Amours, galanteries, intrigues, ruses et crimes des capucins et des religieuses/12

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Tome 2. Chapitre XII.



CHAPITRE XII.

Galanterie des religieuses au temps
de la Ligue et du roi Henri IV.


Les guerres de la Ligue introduisirent le relâchement dans les couvents de filles. Plusieurs abbayes de France furent le théâtre des galanteries des guerriers ligueurs ou royalistes. Les amours de Françoise de Larochefoucauld, abbesse de Saintes, avec Nicolas le cornu, évêque de la même ville, et les amours des religieuses de la même maison avec les militaires de ce temps, donnèrent de la célébrité à cette abbaye.

Les couvents de la Trinité de Poitiers, de Villeneuve en Albigeois, celui du Lys, etc., eurent aussi une semblable réputation. On appela l’abbaye du Lys : Vrai séminaire des enfants rouges. Elle est située près des bords de la Seine, presqu’en face de Melun. Catherine de la Trémouille en était alors abbesse. On raconte qu’Henri IV lui demanda le nombre des religieuses et celui de leurs directeurs. Par sa réponse il se trouva que le nombre des directeurs était moindre que celui des religieuses ; le roi en parut surpris. — Votre étonnement, Sire, est assez juste, dit l’abbesse fort ingénuement ; mais Votre Majesté ne fait pas réflexion qu’il faut bien quelques religieuses pour les survenants ; que feraient-ils si chacune avait le sien ?

Les monastères des environs de Paris, pendant que Henri IV tenait la ville assiégée, furent encore plus exposés. Les abbayes de Maubuisson, de Longchamps, de Montmartre, de Saint-Antoine-des-Champs, etc., devinrent, comme on disait alors, des lieux de plaisirs, et offrirent les désordres les plus scandaleux.

On prétend que l’abbaye de Maubuisson, dont l’abbesse était alors Angélique d’Estrées, sœur de Gabrielle, maîtresse de Henri IV, servit de logement à la cornette du roi pendant tout le temps que dura le siége. Daubigné et Sauval disent que pendant le siège de Pontoise il demeura dans ce couvent huit religieuses que la v… retenait, et cinq qui étaient en couches.

Lorsque Henri IV fit le siége de Paris, il se campa sur la montagne de Montmartre. Quelques religieuses se réfugièrent à Paris, et y oublièrent leur règle et leurs devoirs. Celles qui restèrent accueillirent si bien le roi et ses officiers qu’on appelait cette abbaye le magasin des engins de l’armée ou l’académie des p.... de l’armée. Henri IV l’appelait son monastère et disait qu’il en avait été religieux. Il y devint amoureux d’une sœur nommée Marie de Beauvilliers, qu’il conduisit à Senlis, l’avouant publiquement pour sa maîtresse ; mais ce roi, frappé des charmes de Gabrielle d’Estrées, oublia bientôt la jeune religieuse qui, se voyant délaissée, revint à Montmartre, dont elle devint abbesse quelque temps après. Sauval assure qu’il lui a entendu dire qu’en 1598, la communauté n’avait que deux mille livres de rente, et qu’elle devait dix mille livres ; que le jardin était en friche, les murs par terre, le réfectoire converti en bûcher, le cloître, le dortoir et le chœur en promenade, à l’égard des religieuses, que peu chantaient l’office ; les moines déréglés travaillaient pour vivre et mouraient presque de faim. Les jeunes faisaient les coquettes ; les vieilles allaient garder les vaches et servaient de confidentes aux jeunes. Elles ne remplissaient plus les devoirs des religieuses. Au lieu d’être vêtues en noir, elles portaient un habit blanc. Lorsque l’abbesse voulut les soumettre à une conduite plus régulière, elles en devinrent si furieuses qu’elles essayèrent de l’empoisonner. L’abbesse prit des antidotes qui lui sauvèrent la vie, mais ne la préservèrent point d’une grande difficulté pour respirer et pour parler.