Académie des Sciences. Séance du 21 décembre 1877
Électro-gravure sur verre. — Il y a peu de temps, M. Gaston Planté faisant arriver dans un voltamètre un très-puissant courant électrique au moyen d’une électrode de platine contenue dans un tube de verre, remarqua que ce tube était profondément corrodé par la décharge. L’esprit de M. Planté
n’est pas de ceux qui laissent sans les féconder les indications du hasard, et l’Académie reçoit aujourd’hui de cet ingénieux et infatigable chercheur la description d’un procédé de gravure du verre et du cristal. Il consiste à recouvrir la plaque à graver d’une dissolution concentrée de nitrate de potasse mise en rapport avec l’un des pôles de la pile et de promener sur le dessin l’autre pôle terminé par un fil de platine.
La pile employée par M. Planté se compose de 50 à 60 éléments. Les résultats sont, paraît-il, merveilleux de délicatesse.
M. Ruhmkorff. — Le secrétaire perpétuel signale la perte que viennent de faire ceux des membres de l’Académie, que leurs recherches conduisaient à faire des expériences de physique. L’un des auxiliaires les plus dévoués, qu’ils trouvaient alors, le constructeur Ruhmkorff vient de mourir, et plusieurs académiciens, M. Dumas, M. Faye, M. Sainte-Claire Deville, rappellent les obligations qu’ils ont contractées envers lui. On sait comment la construction de la bobine électrique a rendu européen le nom de M. Ruhmkorff, auquel le second empire avait accordé une distinction analogue à celle que Volta avait reçue du premier.
Liquéfaction de l’oxygène — C’est de deux côtés à la fois qu’arrive la nouvelle de la liquéfaction de l’oxygène.
Poursuivant les travaux dont nous avons déjà parlé, M. Cailletet constate que l’oxygène soumis à la fois à une température — 29° et à une pression de 270 atomsphères puis abandonné tout à coup à la détente, se remplit d’un brouillard qui est incontestablement formé d’oxygène liquide, sinon solide. Cette découverte qui date du 5 décembre, et dont l’auteur a démontré la réalité à une réunion de savants qui s’est tenue le 16 décembre dans le laboratoire de l’École normale, a été tenue secrète pour des raisons de délicatesse que nous avouons ne pas bien comprendre. M. Cailletet était comme on sait candidat à une place de correspondant, et il pense que l’Académie ne doit pas porter de jugement sur des travaux trop récents.
En même temps que cette communication, M. Dumas résume une note qu’il reçoit de M. Raoul Pictet, de Genève. Dans une expérience exécutée le 22 décembre au soir, l’auteur a liquéfié aussi l’oxygène ; mais, paraît-il, sur une plus grande échelle. Son appareil, bien différente de M. Cailletet, consiste en une cornue de fer forgé contenant du chlorate de potasse et communiquant avec un très-épais et très-résistant tube de verre. L’oxygène, dégagé par la chaleur, s’accumule dans le tube et se comprime lui-même jusqu’à 520 atmosphères. Il est alors refroidi à 140 degrés au-dessous de zéro ; et pour cela, voici comment on opère : de l’acide sulfureux liquide vient circuler autour de tubes contenant de l’acide carbonique lui-même liquéfié, et c’est celui-ci, ainsi prodigieusement refroidi, qui vient circuler autour du tube à oxygène. Ces circulations sont obtenues à l’aide quatre pompes actionnées par une machine à vapeur de 15 chevaux ; et on les prolonge pendant plusieurs heures. Si alors on couvre subitement l’orifice du tube où l’oxygène est comprimé, la détente détermine à la fois l’apparition du nuage déjà signalé plus haut, et même la production d’une certaine quantité de liquide qui se maintient dans le tube.
Le fer météorique de Sainte-Catherine — En entrant dans la salle, l’attention est tout de suite attirée par de grandes plaques de fer poli. Elles ont été sciées au travers d’une des masses météoriques, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois comme ayant été découvertes dans la province de Sainte-Catherine, au Brésil. Ainsi que M. Daubrée le fait observer, elles sont remarquables par leur structure éminemment bréchiforme : elles sont constituées par une sorte de mosaïque de fragments métalliques très-anguleux, reliés les uns aux autres par un courant composé de pyrrholène, de graphite de fer oxydé magnétique. Cette structure rappelle celle des blocs de fer soumis à l’action explosive de la dynamite, et la composition du ciment a été reproduite par l’auteur dans des expériences où il soumettait du fer métallique chauffé au rouge à l’action de vapeurs de sulfure de carbone.
Stanislas Meunier.