Amour, seul artisan de mes propres malheurs
XXXIIII
Amour, seul artisan de mes propres malheurs,
Contre qui sans repos au combat je m’essaye,
M’a fait dedans le cœur une mauvaise playe,
Laquelle en lieu de sang ne verse que des pleurs.
Le meschant m’a fait pis, choisissant les meilleurs
De ses traits ja trempez aux veines de mon foye :
La langue m’a navrée, à fin que je begaye
En lieu de raconter à chacun mes douleurs.
Phœbus, qui sur Parnasse aux Muses sers de guide,
Pren l’arc, revenge moy contre cest homicide :
J’ay la langue et le cœur percez de part en part.
Voy comme l’un et l’autre en sanglotant me saigne.
Phœbus, dés le berceau j’ay suivy ton enseigne :
Le Capitaine doit defendre son soudart.
XXXV
Cythere entroit au bain, et te voyant pres d’elle,
Son Ceste elle te baille à fin de le garder.
Ceinte de tant d’amours, tu me vins regarder,
Me tirant de tes yeux une fleche cruelle.
Muses, je suis navré : ou ma playe mortelle
Guarissez, ou cessez de plus me commander.
Je ne suy vostre escole, à fin de demander
Qui fait la Lune vieille, ou qui la fait nouvelle.
Je ne vous fais la Cour, comme un homme ocieux,
Pour apprendre de vous le mouvement des cieux,
Que peut la grande Eclipse, ou que peut la petite,
Ou si Fortune ou Dieu ont fait cest Univers :
Si je ne puis flatter ma Dame par mes vers,
Cherchez autre escolier, Déesses, je vous quitte.
XXXVI
J’ay honte de ma honte, il est temps de me taire,
Sans faire l’amoureux en un chef si grison :
Il vaut mieux obeyr aux loix de la Raison,
Qu’estre plus desormais en l’amour volontaire.
Je l’ay juré cent fois : mais je ne le puis faire.
Les Roses pour l’Hyver ne sont plus de saison :