Amélie Mansfield/Conclusion

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Ménard et Desène fils (7p. 262-264).


CONCLUSION.


Le farouche Adolphe, fidèle à ses projets, se retira dans la partie des Alpes la plus solitaire ; sa mère mourut sans l’avoir pu découvrir, et mourut malheureuse de savoir qu’elle avait un fils qui n’était pas là pour lui fermer les yeux.

Albert, seul rejeton de la famille de Woldemar, hérita du titre et de la terre de ce nom. Il trouva dans Blanche de Geysa l’épouse la plus aimable et la plus tendre ; il s’étonnait de ne plus remarquer en elle ni la coquetterie, ni la légèreté qu’on lui reprochait jadis, et ne put s’empêcher de reconnaître dans cette différence les salutaires effets du malheur : mais si le souvenir de la mort d’Amélie avait servi à tempérer l’excessive gaîté de Blanche, il jetait aussi sur le bonheur d’Albert cette tristesse nécessaire pour que son sort ne fut pas trop au-dessus de celui des autres hommes.

Madame de Woldemar passa ses jours dans la plus haute dévotion, et ne quitta plus le couvent où elle s’était retirée ; elle désira que les enfans d’Albert portassent le nom d’Ernest et d’Amélie, mais elle refusa constamment de les voir jusqu’au moment de sa mort : alors seulement elle les appela auprès d’elle, leur légua tout son bien, demanda à leur innocence des prières pour le salut de son âme, et expira poursuivie par l’image de son fils, et doutant de la miséricorde divine.

Albert et Blanche élevèrent l’enfant d’Amélie avec les leurs : les soins et les caresses qu’ils lui prodiguaient lui auraient fait oublier qu’il était orphelin, si Albert n’eût trouvé un douloureux plaisir à lui rappeler sans cesse sa mère, et à en graver le souvenir sacré dans son âme pure et sensible. Toutes les instances de M. Grandson ne purent engager Albert à lui céder le précieux dépôt que sa sœur lui avait remis ; mais, pour adoucir les regrets de ce respectable vieillard, et en reconnaissance de l’amour paternel qu’il avait eu pour Amélie, tous les deux ans il allait avec Blanche passer quelques mois en Suisse, et mettait dans les bras de ce vénérable ami d’Amélie l’enfant qu’elle avait laissée, et la seule image qui restât d’elle sur la terre.


FIN DU TROISIÈME ET DERNIER VOLUME.