Ainsi parlait Zarathoustra/Quatrième partie/De l’homme supérieur
Société du Mercure de France, (Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 9, p. 415-431).
Lorsque je vins pour la première fois parmi les hommes, je fis la folie du solitaire, la grande folie : je me mis sur la place publique.
Et comme je parlais à tous, je ne parlais à personne. Mais le soir des danseurs de corde et des cadavres étaient mes compagnons ; et j’étais moi-même presque un cadavre.
Mais, avec le nouveau matin, une nouvelle vérité vint vers moi : alors j’appris à dire : « Que m’importe la place publique et la populace, le bruit de la populace et les longues oreilles de la populace ! »
Hommes supérieurs, apprenez de moi ceci : sur la place publique personne ne croit à l’homme supérieur. Et si vous voulez parler sur la place publique, à votre guise ! Mais la populace cligne de l’œil : « Nous sommes tous égaux. »
« Hommes supérieurs, — ainsi cligne de l’œil la populace, — il n’y a pas d’hommes supérieurs, nous sommes tous égaux, un homme vaut un homme, devant Dieu — nous sommes tous égaux ! »
Devant Dieu ! — Mais maintenant ce Dieu est mort. Devant la populace, cependant, nous ne voulons pas être égaux. Hommes supérieurs, éloignez-vous de la place publique !
Devant Dieu ! — Mais maintenant ce Dieu est mort ! Hommes supérieurs, ce Dieu a été votre plus grand danger.
Vous n’êtes ressuscité que depuis qu’il gît dans la tombe. Ce n’est que maintenant que revient le grand midi, maintenant l’homme supérieur devient — maître !
Avez-vous compris cette parole, ô mes frères ? Vous êtes effrayés : votre cœur est-il pris de vertige ? L’abîme s’ouvre-t-il ici pour vous ? Le chien de l’enfer aboie-t-il contre vous ?
Eh bien ! Allons ! Hommes supérieurs ! Maintenant seulement la montagne de l’avenir humain va enfanter. Dieu est mort : maintenant nous voulons — que le Surhumain vive.
Les plus soucieux demandent aujourd’hui : Comment l’homme se conserve-t-il ? » Mais Zarathoustra demande, ce qu’il est le seul et le premier à demander : « Comment l’homme sera-t-il surmonté ? »
Le Surhumain me tient au cœur, c’est lui qui est pour moi la chose unique, — et non point l’homme : non pas le prochain, non pas le plus pauvre, non pas le plus affligé, non pas le meilleur. —
Ô mes frères, ce que je puis aimer en l’homme, c’est qu’il est une transition et un déclin. Et, en vous aussi, il y a beaucoup de choses qui me font aimer et espérer.
Vous avez méprisé, ô hommes supérieurs, c’est ce qui me fait espérer. Car les grands méprisants sont aussi les grands vénérateurs.
Vous avez désespéré, c’est ce qu’il y a lieu d’honorer en vous. Car vous n’avez pas appris comment vous pourriez vous rendre, vous n’avez pas appris les petites prudences.
Aujourd’hui les petites gens sont devenus les maîtres, ils prêchent tous la résignation, et la modestie, et la prudence, et l’application, et les égards et le long ainsi-de-suite des petites vertus.
Ce qui ressemble à la femme et au valet, ce qui est de leur race, et surtout le micmac populacier : cela veut maintenant devenir maître de toutes les destinées humaines — ô dégoût ! dégoût ! dégoût !
Cela demande et redemande, et n’est pas fatigué de demander : « Comment l’homme se conserve-t-il le mieux, le plus longtemps, le plus agréablement ? » C’est ainsi — qu’ils sont les maîtres d’aujourd’hui.
Ces maîtres d’aujourd’hui, surmontez-les-moi, ô mes frères, — ces petites gens : c’est eux qui sont le plus grand danger du Surhumain !
Surmontez-moi, hommes supérieurs, les petites vertus, les petites prudences, les égards pour les grains de sable, le fourmillement des fourmis, le misérable contentement de soi, le « bonheur du plus grand nombre » — !
Et désespérez plutôt que de vous rendre. Et, en vérité, je vous aime, parce que vous ne savez pas vivre aujourd’hui, ô hommes supérieurs ! Car c’est ainsi que vous vivez — le mieux !
Avez-vous du courage, ô mes frères ? Êtes-vous résolus ? Non pas du courage devant des témoins, mais du courage de solitaires, le courage des aigles dont aucun dieu n’est plus spectateur ?
Les âmes froides, les mulets, les aveugles, les hommes ivres n’ont pas ce que j’appelle du cœur. Celui-là a du cœur qui connaît la peur, mais qui contraint la peur ; celui qui voit l’abîme, mais avec fierté.
Celui qui voit l’abîme, mais avec des yeux d’aigle, — celui qui saisit l’abîme avec des serres d’aigle : celui-là a du courage. — —
« L’homme est méchant » — ainsi parlaient pour ma consolation tous les plus sages. Hélas ! si c’était encore vrai aujourd’hui ! Car le mal est la meilleure force de l’homme.
« L’homme doit devenir meilleur et plus méchant » — c’est ce que j’enseigne, moi. Le plus grand mal est nécessaire pour le plus grand bien du Surhumain.
Cela pouvait être bon pour ce prédicateur des petites gens de souffrir et de porter les péchés des hommes. Mais moi, je me réjouis du grand péché comme de ma grande consolation. —
Ces sortes de choses cependant ne sont point dites pour les longues oreilles : toute parole ne convient point à toute gueule. Ce sont là des choses subtiles et lointaines : les pattes de moutons ne doivent pas les saisir !
Vous, les hommes supérieurs, croyez-vous que je sois là pour refaire bien ce que vous avez mal fait ?
Ou bien que je veuille dorénavant vous coucher plus commodément, vous qui souffrez ? Ou vous montrer, à vous qui êtes errants, égarés et perdus dans la montagne, des sentiers plus faciles ?
Non ! Non ! Trois fois non ! Il faut qu’il en périsse toujours plus et toujours des meilleurs de votre espèce, — car il faut que votre destinée soit de plus en plus mauvaise et de plus en plus dure. Car c’est ainsi seulement —
— ainsi seulement que l’homme grandit vers la hauteur, là où la foudre le frappe et le brise : assez haut pour la foudre !
Mon esprit et mon désir sont portés vers le petit nombre, vers les choses longues et lointaines : que m’importerait votre misère, petite, commune et brève !
Pour moi vous ne souffrez pas encore assez ! Car c’est de vous que vous souffrez, vous n’avez pas encore souffert de l’homme. Vous mentiriez si vous disiez le contraire ! Vous tous, vous ne souffrez pas de ce que j’ai souffert. — —
Il ne me suffit pas que la foudre ne nuise plus. Je ne veux point la faire dévier, je veux qu’elle apprenne à travailler — pour moi — Ma sagesse s’amasse depuis longtemps comme un nuage, elle devient toujours plus tranquille et plus sombre. Ainsi fait toute sagesse qui doit un jour engendrer la foudre. —
Pour ces hommes d’aujourd’hui je ne veux ni être lumière, ni être appelé lumière. Ceux-là — je veux les aveugler. Foudre de ma sagesse ! crève-leur les yeux !
Ne veuillez rien au-dessus de vos forces : il y a une mauvaise fausseté chez eux qui veulent au-dessus de leurs forces.
Surtout lorsqu’ils veulent de grandes choses ! car ils éveillent la méfiance des grandes choses, ces subtils faux-monnayeurs, ces comédiens : —
— jusqu’à ce qu’enfin ils soient faux devant eux-mêmes, avec les yeux louches, bois vermoulus et revernis, attifés de grand mots et de vertus d’apparat, par un clinquant de fausses œuvres.
Soyez pleins de précautions à leur égard, ô hommes supérieurs ! Rien n’est pour moi plus précieux et plus rare aujourd’hui que la probité.
Cet aujourd’hui n’appartient-il pas à la populace ? La populace cependant ne sait pas ce qui est grand, ce qui est petit, ce qui est droit et honnête : elle est innocemment tortueuse, elle ment toujours.
Ayez aujourd’hui une bonne méfiance, hommes supérieurs ! hommes courageux ! hommes francs ! Et tenez secrètes vos raisons. Car cet aujourd’hui appartient à la populace.
Ce que la populace n’a pas appris à croire sans raison, qui pourrait le renverser auprès d’elle par des raisons ?
Sur la place publique on persuade par des gestes. Mais les raisons rendent la populace méfiante.
Et si la vérité a une fois remporté la victoire là-bas, demandez-vous alors avec une bonne méfiance : « Quelle grande erreur a combattu pour elle ? »
Gardez-vous aussi des savants ! Ils vous haïssent, car ils sont stériles ! Ils ont des yeux froids et secs, devant eux tout oiseau est déplumé.
Ceux-ci se vantent de ne pas mentir : mais l’incapacité de mentir est encore bien loin de l’amour de la vérité. Gardez-vous !
L’absence de fièvre est bien loin d’être de la connaissance ! Je ne crois pas aux esprits réfrigérés. Celui qui ne sait pas mentir, ne sait pas ce que c’est que la vérité.
Si vous voulez monter haut, servez-vous de vos propres jambes ! Ne vous faites pas porter en haut, ne vous asseyez pas sur le dos et la tête d’autrui !
Mais toi, tu es monté à cheval ! Galopes-tu maintenant, avec une bonne allure vers ton but ? Eh bien, mon ami ! mais ton pied boiteux est aussi à cheval !
Quand tu seras arrivé à ton but, quand tu sauteras de ton cheval : c’est précisément sur ta hauteur, homme supérieur, — que tu trébucheras !
Vous qui créez, hommes supérieurs ! Une femme n’est enceinte que son propre enfant.
Ne vous laissez point induire en erreur ! Qui donc est votre prochain ? Et agissez-vous aussi « pour le prochain », — vous ne créez pourtant pas pour lui !
Désapprenez donc ce « pour », vous qui créez : votre vertu précisément veut que vous ne fassiez nulle chose avec « pour », et « à cause de », et « parce que ». Il faut que vous vous bouchiez les oreilles contre ces petits mots faux.
Le « pour le prochain » n’est que la vertu des petites gens : chez eux on dit « égal et égal » et « une main lave l’autre » : — ils n’ont ni le droit, ni la force de votre égoïsme !
Dans votre égoïsme, vous qui créez, il y a la prévoyance et la précaution de la femme enceinte ! Ce que personne n’a encore vu des yeux, le fruit : c’est le fruit que protège, et conserve, et nourrit tout votre amour.
Là où il y a votre amour, chez votre enfant, là aussi il y a toute votre vertu ! Votre œuvre, votre volonté, c’est là votre « prochain » : ne vous laissez pas induire à de fausses valeurs !
Vous qui créez, hommes supérieurs ! Quiconque doit enfanter est malade ; mais celui qui a enfanté est impur.
Demandez aux femmes : on n’enfante pas parce que cela fait plaisir. La douleur fait caqueter les poules et les poètes.
Vous qui créez, il y a en vous beaucoup d’impuretés. Car il vous fallut être mères.
Un nouvel enfant : ô combien de nouvelles impuretés sont venues au monde ! Écartez-vous ! Celui qui a enfanté doit laver son âme !
Ne soyez pas vertueux au delà de vos forces ! Et n’exigez de vous-mêmes rien qui soit invraisemblable.
Marchez sur les traces où déjà la vertu de vos pères a marché. Comment voudriez-vous monter haut, si la volonté de vos pères ne montait pas avec vous ?
Mais celui qui veut être le premier, qu’il prenne bien garde à ne pas être le dernier ! Et là où sont les vices de vos pères, vous ne devez pas mettre de la sainteté !
Que serait-ce si celui-là exigeait de lui la chasteté, celui dont les pères fréquentèrent les femmes et aimèrent les vins forts et la chair du sanglier ?
Ce serait une folie ! Cela me semble beaucoup pour un pareil homme, s’il n’est l’homme que d’une seule femme, ou de deux, ou de trois.
Et s’il fondait des couvents et s’il écrivait au-dessus de la porte : « Ce chemin conduit à la sainteté », — je dirais quand même : À quoi bon ! c’est une nouvelle folie !
Il s’est fondé à son propre usage une maison de correction et un refuge : que bien lui en prenne ! Mais je n’y crois pas.
Dans la solitude grandit ce que chacun y apporte, même la bête intérieure. Aussi faut-il dissuader beaucoup de gens de la solitude.
Y a-t-il eu jusqu’à présent sur la terre quelque chose de plus impur qu’un saint du désert ? Autour de pareils êtres le diable n’était pas seul à être déchaîné, — mais aussi le cochon.
Timide, honteux, maladroit, semblable à un tigre qui a manqué son bond : c’est ainsi, ô hommes supérieurs, que je vous ai souvent vus vous glisser à part. Vous aviez manqué un coup de dé.
Mais que vous importe, à vous autres joueurs de dés ! Vous n’avez pas appris à jouer et à narguer comme il faut jouer et narguer ! Ne sommes-nous pas toujours assis à une grande table de moquerie et de jeu ?
Et parce que vous avez manqué de grandes choses, est-ce une raison pour que vous soyez vous-mêmes — manqués ? Et si vous êtes vous-mêmes manqués, est-ce une raison pour que — l’homme soit manqué ? Mais si l’homme est manqué : eh bien ! allons !
Plus une chose est élevée dans son genre, plus est rare sa réussite. Vous autres hommes supérieurs qui vous trouvez ici, n’êtes-vous pas tous — manqués ?
Pourtant, ayez bon courage, qu’importe cela ! Combien de choses sont encore possibles ! Apprenez à rire de vous-mêmes, comme il faut rire !
Quoi d’étonnant aussi que vous soyez manqués, que vous ayez réussi à moitié, vous qui êtes à moitié brisés ! L’avenir de l’homme ne se presse et ne se pousse-t-il pas en vous ?
Ce que l’homme a de plus lointain, de plus profond, sa hauteur d’étoiles et sa force immense : tout cela ne se heurte-t-il pas en écumant dans votre marmite ?
Quoi d’étonnant si plus d’une marmite se casse ! Apprenez à rire de vous-mêmes comme il faut rire ! Ô hommes supérieurs, combien de choses sont encore possibles !
Et, en vérité, combien de choses ont déjà réussi ! Comme cette terre abonde en petites choses bonnes et parfaites et bien réussies !
Placez autour de vous de petites choses bonnes et parfaites, ô hommes supérieurs. Leur maturité dorée guérit le cœur. Les choses parfaites nous apprennent à espérer.
Quel fut jusqu’à présent sur la terre le plus grand péché ? Ne fut-ce pas la parole de celui qui a dit : « Malheur à ceux qui rient ici-bas ! »
Ne trouvait-il pas de quoi rire sur la terre ? S’il en est ainsi, il a mal cherché. Un enfant même trouve de quoi rire.
Celui-là — n’aimait pas assez : autrement il nous aurait aussi aimés, nous autres rieurs ! Mais il nous haïssait et nous honnissait, nous promettant des gémissements et des grincements de dents.
Faut-il donc tout de suite maudire, quand on n’aime pas ? Cela — me paraît de mauvais goût. Mais c’est ce qu’il fit, cet intolérant. Il était issu de la populace.
Et lui-même n’aimait pas assez : autrement il aurait été moins courroucé qu’on ne l’aimât pas. Tout grand amour ne veut pas l’amour : il veut davantage.
Écartez-vous du chemin de tous ces intolérants ! C’est là une espèce pauvre et malade, une espèce populacière : elle jette un regard malin sur cette vie, elle a le mauvais œil pour cette terre.
Écartez-vous du chemin de tous ces intolérants ! Ils ont les pieds lourds et les cœurs pesants : ils ne savent pas danser. Comment pour de tels gens la terre pourrait-elle être légère !
Toutes les bonnes choses s’approchent de leur but d’une façon tortueuse. Comme les chats elles font le gros dos, elles ronronnent intérieurement de leur bonheur prochain, — toutes les bonnes choses rient.
La démarche de quelqu’un laisse deviner s’il marche déjà dans sa propre voie. Regardez-moi donc marcher ! Mais celui qui s’approche de son but — celui-là danse.
Et, en vérité, je ne suis point devenu une statue, et je ne me tiens pas encore là engourdi, hébété, marmoréen comme une colonne ; j’aime la course rapide.
Et quand même il y a sur la terre des marécages et une épaisse détresse : celui qui a les pieds légers court par-dessus la vase et danse comme sur de la glace balayée.
Élevez vos cœurs, mes frères, haut, plus haut ! Et n’oubliez pas non plus vos jambes ! Élevez aussi vos jambes, bons danseurs, et mieux que cela : vous vous tiendrez aussi sur la tête !
Cette couronne du rieur, cette couronne de roses : c’est moi-même qui me la suis mise sur la tête, j’ai canonisé moi-même mon rire. Je n’ai trouvé personne d’assez fort pour cela aujourd’hui.
Zarathoustra le danseur, Zarathoustra le léger, celui qui agite ses ailes, prêt au vol, faisant signe à tous les oiseaux, prêt et agile, divinement léger : —
Zarathoustra le devin, Zarathoustra le rieur, ni impatient, ni intolérant, quelqu’un qui aime les sauts et les écarts ; je me suis moi-même placé cette couronne sur la tête !
Élevez vos cœurs, mes frères, haut ! plus haut ! Et n’oubliez pas non plus vos jambes ! Élevez aussi vos jambes, bons danseurs, et mieux que cela : vous vous tiendrez aussi sur la tête !
Il y a aussi dans le bonheur des animaux lourds, il y a des pieds-bots de naissance. Ils s’efforcent singulièrement, pareils à un éléphant qui s’efforcerait de se tenir sur la tête.
Il vaut mieux encore être fou de bonheur que fou de malheur, il vaut mieux danser lourdement que de marcher comme un boiteux. Apprenez donc de moi la sagesse : même la pire des choses a deux bons revers, —
— même la pire des choses a de bonnes jambes pour danser : apprenez donc vous-mêmes, ô hommes supérieurs, à vous placer droit sur vos jambes !
Désapprenez donc la mélancolie et toutes les tristesses de la populace ! Ô comme les arlequins populaires me paraissent tristes aujourd’hui ! Mais cet aujourd’hui appartient à la populace.
Faites comme le vent quand il s’élance des cavernes de la montagne : il veut danser à sa propre manière. Les mers frémissent et sautillent quand il passe.
Celui qui donne des ailes aux ânes et qui trait les lionnes, qu’il soit loué, cet esprit bon et indomptable qui vient comme un ouragan, pour tout ce qui est aujourd’hui et pour toute la populace, —
— celui qui est l’ennemi de toutes les têtes de chardons, de toutes les têtes fêlées, et de toutes les feuilles fanées et de toute ivraie : loué soit cet esprit de tempête, cet esprit sauvage, bon et libre, qui danse sur les marécages et les tristesses comme sur des prairies !
Celui qui hait les chiens étiolés de la populace et toute cette engeance manquée et sombre : béni soit cet esprit de tous les esprits libres, la tempête riante qui souffle la poussière dans les yeux de tous ceux qui voient noir et qui sont ulcérés !
Ô hommes supérieurs, ce qu’il y a de plus mauvais en vous : c’est que tous vous n’avez pas appris à danser comme il faut danser, — à danser par-dessus vos têtes ! Qu’importe que vous n’ayez pas réussi !
Combien de choses sont encore possibles ! Apprenez donc à rire par-dessus vos têtes ! Élevez vos cœurs, bons danseurs, haut, plus haut ! Et n’oubliez pas non plus le bon rire !
Cette couronne du rieur, cette couronne de roses à vous, mes frères, je jette cette couronne ! J’ai canonisé le rire ; hommes supérieurs, apprenez donc — à rire !