Académies et Académiciens de Belgique

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Académies et Académiciens de Belgique
Revue des Deux Mondes7e période, tome 6 (p. 423-431).
ACADÉMIES ET ACADÉMICIENS DE BELGIQUE

Le 19 août 1920, un arrêté royal instituait à Bruxelles une « Académie royale de langue et de littérature françaises. » Cet arrêté était précédé d’un rapport au Roi signé par le ministre des Sciences et des Arts et dans lequel étaient exposées les raisons de cette fondation, ainsi que certaines circonstances qui l’avaient précédée. L’arrêté ne se contentait pas d’instituer l’Académie, il en désignait les quatorze premiers membres et le rapport prenait la peine d’indiquer les bases de cette désignation. Ainsi, par la grâce d’Albert Ier et de M. Jules Destrée, son ministre, la Belgique est aujourd’hui dotée d’un corps littéraire chargé de servir à la fois la renommée de ses écrivains et le prestige chez elle de la langue française.

L’importance de l’événement n’a échappé à l’attention de l’opinion ni en France, ni en Belgique. La Revue l’a soulignée dès la première heure dans les termes les plus flatteurs. Cependant, la séance inaugurale de l’Académie belge et l’installation de ses premiers membres, qui a eu lieu le 15 février 1921, ont paru décevoir les assistants. La presse ne leur fut guère favorable. Jusqu’à présent, l’activité des immortels de Belgique et même les élections aux sièges encore vacants n’ont éveillé qu’un écho assourdi dans ce qu’on appelle les milieux littéraires.

On veut bien me demander de fixer quelques traits de la jeune compagnie et de ses principaux membres. J’espère le faire avec l’unique pensée de montrer à quel point cette institution, au lendemain de la guerre, répond dans mon pays à la nécessité d’une renaissance des forces morales et comment elle groupe en fait des artistes désintéressés et originaux.


I

Le piquant, c’est qu’il existe en Belgique depuis quelque cent ans une Académie royale, et l’on s’apprêtait à célébrer ce jubilé quand parut l’arrêté créant une Académie rivale. Or, cette création est la conséquence d’un vœu émis par la vieille Académie elle-même et devenu une suite logique de l’ostracisme dont elle a frappé les écrivains n’ayant pas pour but principal l’avancement des sciences. Dans aucune des trois classes qui la composent (sciences, lettres, beaux-arts), il ne se trouve, en effet, d’écrivains d’imagination ou de littérateurs proprement dits, ni poètes, ni dramaturges, ni romanciers, ni critiques. La classe des Beaux-Arts ou la classe des Lettres n’a jamais songé à élire un Verhaeren ou un Maeterlinck. Aucun pouvoir n’avait à les y contraindre. A vrai dire, trois ou quatre fauteuils étant vacants dans la classe des Beaux-Arts, il fut question in extremis de mettre en avant les noms de certains écrivains à raison de leur compétence en matière de peinture ou de musique. Mais, pressentis, ils refusèrent d’accepter la perspective d’une élection qui les aurait fait pénétrer par la petite porte et maintenait à l’égard de la littérature un exclusivisme de principe.

Restait la solution d’autorité, la création par le gouvernement d’une quatrième classe réservée aux Belles-Lettres, ce qui eût placé dans la hiérarchie officielle les « littérateurs » sur le même rang que les savants, les professeurs et les artistes. Elle faillit prévaloir en haut lieu et nous ne sommes pas le seul à la regretter. Mais elle se heurtait à l’opposition unanime de l’Académie, délibérant toutes classes réunies. Restait l’alternative d’une Académie distincte. L’ancienne Académie s’y rallia dans la même séance où elle repoussa l’idée d’une classe supplémentaire. Il parait qu’ici encore les rivalités linguistiques avaient compliqué les choses. L’Académie de Belgique, en effet, est en principe bilingue. Ses membres peuvent s’être fait connaître par des travaux dans l’une ou l’autre de nos langues nationales. Les mémoires qu’elle couronne, on peut les avoir présentés en français ou en néerlandais. Il existe au surplus, depuis 1883, une Académie royale flamande. Au cas où l’Académie de Belgique aurait compté une classe d’écrivains français, n’aurait-elle pas revendiqué le droit de se subdiviser elle aussi en classes des Sciences, des Lettres, des Belles-Lettres et des Beaux-Arts?

Devant cette éventualité, on estima rationnel d’avoir une Académie royale française. Cela nous fait, avec l’Académie de médecine, quatre Académies. On ne dira pas que la Belgique, qui compte, d’autre part, quatre Universités, sinon cinq avec l’embryon récemment constitué d’Université flamande, dédaigne les centres officiels de culture supérieure...

Deux éléments distincts doivent se concilier dans l’Académie de langue et de littérature, de par sa charte fondamentale : les services rendus à la langue, qui a toujours été en Belgique la langue de l’esprit et est destinée à le rester; les apports fournis à un art de chanter, de peindre, de conter la passion humaine, inspiré ou marqué par un caractère national. Pour assurer d’une façon perpétuelle les droits du premier, l’arrêté de fondation fixe à dix le nombre des membres à recruter parmi les philologues contre vingt à choisir plus librement. C’est faire à la science du langage la part belle. Erudits et professeurs, les philologues sont tous déjà destinés à entrer dans une des classes de l’ancienne Académie. Il est vrai que le rapport au Roi marque expressément l’importance attachée aux dialectes wallons, si anciens et si savoureux, et auxquels des érudits se sont voués, chez nous, avec toute la passion des poètes.

Mais, en dehors des linguistes, l’Académie, si elle suit les indications de ses fondateurs, appellera à elle tous ceux qui illustrent, par leur talent d’écrire ou de parler, la langue française, orateurs sacrés ou profanes, historiens, savants, professeurs ou écrivains. On voit l’importance représentative, du point de vue national, des membres qui ne sont que des écrivains tout court.

Ceux-ci appartiennent à deux couches successives, à deux séries de générations. Il y a les survivants de l’époque littéraire, héroïque, qui furent jeunes et « jeune-Belgique » entre 1880 et 1890. Étroitement unis pour briser d’un effort commun la glace, de l’indifférence publique, ils se sont séparés ensuite profondément sur des questions d’esthétique et on est tout surpris de constater aujourd’hui à quel point ces divisions ont persisté entre eux. Il y a les écrivains venus après cette période, qui ne, l’ont pas vécue et ne l’ont connue que par ouï-dire, mais qui ont bénéficié, grâce à ces devanciers, d’une certaine attention de la part de l’opinion. Leur vocation plus large, moins défensive, est issue d’une pensée sociale et nationale.

Aperçues du dehors, ces distinctions peuvent paraître puériles ou heureuses, selon qu’elles attestent une excessive susceptibilité personnelle ou une passion féconde. Elles ne sont pas sans rendre difficile le recrutement de la nouvelle Académie.

C’est au point que le ministre, lui-même un écrivain qui a sa place gardée dans le corps qui lui doit la vie, a reculé devant la lâche de choisir les titulaires des trente sièges académiques, en dosant d’une main impartiale la proportion des tenants de telle formule esthétique, de telle génération littéraire. Il a eu recours à un expédient. Les dix premiers membres au titre d’écrivains ont été identifiés par lui avec les lauréats des prix quinquennaux et triennaux décernés par des jurys officiels, L’expédient ne l’a pas desservi : le groupe des survivants de ces concours forme un assemblage important et heureux. L’éclectisme n’a pu y trouver son compte et il est à présumer que dans les élections par lesquelles doit se compléter le nombre des vingt académiciens « littéraires, » les anciennes divergences ne reprennent cours. L’opinion publique sera peu à même de prendre parti, si tant est qu’elle y soit disposée. Le règlement élaboré par les premiers académiciens interdit en effet toute candidature. Les votes se répartiront spontanément sur des noms qu’aucune démarche préalable n’aura placés devant les suffrages des immortels.

Il en va de même pour les dix sièges réservés par l’arrêté de fondation a des membres étrangers. (Ainsi le chiffre illustre de quarante finit tout de même par être atteint). Cette catégorie d’académiciens de Belgique (quatre philologues et six écrivains), c’est celle qui a le plus frappé en France et au dehors les gens soucieux du rôle joué dans le monde par la langue française. Dans plusieurs pays, elle est comme chez nous une des langues nationales ou tout au moins la langue diplomatique ; dans presque tous elle demeure une langue de l’esprit. En associant à ses travaux des philologues et des écrivains français de l’étranger, l’Académie belge élargit et son prestige et son programme. Même en France, elle peut, en élisant des femmes, combler une lacune et faire participer à son action internationale quelques-uns des plus rares talents de ce temps.

On voit donc bien la mission de l’Académie en ce qui concerne la consécration et le groupement des activités littéraires de langue française. Elle reste à définir et à préciser pour ce qui est d’un programme d’action collective et internationale. Par sa seule existence l’Académie, centre et autorité, est profitable aux vocations et aux orientations littéraires, belges et étrangères. Elle situe dans la hiérarchie de l’État belge et au confluent des influences européennes une élite d’expression française. Mais cela ne peut suffire. Elle aura des initiatives à prendre. Dans quelles directions et dans quelles limites ? Sur ce point l’arrêté constitutif et le rapport qui le précise sont muets. Les discours de la séance inaugurale ne sont pas plus explicites. L’Académie garde en elle le mystère de sa destinée. Force nous est d’interroger ses premiers membres. Rebelles à l’interview, leur physionomie académique sera-t-elle plus révélatrice ?


II

On prête à l’un des académiciens fraîchement élus ce mot : l’Académie, c’est la « Jeune-Belgique » qui continue. Il est incontestable que pour les survivants de ce groupe fameux, qui a sa légende et entend la perpétuer, la fondation d’une Académie des lettres en Belgique apparaît comme une consécration et une revanche. À leurs débuts, ils furent ou se crurent honnis par la critique officielle, et comme tous les débutants, trouvèrent leur vigueur à se sentir combattus, à lutter pour les droits de l’art. Il y a toute une littérature sur ces années « héroïques. » On ne nous a rien laissé ignorer des premiers tâtonnements poétiques, des manifestes, des excommunications et des canonisations de ceux qui ont conquis aujourd’hui un droit officiel à l’immortalité. Ils ont leurs historiens et leurs thuriféraires. L’un d’eux n’a pas craint d’intituler son livre la Miraculeuse aventure de la Jeune-Belgique.

Le miracle d’aujourd’hui, c’est l’Académie, et le mot de M. Albert Giraud à Chantilly, renouvelé du doge de Venise à Versailles, se serait mieux appliqué à la séance inaugurale du 15 février quand, vêtus de sévères redingotes, les amis du jeune et bouillant Max Waller prirent place derrière le tapis vert du Palais des Académies. Max Waller a son monument sur une place publique bruxelloise et M. Iwan Gilkin, qui lui succéda à la direction de la « Jeune-Belgique, » a été le premier président de l’Académie belge. Les premiers élus furent M. Valère Gille, qui dirigea lui aussi pendant quelque temps la fameuse revue, et M. van Arenberg qui, déjà à l’Université, enseignait à ses trois amis l’art de rimer selon la formule de Banville. Ils sont les quatre chevaux classiques du quadrige se détachant au fronton de la nouvelle Académie et ils sont convaincus que c’est leur attelage que conduit le divin Apollon.

On peut se demander quelle allure lui eût imprimée la fougue d’Emile Verhaeren, dont l’immortalité n’a pas eu besoin de l’Académie, mais qui fut de la pléiade de la Jeune-Belgique jusqu’à la dispersion de celle-ci. M. Iwan Gilkin, au cours de son discours inaugural, qualifia, assez bizarrement, le poète de Toute la Flandre de Viking. Et sans doute voulut-il marquer par-là que seules la violence exceptionnelle d’un tempérament littéraire puissamment original et une renommée prodigieuse ont fait autour du grand disparu l’unanimité de ses premiers amis. C’est qu’entre le Verhaeren des Forces tumultueuses, des Villes tentaculaires, des Flambeaux noirs et les dispositions de la pure tradition « Jeune-Belgique, » il y a vingt ans de divergence esthétique. D’autres poètes s’introduisent entre ces deux pôles de la même génération, influencés, eux, par un symbolisme que combattirent nos parnassiens belges.

Nous en retrouvons quatre aussi à l’Académie. Formeraient-ils de leur côté un attelage hiératique à opposer au char des quatre premiers et assisterions-nous entre ces huit aèdes à l’émulation de deux lyrismes? Mais de M. Fernand Severin, un délicieux poète lamartinien influencé par Stuart Merril, à M. Max Elskamp, un curieux alchimiste littéraire qui précipite au fond d’une cornue anversoise le mélange de la langue de Mallarmé avec la nostalgie des paysages exotiques et le goût d’un mysticisme alimenté par le folklore, il y a un abîme que l’éclectisme harmonieux de M. Albert Mockel ne suffit pas à combler. Et comment s’annexer le rêve sans cesse en évolution de M. Maurice Maeterlinck?

Les arbitres académiques de ces fécondes rivalités pourraient bien être les dramaturges et les romanciers, à défaut des critiques qui n’ont pas encore franchi le seuil du temple. Aussi bien la plupart de nos écrivains en prose appartiennent-ils à une génération moins exclusive, plus dégagée du souci de l’art pour l’art, et pour laquelle la Belgique existe comme source d’inspiration et comme un élément sans cesse renouvelé d’expression. M. Georges Eekhoud, issu comme son ami et contemporain Camille Lemonnier du naturalisme, porte jusque dans ses outrances une pitié, une tendresse où palpite un régionalisme farouche. Pour des conteurs alertes comme MM. Hubert Krains et Louis Delattre, la grande affaire, c’est de refléter à travers leur prose, dégagée de tout artifice, la sensibilité des choses et des gens du terroir. La forme dramatique de M. Spaak, qui se sert tantôt de la prose et tantôt du vers libre, est fort éloignée de l’art classique. Elle emprunte à l’imitation des petits maîtres flamands, et au recueillement des primitifs de l’Escaut et de la Meuse, le mouvement et le lyrisme de ses pièces à décors et a costumes. Un souci analogue a poussé M. Henry Carton de Wiart à évoquer dans ses romans historiques un passé vivant. Quant au culte des idées pures, à l’appropriation à la vie nationale quotidienne des préoccupations morales et sociales, cherchez-les dans les comédies dramatiques de M. Gustave van Zyne. Il a été choisi par ses confrères pour être le secrétaire perpétuel de la jeune Académie. Nul n’est plus qualifié que lui pour apporter dans ce magistère la conscience de la responsabilité des lettres dans l’Etat.

Voit-on à travers ce rapide essai de synthèse se dessiner quelques traits du visage de la compagnie? Six sièges y sont encore vacants, au titre littéraire; les choix à venir décideront sans doute de l’orientation de l’Académie belge. Jusqu’à quel point les philologues, qui sont déjà six et disposent encore de quatre fauteuils, auront-ils part à cette décision? Le règlement, je crois, les cantonne dans leur province. Mais ils ont sur leurs confrères la supériorité d’une formation académique, d’une discipline littéraire. Ils pourraient bien s’emparer du sceptre vacant de la critique. Deux d’entre eux au moins, MM. Wilmotte et Georges Doutrepont, ont à leur actif une production littéraire en marge de leur spécialisation linguistique.

Sur les dix membres étrangers prévus par l’arrêté de fondation, quatre sont déjà nommés : la comtesse de Noailles» M. Benjamin Vallotton et M. d’Annunzio pour la littérature, M Brunot pour la philologie. Le statut légal les tient à l’écart du recrutement des membres belges. Mais ils doivent pour le reste être mêlés à la vie académique. Il faudra cependant des circonstances toutes spéciales pour les amener à se déplacer. Suffiront-elles à provoquer la présence de M. Maeterlinck? L’illustre auteur de Mona Vanna (je cite cette œuvre parce que c’est elle qui lui valut le prix triennal, base de sa désignation comme académicien) n’habite plus depuis longtemps la Belgique. Il semble partager avec M. Max Elskamp une vraie répugnance à prendre part à la vie publique de son pays. La guerre a montré pourtant avec quelle ardeur il a su l’exalter et le venger. Les spectacles patriotiques des fêtes nationales ne se passent plus de la représentation de son Bourgmestre de Stilmonde. Il offre dans certaines de ses œuvres et dans tout son aspect physique un magnifique témoignage de la persistance de son atavisme flamand.

Les « Jeune-Belgique, » si pénétrés qu’ils aient pu être d’une fierté littéraire française, se sont d’ailleurs toujours réclamés d’une tradition nationale. Ils affirmèrent, ils affirment encore continuer dans leur art poétique la manière minutieuse et probe des artistes de Flandre qui ne confiaient à personne le soin de broyer leurs couleurs. Les concours qui vinrent à ces écrivains brabançons, de Liège et de Gand se sont placés aussi en quelque mesure sous l’égide du régionalisme. Le mot Wallonnie est une création de M. Albert Mockel, revendiquant pour son œuvre poétique une sensibilité de race fortement imprégnée d’un souci musical.

Nous avons dit comment les prosateurs ont été plus apparemment belges. Rares sont aujourd’hui les académiciens à qui l’épreuve sanglante de la patrie n’a pas fourni un renouvellement imprévu. Chez aucun il ne fut plus riche et plus abondant que chez M. Albert Giraud. Le poète de Hors du siècle a longtemps été environné d’une légende. Il ne faisait rien pour la dissiper. Il la servait par certaines affirmations :

La multitude abjecte est par moi dédaignée
Pas un cri de ce temps ne franchira mon seuil;
Et pour m’ensevelir loin de la foule athée,
Je saurai me construire un monument d’orgueil.

Chez M. Albert Giraud, comme chez beaucoup de Belges qui s’ignoraient, qui ne croyaient pas à toute une fraternité nationale latente, le coup de foudre de l’ultimatum déclencha un lyrisme prodigieux. M. Albert Giraud l’a fixé dans les poèmes du Laurier, livre pathétique et frémissant. Ceux qui, sous l’occupation ennemie, l’ont entendu en dire certaines pages, en ont gardé un souvenir inoubliable. Et l’on vit, au lendemain de l’armistice, une chose invraisemblable jusque-là en Belgique : une manifestation collective autour d’un poète vivant. Ce banquet Giraud est une date. Elle a précédé celle de la fondation de l’Académie, elle l’a annoncée et expliquée. Désormais, quel que soit son éloignement de la foule, le président de notre Académie littéraire a montré ce que peut être dans un pays réaliste et traditionnel le rôle de l’écrivain.

Ni lui, ni aucun de ses confrères, n’entendent réclamer pour l’artiste un traitement de faveur. Il en est bien peu pour qui leur situation nouvelle ait été un but et puisse être un point de départ. Un scepticisme assez curieux règne même parmi eux à l’égard de leur jeune Compagnie. Le titre d’académicien ne changera rien à leur existence modeste, discrète, vouée à une profession menée depuis avec la vocation désintéressée des lettres. La littérature n’est pas une carrière en Belgique, elle ne nourrit pas son homme.

Journaliste, fonctionnaire, médecin, professeur, avocat, le poète, le conteur, le dramaturge viendra siéger au « Palais des Académies » une fois par mois, avec la ponctualité qu’il apporte depuis vingt ou trente ans aux rites de sa vie professionnelle. L’institution nouvelle recevra-t-elle de lui l’impulsion nécessaire pour vivre à son tour, pour grandir et pour créer? C’est le secret de l’avenir. Le recrutement de nos lettres, leur orientation et, un peu aussi, la richesse de la langue française en dépendent.

Dans le respect de cette langue une entente certaine existe à l’Académie belge, préétablie par une longue expérience et un grand amour. Véhicule de la pensée, interprète de l’émotion artistique, expression de l’idéal, elle reçoit en Belgique par la fondation académique un hommage auquel elle avait droit. Ceux, Flamands et Wallons, et quelle que soit leur tendance esthétique, qui l’ont servie avec persévérance et probité ne sont pas indignes de faire les honneurs de son temple à ceux qui, en France et à l’étranger, l’auront illustrée par des œuvres plus éclatantes.


HENRI DAVIGNON.