Affiches, annonces et avis divers du Dauphiné, 5 mai 1782

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Affiches, annonces et avis divers du Dauphiné, 5 mai 1782
Affiches, annonces et avis divers du Dauphiné, du 4 janvier au 27 décembre 1782 (p. 173).
Lettre au Rédacteur des Affiches de Metz.

Metz, ce 2 février 1782. Convaincu, M., que l’agrément est le passeport le plus sûr de l’instruction, j’ai voulu sauver aux enfants les désagréments attachés aux méthodes ordinaires d’apprendre à lire : ce désir m’a fourni l’idée du Loto syllabaire, dont voici les procédés, & dont vous connoissez les succès.

J’ai fait distribuer en huit cartons, contenant chacun quinze cases, cent vingt syllabes.

L’on donne un de ces cartons à l’enfant à qui l’on veut apprendre à lire ; & on le lui fait réciter toujours dans le même ordre, c’est-à-dire ou de gauche à droite en trois parties, ou de haut en bas en cinq. Dès qu’il commence à le savoir, on l’admet au jeu ; & on a soin, lorsque les syllabes de son carton sortent du sac, de lui faire remarquer l’identité du signe de la boule avec celui de ce même carton.

Lorsque l’enfant nomme lui-même les syllabes que l’on amene, & qu’il pose les jettons (*) sur les cases qui les renferment, il faut joindre un second carton au premier, sans qu’il soit nécessaire de le faire apprendre par cœur à l’enfant. Il suffit de lui nommer les syllabes à mesure qu’elles sortent du sac, & de les indiquer sur son nouveau carton.

On procede ainsi à la connoissance d’un troisieme carton, & insensiblement l’enfant les possédera tous. Il est nécessaire de faire de temps en temps saisir à l’Eleve l’application de ses connoissances sur des mots dont il connoît les parties.

Il est absolument inutile d’apprendre aux enfants les lettres isolées, excepté les voyelles. Si l’on veut, quand ils connoissent quelques cartons, leur nommer les consonnes, il faut éviter de leur donner une terminaison fermée, comme au b, qu’il faut faire prononcer be muet, ou uni à une autre voyelle. Ainsi, par exemple, la lettre m, il faut la faire prononcer me & non eme. Un enfant ne peut qu’acquérir une idée fausse de liaison, si l’on parvient à le persuader que m prononcé eme & a, font ma, & non ema. Il trouvera plus simple d’élider l’e muet, & de dire me & a font ma.

On me reprochera peut-être d’avoir omis dans mon Loto syllabaire, les syllabes qui commencent par une voyelle suivie d’une consonne, telles que ab, ib, or, &c. Mais outre que j’ai craint de multiplier les cartons, il sera aisé de faire comprendre aux enfants, quand ils commenceront à lire, qu’il ne faut, pour nommer ces syllabes, que joindre au son de la voyelle celui de la consonne, prononcée telle que je l’ai indiquée ci-dessus : par exemple a avec b prononcé be, fait abe & non abé, comme on le faisoit prononcer dans l’ancien systême.

Les progrès que font les enfants, par la méthode du Loto syllabaire, sont étonnants, & d’autant plus rapides, qu’ils trouvent de la complaisance dans les peres, meres, freres, sœurs ou domestiques, à jouer avec eux.

J’ai l’honneur d’être, &c. R. D. E. M.

(*) Les jettons de verre, ou de petits aneaux, sont préférables aux jettons, en ce qu’ils offrent aux enfants pendant la durée du tirage les syllabes que les boules ont amenées.