Almanach olympique pour 1919/Texte entier

La bibliothèque libre.
Imprimeries Réunies. S. A. (p. 1-24).
Les étapes de l’Olympisme :
le nouvel échelon

L’an passé, faisant écho à une conférence donnée à Chicago au cours d’un congrès pédagogique, une revue française[1] comparait le Néo-olympisme à un escalier dont la jeunesse aurait été appelée depuis un quart de siècle à gravir successivement les marches. L’auteur de l’article détaillait les fécondes étapes de ce grand mouvement : la préparation technique d’abord par l’union des forces disséminées, par la mise en contact des différents sports jusqu’alors étrangers ou même hostiles les uns aux autres, — puis l’éducation de l’opinion vaguement sympathique à un renouveau de la culture physique, mais totalement éloignée de l’idée qu’il pût y avoir là une source de force morale ou de progrès national, — puis la conquête des États dont l’adhésion était nécessaire : de l’Angleterre qui se serait volontiers adjugé un monopole en la matière, des États-Unis assez dédaigneux en ce temps-là des choses d’Europe, de la Suède encore enfermée dans l’exclusivisme de ses méthodes, de la Grèce oublieuse de son passé athlétique, de la France enfin, instrument inconscient de l’essor qui se préparait.

Lorsque, le 23 juin 1894, le rétablissent des Jeux olympiques eût été proclamé à Paris, au Palais de la Sorbonne, et qu’Athènes eût, en 1896, inauguré les nouvelles Olympiades, la partie ne se trouvait pas gagnée pour cela. Il fallut des années de labeur pour assurer la succession régulière des Jeux, asseoir sur des bases incontestées l’autorité du Comité international, provoquer dans chaque pays la formation d’un Comité olympique national actif et influent, apaiser définitivement les inquiétudes des Fédérations de gymnastes qui se croyaient menacées par le progrès sportif, désarmer l’opposition des autorités religieuses effrayées de voir renaître une institution païenne condamnée jadis par l’Église, ajuster ou remanier les règlements en usage dans les sociétés, préciser la qualité de l’amateur, lutter enfin pour que des pays aussi sportifs que la Bohême et la Finlande, mais dont l’indépendance politique n’était pas reconnue puissent participer aux Jeux sous leurs couleurs respectives.

Tout cela fut acquis peu à peu. En même temps que se célébraient à Paris, au mois de juin 1914, les fêtes du xxme anniversaire du Rétablissement des Jeux olympiques, les délégués de tous les Comités olympiques nationaux arrêtaient les termes du programme définitif des Olympiades futures et adoptaient cette classification en : sports gymniques, sports athlétiques, sports de combat, sports nautiques, sports équestres, sports combinés (Pentathlons, etc.) qui constitue la charte d’union de la grande Fédération des exercices physiques désormais réalisée en esprit et en vérité.

La guerre survint. Et l’on vit que l’olympisme moderne — comme son glorieux ancêtre — préparait la jeunesse aussi bien aux rudes contacts des batailles sanglantes qu’aux fécondes rivalités du temps de paix. Ce qui fera l’admiration de l’histoire, ce sera la soudaine révélation de ces forces individuelles innombrables et indomptables. La transformation de l’Europe accomplie entre 1870 et 1914 sous l’influence de l’éducation sportive s’est inscrite là en lettres de feu.

(À propos de l’emploi de ce terme : sportif, il convient de rappeler que du point de vue olympique il n’y a pas de différence entre gymnique et sportif. La gymnastique est le premier des sports. Le sport, c’est « le culte habituel et volontaire de l’exercice musculaire intensif appuyé sur le désir du perfectionnement et pouvant aller jusqu’au risque » : cinq éléments essentiels susceptibles de se superposer à toute forme d’exercices.)

Cependant, la guerre en se prolongeant a déçu les calculs de tous ceux qui croyaient pouvoir la diriger. Le Destin, si l’on peut ainsi dire, a échappé à qui voulait le maîtriser. Les portes ouvertes ne pourront plus se refermer. La Démocratie a passé. Son règne s’affirme déjà. Aucun événement militaire ou autre ne saurait à cet égard modifier ce qui est acquis.

Or dans cette phase nouvelle de l’évolution humaine, l’olympisme a aussi son rôle à jouer. L’olympisme détenteur et distributeur de paix sociale, tel sera le dernier échelon à gravir. L’Institut olympique de Lausanne a donné la formule : « Rétablissons le gymnase municipal de l’antiquité. où les générations, les professions, les conditions, se coudoyaient, — où l’art, la science, le sport, l’hygiène collaboraient à l’éducation publique. — où l’entr’aide et la concurrence, ces bases de tout groupement démocratique se retrouvaient autour de l’égalité gymnique, de toutes la plus parfaite qui soit. » Ainsi, au sein de la commune moderne, le gymnase restauré nous ouvrira « le chemin d’un civisme intelligent et pur, d’une coopération fraternelle et joyeuse ».




Springfield

Qui ne connaît aujourd’hui les Y. M. C. A. ? Ces initiales qui désignaient les Young men’s Christian Associations n’étaient familières en Europe avant la guerre qu’au petit nombre de ceux qui se trouvaient au courant des choses transatlantiques. Ce n’est pas que ces associations n’eussent essaimé dans les capitales du vieux monde, mais partiellement et souvent sans grand succès. Aux États-Unis, au contraire, elles avaient étendu leur réseau d’un océan à l’autre. Leurs installations rivalisaient d’activité et de confort. Les jeunes hommes y trouvaient, avec tous les agréments du club les avantages d’un établissement supérieur d’éducation. Aussi les armées américaines, en débarquant en Europe, ont-elles apprécié le concours que leur apportaient les Y. M. C. A. et fréquenté avec joie les installations improvisées à leur profit.

Les chevilles ouvrières d’une Y. M. C. A., ce sont le « secrétaire général » et le « directeur des exercices physiques ». De leur valeur professionnelle, de leur intelligence et de leur zèle dépendent la réussite ou l’échec. Pour les former a été fondée, dès 1885, à Springfield dans le Massachussets, la Y. M. C. A. Training School, véritable université de culture physique telle qu’il n’en existe pas une seconde dans le monde.

Les bâtiments se dressent sur une colline qui domine le petit lac Massasoit dont les rives boisées composent un ravissant paysage. Bibliothèque, salles de lecture, amphithéâtres, salles de cours, salons, chambres à coucher, vestiaires, laboratoires, gymnase, bains, champs de jeu, piste de course à pied, salles d’armes et de boxe, boat-house… que ne trouve-t-on pas à Springfield ? Rien ne manque. Les élèves sont au nombre d’une centaine ; le stage dure trois ans. Les programmes comprennent : la littérature anglaise, l’histoire générale, l’anatomie et la mécanique animale, la physique et la chimie, la physiologie des exercices du corps, la psychologie pédagogique, l’histoire de l’éducation physique, l’orthopédie, l’hygiène, l’architecture et comme exercices la gymnastique, les sports nautiques, les jeux, les sports athlétiques, etc.

La dernière année, l’élève qui a passé à plusieurs reprises des examens sur toutes les matières enseignées, prépare sa thèse sur un sujet choisi par lui et dont il aura à défendre les conclusions. Il doit en outre composer un plan de gymnase universitaire avec ses dépendances et en établir le devis complet d’après la somme qui lui a été fixée… Ainsi apprennent les Américains à combiner l’idéalisme et l’esprit pratique. Cette école de Springfield est un exemple du genre d’éducation qui leur est donnée. Il est plus d’un point sur lesquels la vieille pédagogie européenne gagnerait à s’inspirer de la civilisation transatlantique.




Les découvertes de l’année

S’il y a au Paradis un saint chargé d’assurer ici-bas les progrès de l’histoire et un autre attaché à la surveillance des études géographiques, ils doivent être pour quelque chose dans la guerre actuelle. Désespérant d’y réussir autrement, ils auront obtenu de Dieu qu’il autorise le cataclysme comme le seul moyen d’en finir avec l’ignorance invétérée des habitants de la Terre.

Et c’est ainsi que les pauvres humains apprennent — hélas ! au prix de quels sanglants sacrifices — une quantité de choses importantes dont ils ne savaient plus le premier mot. La guerre russo-japonaise et la guerre des Balkans leur avaient déjà fait entrevoir quelques nouveautés concernant le Japon d’une part, la Serbie et la Bulgarie de l’autre. Mais l’apprentissage actuel s’opère avec un bien autre relief. Voici que le Tigre et l’Euphrate ne coulent plus à travers une Babylonie défunte ; ils arrosent des plaines redevenues vivantes. De la Pologne il ne restait dans les mémoires que la notion du partage final ; de l’Arménie, que celle des massacres récents. Désormais on ne pourra plus ignorer la gloire lointaine des Piasts, l’union avec la Lithuanie, la bataille de Grünwald et cette curieuse évolution à rebours qui fit de la monarchie polonaise libérale et tolérante une oligarchie tyrannique et sectaire. De même on n’oubliera plus les six siècles d’existence indépendante de l’antique royaume arménien, les luttes religieuses contre le mazdéisme persan, puis la longue vice-royauté des Pagratides, les dévastations turques et cette interminable agonie d’un peuple qui ne voulut ni abjurer ni mourir.

Le monde arabe a ressuscité à nos yeux avec l’histoire de la civilisation originale qui du golfe Persique à Cordoue dessina pendant six cents ans un croissant scintillant. L’Arabie, … qui pensait à elle ? Y avait-il donc une Arabie ? C’est pourtant vrai que les Arabes et les Turcs ne confondent ni leurs traditions ni leur caractère. Et tandis que les Anglais récrépissent Bagdad et qu’à Damas on évoque les souvenirs de la royauté franque, le souverain de l’Hedjaz circule en chemin de fer dans ses États émancipés.

Telles furent les « découvertes » de 1917. Celles de 1918 ont plus grande envergure encore. La Russie, — terme vaste et imprécis sous lequel nous avions coutume d’englober pêle-mêle Pierre-le-Grand et Tolstoï, Catherine ii et le saint Synode, le nihilisme et les Cosaques, la poésie des steppes et l’horreur des geôles, — la Russie est apparue ce qu’elle fut toujours : une mosaïque de peuples distincts qui ne pourront être ni séparés ni unifiés : source à fois de faiblesse et de force pour ses gouvernants. Et la question de Finlande et celle de Bessarabie, le passé de Kiew et celui de Tiflis, la ligne du Don et celle de l’Oural, Arkhangel et Tobolsk, Irkoutsk et Kazan ont défrayé nos chroniques occidentales ou dressé leurs silhouettes dans nos journaux illustrés.

De conséquences plus profondes, s’il est possible, est la découverte d’un idéalisme américain. Le bon Européen sédentaire ne veut pas encore y croire. Il se refuse à l’évidence. On lui avait tellement dit que pour ces Yankees il n’était autre chose en ce monde que le dollar ! Certains, il est vrai, s’étaient permis d’insinuer qu’il y avait erreur et que le culte du veau d’or n’était là-bas ni si général ni si intensif qu’on se plaisait à le répéter, — qu’au surplus il suffisait d’entr’ouvrir les annales du peuple américain pour y découvrir les traces nombreuses d’un idéalisme irréductible ; à quoi l’Européen haussait les épaules : l’histoire américaine, la bonne blague ! Ce n’était qu’un relevé de comptes, un long « profits et pertes »… Il va bien falloir l’apprendre, maintenant, cette histoire.

Allons ! encore un peu de temps et les civilisés finiront par connaître à peu près leur planète et les œuvres de leurs ancêtres.





Dialogue vaudois

— Et alors ! Quoi de nouveau ?

— Ah ! là, voilà. Pas grand’chose. On n’est pas tant de bonne humeur.

— Et pourquoi ?

— La guerre… l’avenir… tout, quoi. À la maison tout le monde marronne. La mère s’inquiète, les fils s’agitent… chez toi, ce n’est pas de même ?

— Eh bien, non.

— Je m’étonne pourquoi.

— Je vais te dire. Les fils sont comme ils disent des « sportifs ». Ils sont toujours gais et allants ; ils prennent tout à la bonne. Quand ils reviennent du lac ou de leur gymnastique, ils sont tout fous de joie. Ils dorment que douze locomotives sous pression ne les réveilleraient seulement pas. Tout ce qu’on leur donne pour manger, ils le trouvent d’extra, et les petits embêtements de la vie, pour eux, c’est de la plaisanterie. Et avec ça ils abattent leur besogne rudement bien.

— Ah alors, ça je n’en crois rien.

— Et pourquoi que tu ne le crois pas ?

— Parce que le travail, c’est le travail. Quand on s’est bien fatigué à la gymnastique, on ne peut plus être bon au travail, puisque la gymnastique c’est du travail et un travail de sorte.

— Eh bien, je l’ai cru comme toi, mais j’ai vu que je me trompais. Ce n’est pas le même travail et pas la même fatigue. Y a pas à dire, la gymnastique, ça repose. Et puis, il faut voir comme ça développe ces gaillards. On en voit de ces crazets tout crottus, tout de bizingue qui se redressent, qui se renforcent ; c’est pas croyable. Et au moral comme au physique.

— Et c’est vrai, ça ?

— Comme je te le dis.

— Eh bien, je veux voir essayer avec mes garçons aussi.




La gamme du sauvetage

La « gymnastique utilitaire » est, comme on le sait, l’ensemble des exercices concourant au sauvetage, à la défense et à la locomotion, c’est-à-dire qu’elle assure la formation de l’homme complet, du débrouillard, du garçon « adroit de ses mains, prompt à l’effort, souple de muscles, résistant à la fatigue, ayant le coup d’œil rapide, la décision ferme et entraîné d’avance à ces changements de lieu, de métiers, de situations, d’habitude que rend nécessaire la féconde instabilité des sociétés modernes ». Parmi ces exercices, ceux qui assurent plus spécialement la sécurité de l’individu et lui permettent aussi de porter plus utilement secours à son prochain composent une « gamme » de sept notes qui devrait servir de base à l’éducation physique de l’adolescent, comme la gamme euphonique est le principe de l’instruction musicale.

Courir, sauter, grimper, lancer, attraper, porter, ramper, telles sont les sept notes.

La course, a-t-on dit, est « le trot de l’animal humain. Et que vaut un animal qui ne peut pas se mettre au trot ? » La course a ceci de particulier qu’il faut la pratiquer sinon quotidiennement du moins hebdomadairement pour y demeurer apte. Les anciens pensaient en faciliter l’apprentissage en entraînant l’athlète sur des pistes de sable exigeant un grand effort à chaque foulée. Les modernes, au contraire, lui préparent des pistes cendrées, élastiques, à virages relevés. Les résultats modernes sont supérieurs aux anciens, mais il faut s’habituer à courir sur des terrains inégaux et sur des distances variables, avec et sans vêtements, si l’on veut être à même de faire face aux imprévus.

Il existe bien des façons de sauter : en hauteur, en longueur, en profondeur (de haut en bas}, verticalement (de bas en haut), puis avec la perche qui amplifie les sauts, puis encore en prenant appui des mains sur une barrière ou un mur. Le tremplin élastique n’existe pas dans la nature : il n’est pas à employer. On doit tâcher d’éviter l’insuccès qui, en se répétant, engendre la peur mécanique ; de là l’obligation de commencer par des obstacles faciles et de régler prudemment la progression de l’effort à faire. Le grand ennemi du sauteur est l’hésitation nerveuse. Elle s’accroche à lui et il a grand’peine à s’en défaire.

Au grimpeur, au contraire, la décision initiale coûte peu ; c’est la persévérance en cours de route qui importe. On grimpe à l’aide de la traction de bras combinée soit avec l’adhérence (grimper à un arbre lisse), soit avec le renversement (culbute autour d’une branche pour s’asseoir dessus), soit le rétablissement (se hisser à la force des poignets de façon à poser les coudes sur le faîte ou le rebord qu’on veut escalader et se surélever ensuite sur les coudes jusqu’à ce que la ceinture ait dépassé l’obstacle). Tout homme valide doit pouvoir faire cela jusqu’à cinquante ans passés.

Le lancer comporte trois phases : la prise, la pose, la détente. La force de propulsion dépend de la façon dont l’objet se trouve placé dans la main, et aussi de l’attitude du lanceur et de la figure mécanique que dessine sa machine corporelle au moment où la détente va s’effectuer. Il y a sans doute des règles générales à observer, mais c’est à chacun à trouver sa propre formule, celle qui, conforme à la structure de l’individu et à ses moyens lui assurera, avec l’entraînement, le meilleur rendement. Le disque et le javelot sont de bons engins de lancement, mais meilleurs encore, plus simples et plus pratiques sont : le poids, la balle et le lasso. Avec la balle et le lasso on lancera en visant. Il faut naturellement lancer des deux mains. La fronde est redoutable… pour le voisin.

Attraper est le complément de lancer. Grâce aux jeux de balles auxquels ils se livrent de temps immémorial, les enfants s’y entraînent inconsciemment. Le football-rugby développe également cette faculté. Il importe toutefois de remarquer que ces exercices se limitent toujours à ceci : saisir au vol un objet rond. Il serait très nécessaire de s’exercer aussi — et toujours des deux mains cela va de soi — à saisir des objets de formes différentes : un bâton, une corde, une brique, un filet. Le geste d’attraper est des plus variables ; on ne saurait le codifier, à chacun de s’ingénier pour s’y perfectionner.

Soulever, charger, se mettre en mouvement voilà en quoi consiste l’art de porter. On l’a réduit à l’artificiel « travail des poids ». Et l’arraché, le développé, le jeté ne sont point des « trucs » à dédaigner. Il est bon de les connaître, voire de les pratiquer à condition que les très jeunes gens n’en abusent pas. Mais ce n’est pas toujours la lourdeur, c’est aussi bien le volume ou la forme du fardeau qui le rendent difficile à manier. On porte un fardeau dans les bras, sur l’épaule ou sur le dos. Un sac de sable, des bottes de paille, une caisse de bois, un tonneau, une longue échelle, ce sont là des engins improvisés faciles se procurer et d’une réelle valeur éducative.

Ramper… faire la bête, quoi ! Nul n’y pensait jusqu’à la guerre. Les exploits des soldats sur le front ont réhabilité la chose et créé le mot. Désormais on se préoccupera d’enseigner la « reptation ». Et l’on s’apercevra que c’est une excellente gymnastique. Elle se pratique sur le dos, sur le ventre, de côté, en avant, à reculons. On accroît la difficulté en dressant quelque obstacle sur la route et plus encore en immobilisant un membre par une ligature quelconque. À remarquer de quelle façon vigoureuse l’épaule entre en jeu dès que les coudes ne jouent plus librement.




La chevalerie du sport.

C’est de Suède qu’est venue l’institution. On parle toujours de la gymnastique suédoise et on connaît fort mal l’organisation sportive de la Suède. En 1897 avait été fondée l’Association centrale pour l’avancement des sports. En 1903 se créa l’Union nationale des Sociétés suédoises de gymnastique et de sport. Chaque société relève à la fois d’une ou plusieurs Unions spéciales et d’une Union régionale. Il avait en 1912 vingt et une Unions régionales dont les délégués (un par 500 membres) formaient l’assemblée directrice de l’Union nationale. Sous le contrôle des Unions spéciales (gymnastique, escrime, patinage, natation, football, etc.) les Unions régionales assurent l’organisation des championnats locaux et gouvernent leurs districts, mais elles dépendent à tous égards de l’Union nationale. Celle-ci subventionnée par l’État perçoit en outre les cotisations des sociétés. C’est tout un réseau de garanties, de règlements et de surveillance qui se trouve tendu de la sorte sur le sport suédois. Chacun peut apprécier les inconvénients et les avantages de ce régime et se demander s’il serait avantageux ou nuisible à sa propre patrie de s’y trouver soumise.

Il est une institution suédoise fort originale et qui, applicable en tous pays, rendrait partout de signalés services. L’Union nationale a créé une sorte d’ordre de chevalerie d’un caractère sportif dans le but d’encourager à la pratique des sports et surtout d’inciter les adultes à poursuivre cette pratique aussi avant que possible dans la vie. L’ordre a trois grades correspondant à un insigne d’or, d’argent ou de bronze, Pour l’obtenir, il faut être citoyen suédois, appartenir à une société régulièrement inscrite et satisfaire à des épreuves dont voici le tableau :

1er  groupe : épreuves de gymnastique
200 m. à la nage
2e groupe : saut en hauteur (1 m. 35 au moins)
saut en longueur (4 m. 75 au moins)

3e groupe : course à pied de 100 m. (en 13 secondes au plus)
course à pied de 400 m. (en 65 secondes au plus)
course à pied de 1 500 m. (en 5 min. 15 secondes au plus).
4e groupe : épreuve d’escrime
lancement du disque (à 40 m. au moins)
lancement du javelot (à 50 m. au moins)
lancement du poids (à 16 m. au moins)
5e groupe : 10 kilomètres à pied (en 50 minutes au plus)
1 kilomètre à la nage (en 28 minutes au plus)
10 kilomètres sur patins (en 25 minutes au plus)
20 kilomètres sur skis (en 2 heures 15 minutes au plus)
20 kilomètres à bicyclettes (en 50 minutes).

Celui qui satisfait à une des épreuves de chaque groupe au choix reçoit l’insigne de bronze ; celui qui y satisfait pendant quatre ans (consécutifs ou non) l’insigne d’argent ; celui qui satisfait pendant huit ans, l’insigne d’or. Reçoit d’emblée l’insigne d’or l’homme qui, âgé de plus de 32 ans, satisfait une seule fois à une des épreuves de chaque groupe. C’est en somme, un pentathlon qui rappelle le « Diplôme des Débrouillards » institué en France en 1904 et imité depuis en d’autres pays. Mais il manque — lacunes regrettables — l’équitation et l’aviron.

Telle quelle, cette institution n’en constitue pas moins une aide précieuse pour le développement des habitudes sportives. Elle est simple, compréhensive, d’exécution facile et point coûteuse, et son efficacité individuelle répond exactement aux besoins du jour.



  1. Revue hebdomadaire, 12 mai 1917.