Amica America/Pour Groton et Middlessex

La bibliothèque libre.
Éditions Émile-Paul Frères (p. 69-82).


POUR GROTON ET MIDDLESSEX



Le mois finissait. Il était facile de s’en apercevoir : aux librairies des tramways souterrains, derrière les vitres des pharmacies, dans les salons des clubs, sur chaque table le soir près du lit ou le matin au déjeuner sur chaque nappe rose près du pamplemousse, les trente têtes de femmes qui ornaient les couvertures des trente grands magazines et illustraient les bars les plus perdus de l’Amérique, avaient cédé peu à peu leur place à trente images nouvelles, moins caressantes, moins

fraîches peut-être ce mois-ci, mais entières, nues ou en maillot, car juillet venait. Les commissions, les visites, la vie menée, pendant un mois, entre trente visages éclatants et doux (car les femmes en juin sont d’humeur soumise), allait se continuer un mois entre le même nombre de corps dédaigneux ; et certaines tournaient même le dos, ajustant leurs bas ruisselants ; et les flèches familières de trente affectueux regards étaient retirées de votre cœur, — de trente moins une — car le magazine d’une ville lointaine n’était pas encore renouvelé et une tête du mois écoulé survivait. C’était aussi samedi, et toute l’Amérique, avant de s’enfoncer dans la saison des vacances — comme elle se douche avant de se jeter dans la piscine — énergiquement se purifiait du travail par un week-end. On éteignait les cheminées des usines à midi juste ; il ne restait sur le sol du four qu’un petit cercle d’or, tout rond, car le soleil était au zénith et tout plat. Au moment où le rideau de fer allait atteindre le tapis des devantures, décidés enfin, les directeurs à quatre pattes s’évadaient. Dans les hauts bazars transparents on voyait de la rue chaque étage se vider de ses ombres, en commençant par le plus élevé, et les façades peuplées de reflets innombrables devenaient pour deux jours insensibles. Les vrais soldats commençaient à s’habiller pour ces deux jours en civil, et tous les autres Américains en uniforme. Les vétérans de la Sécession, esclaves des horaires, se hâtaient vers les trains ; les omnibus combles de fillettes en kaki brûlaient les stations, où attendaient avec honneur les garçons en Peaux-Rouges. Pensant que Nelson meurt et renaît chaque semaine, les marins nouaient à leur cou la cravate noire de sortie qu’on prescrivit jadis le jour de la mort de Nelson. Les sociétés secrètes arboraient des gilets lilas brodés de cornes en argent, des parapluies jonquille à raies roses, et tous les insignes du secret. Les musiques s’acheminaient vers les stades, chaque musicien a deux mètres de son voisin, confondant sans doute l’intervalle du son et celui de la pensée. C’était le week-end, on mobilisait pour le week-end, il n’y avait plus une minute à perdre.

Comme tous les samedis, on nous enlevait pour les parades, et les deux petits capitaines de l’école Lowell me conduisaient inspecter leur bataillon. Tout acte, aux États-Unis, toute pensée — comme un mot entre ses deux tirets, comme un oiseau entre deux flèches s’encadre entre deux courses en auto sur une route toute droite. Mes guides avaient seize ans et chacun me présentait l’autre. Aux arrêts le capitaine Mills me disait les qualités du capitaine Size, assis derrière nous, qui s’accoudait pendant la marche pour louer Mills ; ils semblaient parfois faire leur propre éloge, mais si dignement que cela même n’eût point choqué, et l’on ne pouvait avoir pour soi-même une plus raisonnable estime. Nous traversions Lexington, Arlington, tous les cercles de passé dont s’entoure Boston, les seules villes en Amérique où la première génération des choses d’Europe, les maisons semblables au Parthénon, les pommiers, les gazons, ait atteint la vieillesse. À gauche, au-dessus de mille étangs et d’églises en bois jaune, aidée par la brume, l’Histoire prenait son repos, satisfaite d’elle-même, et, à droite, les nuages nés de l’Océan appuyaient sans haine contre les nuages nés du ciel. Route pour moi inconnue et j’éprouvais — c’était bien cela, ce n’était pas la nostalgie et je commence, à mon âge, à ne plus confondre les sentiments les plus subtils, ce n’était pas l’amour des hêtres, l’espoir d’une lettre d’Océanie, — j’éprouvais la volupté de l’homme qui revient, sa jeunesse finie, vers le pays où il est né ! Jamais je n’avais vu pourtant trois nègres avec un Chinois, sur un balcon, s’entraîner dans un appareil à rames ; jamais cette prison d’où un vieillard à foulard rouge, qui sortait, nous salua ; jamais une quarteronne, entre deux colonnes doriques, tourner la tête de son fils, qui étreignait un cheval de bois violet et jaune, vers un cheval vivant noir et blanc, et lui apprendre pour la vie l’art des comparaisons ; jamais, dans un bar, avec ses bottines de chevreau blanc, l’amour lui-même, roux, avec un nœud grenat, vêtu en fille ; mais toute âme ce jour-là gonflait exactement chaque être, tout était jeune et verni, tout me ramenait à la source de la couleur, de la jeunesse, et je croyais revenir à mon village.

Les autos sifflaient, les trains sonnaient. C’était le jour où les voleurs d’enfants, dans une automobile Ford volée qui leur appartient désormais, car la police, pas plus que Ford, ne peut reconnaître une Ford d’une autre, s’efforcent de ravir le bébé à la fois le plus riche et le moins singulier, reculant devant les yeux violets, les fossettes. Des mères détournaient avec crainte de nous leur fils adoré, semblable à tous. Une à une nous dépassions les voitures qui, de tous les États, — on reconnaît l’État au nom inscrit sur la plaque — viennent chaque samedi visiter Concord, patrie de tous les poètes et philosophes d’Amérique ; — les banquiers de l’Ohio, de l’Oklahoma, qui n’ont lu Emerson que tout haut et en famille, par autos combles, avec une petite fille sur le capot comme épigraphe ; — solitaire, dans une voiture immense, le Californien, l’Alaskien, qui verra les tombes illustres sans sœur, sans ami, qui lisait seul, le soir, dans sa cabane perdue, les chapitres sur la modestie, la franchise, qui appelait son chien, le caressait, lui disait la vérité ; — de jeunes époux de New-York, qui croient que tout les regarde encore, et ferment par pudeur leurs yeux sous les regards trop vifs, regardés par les ruisseaux, les oiseaux ; — une famille égoïste, j’ai pris son numéro, qui, sous ses masques de mica, se croyait dispensée de rire, de sourire. Puis soudain la route fut libre, toutes les autos s’engouffrant dans le domaine où naquit Thoreau, moins l’Alaskien qui commença la visite par la maison où il mourut, prenant au plus court pour l’atteindre encore. Puis une rivière fut franchie, coulant au ras des pelouses, et le canot rouge empli de fillettes qui entrait sous le pont, en sortit, malgré ses efforts, trop tard pour nous bien admirer. Pour la première fois gardiens d’une vie française, comme

si elle eût pu plus facilement qu’une autre prendre feu, se casser, se tordre, Mills et Size ne fumaient pas, m’évitaient tout heurt. Discrets, et comme si l’uniforme bleu n’eût rendu invisible que mon visage, ils me remerciaient, à chacune de mes questions, de le reprendre pour eux et ne répondaient qu’à lui. Pudeur soudaine, — ils se rappelaient ce qu’on dit de nos épouses sans
liberté, généreuses et folles, de nos regrets le soir sur la montagne Montmartre, sur la montagne Montparnasse, de la différence si nette entre nos hommes et nos femmes, — au lieu de le frôler, ils contournaient presque un passant jeune fille. Résignés à ne pas me demander si j’avais tué avec mon revolver — encore moins avec ma baïonnette — si, épuisé, j’abandonnai, après l’avoir sauvé d’abord sur mes épaules,

mon meilleur ami blessé, pour me prouver leur confiance ils m’avouaient leur seule querelle : Mills aimait le désert, Size les villes. Mills préférait la liberté, Size la justice. Aux beautés du pays que me signalait Size, Mills, qui était de l’Ouest, opposait les beautés de l’Orégon, toujours d’ailleurs froides et dures ; à la forêt frissonnante son énorme forêt pétrifiée ; au ruisseau son Grand Canon de marbre d’or et de plâtre bleu ; et devant la maison de Longfellow seulement dut se taire, car ils n’ont pas encore eu, dans l’Ouest, des poètes en cristal ou en onyx.

*

C’est la coutume que les bâtiments de l’école lui soient offerts deux à la fois et par deux amis, et l’on relie par une pergola ou un cloître les présents jumeaux : le théâtre l’était au Club de la Sagesse, l’église au Musée des oiseaux, le Château des professeurs à la piscine — pour que leurs femmes de la fenêtre surveillent le bain — et il venait donc à l’esprit que l’amitié unit toujours un enfant sérieux et un enfant frivole. Nous arrivions un jour heureux ; les cloches sonnaient, qu’on tire chaque fois qu’un ancien élève se marie, et le marié était justement le donateur de l’église ; on devinait l’ami des oiseaux, son garçon d’honneur, le félicitant, lui glissant dans la main, à la sacristie, un rouge-gorge. Les clairons jouaient à notre droite, d’un clairon neuf pour les ordres donnés par Mills, d’un clairon de la guerre de l’Indépendance pour mes remarques. Devant la tribune des invités, debout, je n’osais grimper sur l’estrade solitaire apportée pour moi de la bibliothèque, un escabeau masqué de lilas, dont la bibliothécaire changeait les fleurs, sans doute, selon le livre qu’on voulait atteindre. Je ne remarquais pas que parents, cousines et sœurs étaient au garde à vous ; seul je remuais, avançant, reculant ; on ne m’en voulut pas ; le journal de l’école écrivit le lendemain que je bougeais comme un drapeau.

La manœuvre commençait. La compagnie des signaleurs nous prévint qu’une guerre était déclarée. Aussitôt les quatre lignes de la compagnie Mills, ouvertes à larges espaces, s’emboîtèrent dans les quatre lignes Size et tournèrent en sens inverse. La T. S. F. nous indiqua l’arrivée des uhlans. Aussitôt, entre deux sections au repos, les six autres formèrent chacune une lettre du mot France. Puis elles défilèrent, le drapeau les précédant. Ce jour-là encore il avait une étoile de plus qu’il n’était mort d’Américains pour la France, étoile masquée de soie bleue que le porte-étendard, chaque matin, en ouvrant le journal, tremblait non sans espoir d’avoir à délivrer ; et pour la première fois le drapeau américain me fit un salut personnel, il s’inclina, et surpris, confus, au lieu de saluer, je m’inclinai ; et désormais nous nous connaissons, nous sommes amis. Puis, pour que la revue semblât sans fin et que les spectateurs dans leur esprit la vissent toujours continuer, les soldats disparurent noblement derrière un mamelon. Une fillette crut à un vrai départ et pleurait, appelant son frère.

Déjà ceux qui étaient trop jeunes pour parader s’approchaient. Les fils de ce M. Norton, le botaniste, qui tint à composer à Paris sa thèse sur les lichens, refusant les invitations du grand spécialiste autrichien, et bien qu’il eût reçu de lui un tracé Paris-Vienne si fertile en lichens qu’il eût pu le rejoindre en traîneau tiré par des rennes ; les petits-fils du sénateur Lodge, qui avaient habité rue de Monceau, et désiraient m’en dire un mot, ainsi que de l’avenue Jules-Janin, et le plus jeune fut autorisé à me serrer la main. L’aîné, qui avait la rougeole et devait se tenir à trente mètres de tout camarade, eût le droit de me crier bonjour.

— J’ai de l’irritation sur la peau, cria-t-il.

— Ce n’est rien. Approchez !

— Vive la France ! cria-t-il en fuyant, car je marchais sur lui.

Un autre enfant nous escortait de plus loin encore, de l’autre côté de la route. Je demandai ce qu’il avait, il n’avait rien. Sur mon signe, il s’approcha, repartit bienheureux. Il avait sans doute qu’il était pauvre, orphelin : on m’avoua le soir qu’il n’était pas de l’école. Mais déjà le bataillon débandé revenait vers moi, chacun traînant son cadet, sa sœur cadette, car on ne croit en Amérique qu’à ce qu’un enfant peut voir en même temps que vous. Déjà les actrices qui jouaient Caliban au Stade, la répétition finie, poussaient, clavier tout jeune, leurs petites autos blanches entre les autos noires des mères, et je devais leur expliquer le combat, et qu’on a le droit de tirer sur la seconde ligne des tirailleurs ennemis, même si la première est intacte.

Le directeur venait vers nous, au travers des pelouses, escorté d’élèves qui devaient suivre les allées et décrivaient en courant des losanges, des huit, des S, autour de cet axe inflexible. Le thé fut pris dans son bureau où il recueille, accrochés au mur, les portraits des élèves les plus intelligents, des élèves morts, des plus beaux, et il me montrait ceux qui étaient à la fois dans les trois panneaux. Cloués face à la fenêtre, pour qu’on les vît mieux, les morts étaient déjà jaunis par le soleil. Sa fille Ruth nous servait, l’actrice, si maniérée quand elle joue, si naturelle dans la vie, avec Helen Doster, son amie de théâtre, qui a les qualités inverses, et toutes deux ce jour-là, l’une jouant, l’autre vivant, étaient également heureuses, simples. Elles me conduisirent au Hall.

Dans le Hall, il y avait les huit plaques des anciens élèves tués en France et les cendres même du neuvième, qui, suivant dans la guerre mon tracé exact, aux mêmes jours que moi s’était trouvé dans les hôpitaux en Occident, sur les navires en Orient. C’était de tous les Américains celui dont la jeunesse ressemblait le plus à la mienne, car Ruth me conta sa vie, et ce que je fus dans mon lycée sous un autre nom je l’avais été dans cette école. On me montra son dialogue, inachevé, sur Clytemnestre à Boston ; on me le donna, je le finirais ; on me montra ses dernières lettres, où je disais vouloir mourir pour un autre pays que le mien, où je demandais au directeur des boîtes de crackers, depuis revenues et que l’on mit, pour mon régiment, dans mon auto ; ses photographies, et je vis ce qui aurait été à Beverley mon cheval, ma maison, ma sœur. Une maison calme et fleurie sur une île, dans un estuaire, et l’eau était salée à l’est, douce à l’ouest et dorée ; une sœur déguisée en pierrot noir, impassible sous le magnésium, une sœur qui regarde le soleil en face. Nos destins même un jour s’étaient croisés, puisque je reconnus de Dorothée Simpson la même photo que j’ai, la même dédicace, et certains de ses goûts ont peut-être passés depuis et grandissent en moi, celui des yeux trop grands, des cheveux trop longs, des bouches trop petites, pour moi jusqu’à Dorothée si détestables.

Mais déjà le soleil s’abaissait et faisait scintiller tout le long de la colline, comme si le ciel avait les trois bordures qu’a la mer dans les atlas, les trois fils de cuivre du télégraphe. Nous avions à gravir les pentes sur lesquelles Longfellow et Emerson allaient rêver, et sur deux bancs différents, car ils rêvaient parfois le même jour. Deux élèves étaient nos guides ; Bobby, le poète officiel de l’École, qui rédigeait les discours en poèmes, les compliments en sonnets, et Harry, poète aussi, mais qui l’ignorait, et aucun maître n’osait le lui révéler, car il était le meilleur élève de la classe, et que peut-il advenir des thèmes ou des versions d’un somnambule qu’on éveille ? D’une humeur infaillible, comme nos sourciers de France s’arrêtent juste au-dessus du bloc d’eau enterré, parfois il s’arrêtait, ne bougeant plus, et Bobby se hâtait vers lui, et le professeur aussi courait, car au point qu’il avait choisi il y avait toujours un vers à trouver pour Bobby, et pour le professeur un précepte moral.

Ainsi nous allions, Bobby sur nos talons, que des joies soudaines atteignaient, mesurées cependant et équilibrées aussitôt, selon leur poids, par un distique ou par un quatrain, qui croyait chercher des rimes en s’attardant devant deux fleurs ou deux nuages qui se ressemblent, et loin devant nous Harry vagabond, âme de découverte, que le directeur aujourd’hui surveillait sans émoi dans ce paysage connu, comme le chasseur son chien dans son propre clos. Du banc d’Emerson, je contemplais cette contrée où j’étais venu insensible, où j’avais repris peu à peu les biens que nous prend la guerre, le goût du ciel, le goût des forêts et des eaux. Triste départ de Paris, où mes amies me soignaient comme on soigne un musicien sourd, un peintre aveugle ; où j’étais leur poète insensible. Tristes mois où rien ne m’atteignait, où j’apercevais tout à travers un voile, où je n’arrivais à soulever jusqu’à moi un être, un objet qu’en leur trouvant une ressemblance, et encore c’était une ressemblance avec un être et un objet d’un monde qui me restait inconnu. Mais aujourd’hui, je voyais, j’entendais. Un brin d’herbe crissait sous une dent de cigale, un brin d’herbe s’était plié, un autre noué, et il n’y avait point à craindre l’oubli, ce jour-là, de la part du dieu des gazons. Deux ormes hirsutes restaient courbés à l’angle droit devant deux ifs, dans la pose où nous les avions surpris, confus, désespérés d’avoir appris aux hommes que certains arbres sont esclaves et d’autres Génies. Nous ne parlions pas ; le roulement des autos reliait des villages dentelés qui tournaient lentement. Nous songions chacun à ce qui est sa pensée seule, mais toutes ces pensées parfois se rejoignaient sur un oiseau, qui volait entre nous, qui, d’une aile à reflet, renvoyait à celui-là la pensée et le regard que celui-ci avait jetés. De sorte que soudain je pensais, et sans en voir la raison, à un chien fidèle, à la France, et, pensée du Directeur sans doute, à Dieu lui-même. Tout ce qui peut faire comprendre la vie de la terre, un ruisseau avec des méandres, une carrière, un étang, voilà quel était le paysage du philosophe qui ne voulut expliquer que les hommes. On voyait de biais encore le cimetière, et les lourdes pierres des tombes en raccourci comme les morts eux-mêmes dans Rembrandt. On voyait les élèves courir sur une piste, et, à l’arrivée, séparés par des intervalles immenses, ceux que d’en bas le juge terrestre ne voyait distants que de quelques pouces. On voyait sur une écluse le canot rouge aller, moi seul savais par quelle faiblesse de ses avirons, saccadé et sans but, et dans les grands domaines, pour la fureur des propriétaires, les fermiers user avec leur Ford les chemins neufs. On voyait, au milieu d’un fourré, de granuleux pommiers sauvages en fleurs et c’était la trace d’une des premières fermes d’émigrants, et les quakers qui n’ont jamais souri laissent ces squelettes parfumés… On croyait tout voir… Mais le directeur soudain nous montra Harry, étendu au-dessus de nous, qui avait trouvé, dédaignant celui d’Emerson, le vrai trône de la vallée, qui, bientôt, orienté dans sa vraie ligne, ne bougea plus, qu’il fallut rejoindre… Pauvre Emerson qui ne vit jamais, au ras du ciel, autour d’un clocher pointu, ce bosquet vers lequel volait un oiseau puis allait un bicycliste, puis s’enfuyait un chien, puis courait un piéton, et qui ignora peut-être toujours qu’en Nouvelle-Angleterre, le soir, humains et animaux, s’unissent sous un bois d’érables et s’étendent, mais alternés, pour le sommeil.