Amour-Hôtel (Max Waller)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 296-297).


Amour-Hôtel


Mon cœur est comme un Grand-Hôtel
Où descendent les bien-aimées,
Et sur leurs valises fermées
Volent des Amours au pastel.

Je les reçois sans leur rien dire,
Porte leurs malles doucement,
Puis elles suivent mon aimant,
Mon aimant aimant : le sourire !

Je leur murmure : « Très longtemps
Vous habiterez cette chambre,
Nous irons au bois de la Cambre
Le jour où nous aurons le temps.

« Vos yeux seront miens, votre lèvre
Sera mienne, et vos longues mains
Parcourront les moindres chemins
De mon corps éperdu de fièvre.


« Nous épuiserons les douceurs
Des frais baisers et des caresses,
Et savourerons les ivresses
Coupables de deux lèvres sœurs.

« Nous n’éteindrons pas la veilleuse
Pour voir notre crime éclairé,
Et le boudoir sera doré
D’une lueur mystérieuse.

« Le matin, très tard, le valet
Nous servira des liqueurs roses,
De la confiture de roses,
Et des pralines dans du lait.

« Nous ne verrons pas les musées
Ni les monuments publics, ni
Les églises — mais l’infini
Des voluptés inapaisées ;

« Et quand nous aurons tout bien vu,
Épuisé la table servie,
S’il n’arrive rien d’imprévu,
Nous nous quitterons pour la vie ! »