Amitié (Gilkin)

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La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 18).
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AMITIÉ



Mon ami le plus cher ne m’a pas appelé
Bâtard, faussaire, escroc ni proxénète infâme.
Comme je suis très pauvre, il ne m’a pas volé ;
Comme je suis garçon, il n’a pas pris ma femme.

Il ne m’a pas poussé dans un puits ; il n’a pas
Mêlé de l’arsenic dans mon vin. Magnanime :
Il eût pu m’étouffer entre deux matelas, —
La peur des tribunaux l’a préservé du crime.

Même il a hasardé la générosité,
Le brave homme, jusqu’à ne pas prendre pour cible
Mon crâne ou pour fourreau ma gorge. Sois sensible

À cette hyperbolique et burlesque bonté,
Ô mon cœur ; dans l’oubli noyons l’irréparable,
Et sous un lourd pardon broyons ce misérable.