraient qu’un aliment de cette nature ne les rendit pesans à la course. Ils rejettent par le même motif la chair de toutes les bêtes dont la marche est lente et même certains poissons, tels que la raie, qui nagent moins légèrement que les autres. Ils se bornent à prendre les plumes des volailles, surtout les blanches, qu’ils teignent en rouge, et dont ils font leur principal ornement. Léry met aussi au nombre des oiseaux bons à manger le jacoutin (marail), le mutou (hocco noir), les macacouas, les inambo-ouas-sous, les mangouris, les pégassons et les peracans.

Les aras, macas, anapuras, ararumas ou machaos, ajurucouros, tuin, guiarabas, yabous, qui appartiennent tous au genre du perroquet, le guranhé engera, le tangara, le queraivo, le toucan, le panou, ainsi que les manakins, les cassiques, les troupiales, les oiseaux mouches, les colibris, les grimpereaux, et d’autres oiseaux du plumage le plus éclatant, sont décrits par Léry et les anciens voyageurs avec une prolixité peu instructive. Il faut cependant parler de deux oiseaux réellement remarquables.

Le guirapanga est tout-à-fait blanc ; et, quoique d’une grosseur médiocre, il a la voix si forte, qu’elle se fait entendre comme le son d’une cloche à plus d’une demi-lieue. On trouve dans les provinces intérieures des andonagoaeous, sorte d’autruches, qui ont sur le bec une corne douée d’une vertu merveilleuse ; car on assure que, portée au cou, elle rend la liberté de la langue à ceux qui ont de la difficulté à parler.

Les côtes sont fréquentées par un grand nombre d’oiseaux aquatiques, communs entre les tropiques. Ce sont le caripira, le guiratonteou, le calcamar, l’ayaca, le caracura, le guara.

Les baleines abondent dans les parages méridionaux, et l’on a formé vis-à-vis l’île Sainte-Catherine des établissemens pour exploiter les produits de la pêche de ce cétacé ; on y trouve d’ailleurs en abondance presque tous les coquillages, et les huîtres y contiennent quelquefois de fort belles perles. Anciennement les sauvages en pêchaient une prodigieuse quantité, dont ils rassemblaient les écailles, après en avoir mangé la chair ; et dans plusieurs endroits du rivage on en trouve encore de grands monceaux, que le temps a couverts d’herbes et d’arbustes. Les Portugais s’en servent pour faire une excellente chaux, qu’ils emploient à leurs édifices au lieu de ciment, et que l’eau de pluie rend fort noire.

La mer est très-poissonneuse. On y pêche l’inevouna, espèce de raie ; le beyupira, comparable à l’esturgeon, et de très-bon goût ; le baopès, très-gras et très-délicat ; le camarupi, très-bon, quoique couvert d’épines ; le piraembu, l’amayaen, qui est venimeux, de même que le caramam, l’amorcati et l’itaeca.

Parmi les arbres décrits par Léry le mangaba est le mameï ; l’aratica, le corossol épineux ; le caaroba, le caroubier ; l’ambayba et l’ambaïliba, le coulequin ; le copaïba, le copayer, qui donne le baume de Copahu ; le pequea ou setis, le curupicaïba, l’iguega, l’igtiacycia, distillent aussi des baumes précieux ; l’anda a un bois propre à divers usages : on exprime de ses feuilles une huile dont les Indiens se frottent le corps ; ils se servent de l’écorce pour la pêche : l’eau dans laquelle on la laisse infuser quelques jours acquiert la vertu d’assoupir toutes sortes d’animaux ; l’ighucamici porte un fruit semblable au coing ; l’ajuratibira et l’ajabutipita sont des arbrisseaux : le premier porte un fruit rouge dont les Brasiliens tirent une huile qui sert à leurs onctions ; le second fournit par son fruit une huile noire que l’on n’emploie que pour oindre les malades. Le murucugé, grand arbre, produit un fruit excellent et facile à digérer ; le tronc donne par incision une liqueur laiteuse qui, venant à se coaguler, tient lieu de cire pour les tablettes ; l’omba, arbre touffu, mais fort bas, porte un fruit semblable à nos prunes, mais nuisible aux dents ; les Indiens en mangent aussi les racines. Le jacapuyia (lecythis ollaria) est un des plus grands arbres du Brésil ; il porte un fruit qu’on prendrait pour un gobelet avec son couvercle, et qui contient quelques graines, assez semblables aux mirobolans. Le couvercle s’ouvre de lui-même dans la maturité des fruits, et les laisse tomber, s’ils ne sont cueillis. Le bois est fort dur, et ne se corrompt pas aisément ; ce qui le rend fort propre à former les axes des moulins à sucre.

Le Brésil a peu d’arbres aussi beaux que le janipaba ou genipayer ; sa verdure est admirable et se renouvelle tous les mois ; ses fruits ont la forme de l’orange et le goût du coing ; leur suc, qui est d’abord assez blanc, noircit bientôt jusqu’à servir d’encre aux sauvages pour se faire sur la peau des figures de cette couleur : elle dure neuf jours, après lesquels il n’en reste aucune trace. On fait observer que c’est le suc du fruit vert qui a cette qualité.

Le fruit du jequitinguacu ressemble à nos plus grosses fraises ; mais il contient pour pépin, une sorte de pois très-dur, noir, rond et luisant comme le jais, et dont l’écorce est d’une extrême amertume. On l’écrase pour le faire servir de savon.

Dans l’intérieur des terres, vis-à-vis de la baie de Tous-les-Saints, on trouve dans les lieux secs un arbre fort grand et fort épais, dont toutes les branches sont naturellement percées de trous profonds, où, pendant l’été comme en hiver, il se rassemble une humeur aqueuse qui ne déborde jamais ; et ce qui est beaucoup plus surprenant, qui ne diminue pas non plus, quelque quantité qu’on en puisse tirer. Ainsi chaque branche est comme une source inépuisable ; et l’arbre étant si grand, qu’il peut contenir jusqu’à cinq cents hommes dans la circonférence de ses branches, c’est une retraite admirable, où l’on ne manque jamais d’eau pour boire et pour se laver.

Le brésillet, arbre duquel le pays a tiré son nom, porte celui d’araboutan. Il est de la hauteur de nos chênes, et ne jette pas moins de branches. On en trouve de si gros, que trois hommes auraient peine à les embrasser. Les feuilles ressemblent à celles du buis. Le bois en est rouge, et naturellement si sec, qu’en brûlant il jette fort peu de fumée. Sa vertu est si forte pour la teinture, que, suivant l’expérience de Léry, ses cendres mêmes, mêlées dans une lessive, donnent au linge une couleur qu’il ne perd jamais.

Léry ajoute quelques propos d’un Brasilien qui peignent merveilleusement le sens naturel de ces barbares. « Fort ébahis, dit-il, de voir les Français et autres des pays lointains prendre tant de peine d’aller quérir leur araboutan, il y eut une fois un de leurs vieillards qui me fit cette demande : « Que veut dire que vous autres Maïrs et Péros (c’est-à-dire, Français et Portugais) venez de si loin querir du bois pour vous chauffer ? N’y en a t-il point en votre terre ? À quoi lui ayant répondu que oui, et en grande quantité, mais non pas de telle sorte que le leur, lequel nous ne brûlions pas comme il pensait : ainsi, comme eux en usaient pour teindre leurs cordons et plumages, les nôtres l’emmenaient pour faire de la teinture ; il me répliqua : « Voire, mais en faut-il tant ? » Oui, lui dis-je, car y ayant tel marchand en notre pays qui a plus de frises et de draps rouges que vous n’en avez jamais vu par-deçà, un seul achètera tout l’araboutan dont plusieurs navires s’en retournent chargés. « Ha, ha ! dit mon sauvage, tu me contes merveilles ! » Puis, pensant bien à ce que je lui venais de dire, plus outre dit : « Mais cet homme tant riche dont tu parles ne meurt-il point ? » Si fait, si fait, lui dis-je, aussi-bien que les autres. Sur quoi, comme ils sont grands discoureurs, il me demanda derechef : « Et quand doncques il est mort, à qui est tout le bien qu’il laisse ? » À ses enfans, lui dis-je, s’il en a, et, à défaut d’iceux, à ses frères, sœurs ou plus prochains. « Vraiment, dit alors mon vieillard, à cette heure cognais-je que vous autres Maïrs êtes de grands fous ; que vous faut-il tant travailler à passer la mer pour amasser des richesses à ceux qui survivent après vous, comme si la terre qui vous a nourris n’était pas suffisante pour aussi les nourrir ? Nous avons des enfans et des parens, lesquels, comme tu vois, nous aimons ; mais parce que nous sommes assurés qu’après notre mort la terre qui nous a nourris les nourrira, certes nous nous reposons sur cela. »

La variété des bois de teinture est extrême : il s’en trouve de jaunes, de violets, de différentes sortes de rouge, de blancs comme du papier, et celui qu’on nomme aouai répand une odeur insupportable lorsqu’on le coupe. Il a les feuilles du pommier, et toujours vertes. Son fruit est fort vénéneux ; mais, comme l’écorce sert dans le pays à faire les sonnettes que les Brasiliens portent aux jambes, l’arbre y est fort estimé.

Le sabaucé porte un fruit plus gros que les deux poings, et de la forme d’un gobelet, qui contient de petits noyaux du goût et de la forme de nos amandes.

Les Brasiliens mangent sans danger la racine crue de l’aypi, espèce de cynanque, et en composent une potion pour les maladies hépatiques, dont elle est le remède certain. Quelques nations de la race des Tapouyas mangent aussi cru le manioc commun, qui est un poison pour toutes les autres, et n’en ressentent aucun mal, dit Laët, parce qu’elles y sont accoutumées dès l’enfance. Les Brasiliens font de la farine de cette plante deux sortes d’alimens : l’un dur et fort cuit, qu’ils nomment ouienta ; l’autre plus mou, c’est-à-dire moins cuit, qu’ils appellent onipou.

On ne parle point de l’ananas, qui est extrêmement commun, le pocoaïre est le bananier.

Les racines de l’embeguaca sont longues de plusieurs coudées. L’écorce en est si dure, que les Brasiliens en font des cordes qui se fortifient dans l’eau.

Le guaraquymia ressemble au myrte de Portugal. La mauve du pays porte des fleurs d’un très-beau rouge, qu’on prendrai pour des roses.

Le timbo est une plante qui s’élève comme une corde jusqu’à la cime des plus grands arbres, et qui les embrasse comme le lierre. Quoiqu’elle égale quelquefois la cuisse en grosseur, elle est tout à la fois si souple et si forte, que, dans quelque sens qu’elle soit pliée, elle ne se rompt jamais. Son écorce est un poison mortel que les Américains emploient à la pêche. Ils ne font que la jeter dans l’eau, où son venin se répand de toutes parts, et fait bientôt mourir les poissons. Il faut supposer que les poissons tués ainsi peuvent se manger impunément.

Les fleurs sont d’une grande variété au Brésil ; mais on ne parle point de leur beauté avec admiration. Les cannes et les roseaux n’y sont pas moins variés. On nomme particulièrement la tucuara, qui est de la grosseur de la cuisse. D’autres croissent en hauteur, surtout dans les bois, où, l’humidité les nourrissant, ils s’élèvent au-dessus des plus grands arbres. On en voit des cantons entiers ; mais la préférence des Brasiliens est pour les roseaux médiocres, parce qu’ils en font leurs flèches. Il n’y a point de pays où les différentes espèces de racines comestibles et de légumes soient en plus grand nombre. Les fèves y sont plus saines qu’en Portugal. On y trouve plusieurs espèces de pois.

Le pindora est le cocotier brasilien, déjà décrit sous le nom de macâ. On conçoit aisément que la plus grande partie du Brésil, étant située dans la zone torride, produit les végétaux qui lui sont naturels. On a vu dans la description des provinces que la canne à sucre et le cotonnier y abondent : on y cultive aussi le cafeyer, l’indigo et le tabac ; mais celui-ci seulement dans les environs de Bahia. Le cacaoyer forme des forêts immenses dans le gouvernement de Para, le long des rivières qui le traversent. Enfin on trouve au Brésil le piment, le cannelier sauvage, la casse, le jalap, l’ipecacuanha, le gaïac, et l’arbre qui donne la gomme élémi. Un auteur portugais prétend qu’aucun pays ne produit autant de bois précieux pour la construction des navires. On en exporte une grande quantité pour l’Europe.