Amours et Haines (1869)/Pangloss
PANGLOSS
PANGLOSS.
à m. p. lanfrey.
Je ne suis pas de ceux à qui les choses neuves
Font l’effet du fruit vert sur un nerf agacé,
Qui sur le temps présent pleurent comme des fleuves,
Et, fouillant les tombeaux pour y chercher des preuves,
Étaient de vieux débris leur temple crevassé :
C’est du vilain présent qu’est fait le beau passé.
Le présent a du bon néanmoins, et je l’aime.
Est-ce par indolence ou curiosité ?
Mais pour ne le pas voir avec sévérité
J’ai cent bonnes raisons, toutes d’un poids extrême :
Être — au moins je le crois — vaut mieux qu’avoir été ;
J’ai cent bonnes raisons, et voici la centième.
Je ne suis pas de ceux qui ne voient rien venir,
Dont éternellement l’âme étroite et malsaine
Rumine un vieux regret et vit d’un souvenir,
Et, s’il faut parler franc, j’échangerais sans peine
Tout notre fier passé contre un fier avenir,
Et dix siècles d’honneur contre huit jours de haine.
Urnes du bon vieux temps, obstinés détracteurs
De nos travaux obscurs et de nos âges ternes,
Ô vous qui des bons rois et des vieux serviteurs,
Des antiques vertus, antiques balivernes,
Bric-à-brac des anciens, assommez les modernes,
Comme vous seriez fous, si vous n’étiez menteurs !
Nobles ankylosés et bourgeois en délire,
Qui, marchant à rebours, vivez la tête en bas,
Poëtes confiants qui chantez sur la lyre
Ces hauts faits qu’avec soin vous vous gardez de lire,
Et vous, sots qui d’instinct leur emboîtez le pas,
Je vous plains, pauvres gens, et vous pardonne, hélas !
Dieu le veut, souvenir, que ton prisme colore
Chaque objet qui s’éloigne et nous fuit tour à tour,
Que des larmes de mère et les baisers d’amour,
Alors qu’ils ne sont plus, nous soient plus doux encore ;
Dieu le veut ! Quel moment serait, dans un beau jour,
Plus beau que le couchant, s’il n’était pas d’aurore ?
Autre temps, autre but, partant autres moyens.
Tartufes éplorés, apaisez vos alarmes.
Chaque âge eut, sachez-le, son mobile et ses armes :
C’est d’abord la vertu, — dans des temps très-anciens,
Puis la foi, puis l’honneur, en qui l’on vit des charmes…
— Et maintenant, monsieur ? — C’est là que je vous tiens.
— Mais ce toujours plus tiède amour de la patrie ?
— D’accord, mais quels progrès a faits l’artillerie !
— Et cette universelle et navrante torpeur ?
— Mais l’électricité, mon cher ! n’ayez pas peur.
— Et ce luxe enragé ? — C’est vrai, mais la vapeur !
— Et la corruption ? — C’est vrai, mais l’industrie !
Les machines, voilà ! Ne parlons plus des vieux,
Ensevelissons-les dans un oubli pieux.
Les machines, monsieur, c’est là qu’est notre gloire ;
Les machines un jour écriront notre histoire.
Inutile d’agir, inutile de croire :
Les machines, c’est tout, — et tout est pour le mieux.
Ah ! quand l’enivrement des amours éternelles
Accouplait l’âme ardente avec la vérité,
Quand le premier rayon de l’immortalité
Étoilait du mourant les douteuses prunelles,
Alors qu’Athènes et Sparte, ainsi que deux mamelles,
Allaitaient de leur sang la jeune liberté ;
Quand l’ivresse du bien avait sa jalousie,
Que le juste exilé s’éloignait radieux,
Que la charité seule avec la poésie
Filait du héros mort le linceul glorieux ;
Quand des mains de Platon découlait l’ambroisie
Que les dieux d’autrefois versaient pour d’autres dieux ;
Quand l’éclair de l’épée était une lumière
Dont Rome illuminait la puit des nations,
Et que le peuple, même en ses rébellions,
Au mur de la patrie était comme le lierre,
Quand les Brutus clouaient leurs cœurs à cette pierre,
Quand la louve de bronze enfantait des lions ;
Ah ! quand Jésus naissait comme l’aube se lève,
Lorsque, sublime et seul, le céleste émigré
Allait par ce pays lointain, doux et doré,
Petit comme un berceau, mais grand comme le rêve,
Et, semant l’avenir, fondait l’œuvre ignoré
Commencé par le verbe, achevé par le glaive ;
Quand le pâle martyr en mourant triomphait,
Quand la foi s’éprouvait par le fer et la flamme,
Qu’au vieux monde goulu livrant la chair infâme,
L’idée en souriant tendait la gorge au fait,
Et qu’au soleil du cirque immense et stupéfait
Tombaient extasiés les insurgés de l’âme :
Certes ce n’était pas alors comme chez nous
Un sang rare et stagnant qui rougissait les veines ;
L’histoire était robuste, et qui lui prend le pouls
Le sent, bien qu’à travers les amours et les haines
Qui, dans ces durs cerveaux, poussaient comme des chênes ;
Le cœur des nations battait à plus grands coups.
Certe, et sur quelques points ils valaient bien les nôtres,
Ces jours de foi, d’espoir, de lutte et de combats.
Autres étaient les temps, ces hommes étaient autres.
Avec l’humanité Dieu ne marchandait pas,
Et l’on ne verrait plus ici comme là-bas
Des siècles de héros et des peuples d’apôtres.
Mais quoi ! ce même Dieu, qui d’un doigt souverain
Implantait la foi vive en leur âme profonde,
Les pétrit tout exprès dans le marbre et l’airain,
Ces maçons du destin, pour nous bâtir un monde,
Et, quand ce monde fut, — éternel et serein, —
Il rentra dans la nuit comme un astre dans l’onde.
Allez ! n’essayez pas d’imiter nos aïeux
Dans l’erreur ou le sang de quelque parodie,
Ils ont fait l’épopée et clos la tragédie.
Pour jouer notre calme et simple comédie,
Nous n’avons pas besoin d’acteurs géants comme eux…
Quand je vous le disais, que tout est pour le mieux !
Ô rire inextinguible aimé des dieux d’Homère !
Ô rire immense et fou ! formidable grelot
Qu’agite en se raillant notre humaine misère
Rire haut et puissant, si puissant et si haut
Qu’on ne peut distinguer, tant sa note est amère,
Si vraiment c’est un rire ou si c’est un sanglot !
Voyez-vous à Paris ceux de Sparte et d’Athènes,
Les foudres d’Agora cuisant à nos feux doux,
Et la sonnette grêle endiguant Démosthène ?
Les voyez-vous passer, les figures hautaines
De tous ces vieux Romains, et vous figurez-vous —
Sauf Auguste ou César — ce qu’ils feraient chez nous ?
D’y songer seulement la gaîté vous enivre.
Pour moi, le brouet noir fait mon ravissement,
Et qui peut supposer, même pour un moment,
Qu’un Épaminondas à nous prenne ou délivre
N’importe quoi… Pékin, et n’ait pas seulement
Non pas de quoi mourir, mais même de quoi vivre ?
Voyez-vous la Phryné devant le tribunal ?
(Derrière on ne dit pas.) Quant à Platon, j’espère
Qu’on l’autoriserait à fonder un journal,
Sauf… Je tremblerais fort pour Brutus fils ou père :
Le jury n’est pas doux, et les deux font la paire,
Et puis les avocats parfois plaident si mal !
Seuls, vous vous reverriez en vos lugubres fêtes,
Martyrs, car votre foi s’appelle liberté
(Je ne vous compte pas, crétins livrés aux bêtes) ;
Par exemple, il faudrait avertir les prophètes
Des lois sur la folie et la mendicité,
Sous peine de conflit avec l’autorité.
Non, le farouche honneur, non, la vertu sauvage,
Sont les armes de fer et d’airain d’un autre âge ;
Rien qu’à les soulever le nôtre s’est blessé
Avec ces lourds engins dont il n’a pas l’usage…
Ah ! révolutions, laissez, raide et glacé,
Sur le tombeau des temps dormir le vieux passé !
Et quant à l’avenir, cet éternel peut-être,
Ce hochet solennel enflé d’ombre et de vent,
Que le siècle qui meurt lègue au siècle suivant,
Cette Isis que jamais nul ne pourra connaître,
Fermons sur l’infini cette oblique fenêtre
Par où l’âme s’échappe et buissonne en rêvant.
A-t-elle assez vécu, cette vieille utopie ?
A-t-il assez duré, ce travail d’Ixion ?
Que nous faut-il encor de désillusion
Pour savoir que l’espoir est une chose impie ?
Ô Dieu ! pour l’affliger de cette passion,
Qu’a fait l’humanité ? qu’est-ce donc qu’elle expie ?
Guérira-t-il enfin ce mal de l’avenir
Qui depuis six mille ans l’agite et la tourmente ?
Ce qu’elle s’est promis, qui pourra le tenir ?
Ithaque de l’azur fugitive et charmante !
L’époux est toujours là qui cherche et se lamente.
Quand finit son voyage, hélas ! s’il doit finir ?
Être indéfinissable et douteux, âme humaine,
Où volent tes désirs inconnus et flottants ?
Où vas-tu ? d’où viens-tu ? que veux-tu ? qui te mène ?
Qui donc es-tu d’abord ! Réponds, si tu m’entends,
Voyageur éperdu de l’espace et du temps
Qui vas dans l’infini comme sur ton domaine.
Qui donc appelles-tu de ce gémissement ?
Sur qui pleures-tu donc ces larmes éternelles ?
Es-tu blessé, ramier ? Qui t’a coupé les ailes ?
Tes premières amours, dis, étaient donc bien belles ?
Il était donc bien beau, dis, l’infidèle amant
Que, sans le voir jamais, tu suis incessamment ?
Messaline céleste et jamais assouvie !
Claude, ton vieil époux, le corps, ton lourd seigneur,
Que depuis si longtemps tu traînes par la vie,
Enfin désabusé, las de t’avoir suivie,
Refuse d’avancer et devient raisonneur…
Ève grecque, ô Psyché ! qu’as-tu fait du bonheur ?
Tu le tenais pourtant, s’il faut qu’on vous en croie,
Rêveurs ! tu le tenais, mais ne pouvant le voir,
L’aube de l’inconnu faisait pâlir ta joie,
Le jour de ton bonheur n’alla pas jusqu’au soir ;
Le réel te lassait, tu rejetas la proie
Pour l’ombre de son ombre, et préféras l’espoir.
Oh ! combien en sont morts, et de combien de bouches
Le blasphème en grondant s’est-il pas exhalé !
Et combien, sur le marbre implacable et voilé,
Se sont brisé les dents en leurs baisers farouches,
Hélas ! et pour si peu qu’on a vus sur leurs couches
S’endormir doucement dans leur rêve étoilé !
Mais aujourd’hui, parbleu ! que ce mont ridicule
Est accouché d’un rat, son enfant biscornu,
Le Doute, — espoir encor, — l’appétit d’inconnu,
Ont pris fin, Dieu merci ! Qu’il avance ou recule,
Le monde est fait pour vivre, et vivons ! Par Hercule !
Sans y même être allé, j’en suis bien revenu.
Plus de brumeuse erreur ! c’est assez de mystère !
Le dernier Faust est mort de son rêve rentré,
Pressant contre un cœur vide un néant adoré ;
Voyant qu’après le bois vient le charbon de terre,
Saint Laurent s’est levé, puis dans un grand voltaire
Il est allé s’étendre et dort comme un curé.
Oui, magistrat honnête et confit en bien dire,
Oui, la société, les mœurs et la maison,
Oui, la base immortelle, oui, le sombre horizon
(Allez, ce n’est pas moi qui veux vous contredire),
Oui, le but ténébreux de fauteurs en délire…
Monsieur le magistrat, vous avez bien raison.
Le présent, voyez-vous, est le mot de la chose ;
Le présent à plein bust, guorgias et point manchot,
Bien bullé, de morisque, enfreluché, grimault,
Crouste levé, niéblé, quinault et bouche close,
À beaux affiquets d’or, à beaux flocquars de rose…
Le présent, voyez-vous, de la chose est le mot.
Et vous dont l’âme obscure est pareille à la voûte
Où l’ombre opaque et sourde est vierge de clartés
Et d’où des pleurs rhythmés découlent goutte à goutte ;
Utopistes chagrins, mécontents brevetés,
Dites-les donc enfin, vos regrets entêtés !
De quoi vous plaignez-vous ? Allons, parlez, j’écoute.
Oh ! oh ! mais il n’importe, et cela n’est pas fort !
Tout votre monument vaut une pichenette.
Vous ne combinez pas, et voilà votre tort,
La cause avec l’effet, le but avec l’effort.
Que diable ! ayez au moins la vision plus nette,
Ou cessez de vous plaindre ou prenez ma lorgnette !
« Ai-je l’âme trop bonne ou les yeux trop cléments ?
Mais je ne vois partout que des hommes charmants,
Qu’aucun instinct n’émeut, qu’aucun transport n’enivre,
Doucement adonnés à ce qu’ils nomment vivre,
Résignés et dodus, tranquilles et fleuris,
Ayant peur du silence, ayant horreur des cris,
Bornant modestement leur modeste voyage
À l’est par le plaisir, par un beau mariage
À l’ouest, et là-bas, mais tout là-bas au nord,
Par une bien obscure et bien paisible mort ;
À tous vents du dehors fermant porte et fenêtre,
Érigeant sagement en vertu leur bien-être ;
Dans leur petit esprit dont ils sont fort coquets,
Si friands de scandale et de petits caquets
Qu’ils font d’un grand pays une petite ville ;
Rendant au dieu Succès un culte un peu servile,
Mais redoutant le neuf comme un coup de bâton ;
Sentant pour un passé qu’ils trouvent de bon ton
Une secrète ardeur qui fondrait bien leur glace,
Si pour reculer même on ne changeait de place ;
De préjugés d’ailleurs non plus que sur la main ;
Se souciant d’hier autant que de demain ;
Dans les larges couloirs d’un aimable cynisme,
Ayant commodément logé leur égoïsme ;
Tenant que tout est bien dont on n’a pas de mal ;
Portant au labarum : « Cela m’est bien égal ; »
Vivant entre eux du reste en bonne intelligence,
Grâce au mépris commun sous couleur d’indulgence,
Sans grandes passions et sans grands sentiments ;
Sans fiel et sans orgueil, enfin charmants, charmants !
« Charmants en vérité ! Mais aussi quelle vie !
Qu’ont-ils à regretter ? qui peut leur faire envie ?
Eux, penser ! à quoi bon ? Agir ! vous plaisantez !
N’ont-ils pas pour cela des agents patentés,
Des instituts pour eux savants et pour eux graves,
Pour eux des remplaçants payés pour être braves,
De tous leurs intérêts des gens chargés pour eux,
— Des spirituels même, et même assez nombreux, —
Tous messieurs, s’il vous plaît, portant des uniformes,
Ayant prêté serment, reconnus dans les formes,
Tant que pour ne pas croire à leur habileté
Il faudrait être au moins atteint de cécité,
Et pour s’entremêler, fût-ce à sa propre affaire,
Être bien indiscret ou n’avoir rien à faire ? »
L’esquisse est-elle exacte et selon vos désirs ?
Ce crayon rend-il bien notre béatitude ?
Reconnaissez-vous bien nos goûts et nos plaisirs,
Et cet oubli d’autrui, notre plus douce étude,
Et cet oubli de soi qu’on appelle habitude ?
Ô Mélibée, un dieu nous a fait ces loisirs !
Laissons les hommes forts dire qu’à notre taille
On nous ajuste un monde et répéter en chœur
Que dans nos passions, que l’on rogne et l’on taille,
Ils voient les tristes ifs de ce triste Versailles,
Qu’enfin les lourds ciseaux de l’intérêt vainqueur
Ont mutilé l’amour, virilité du cœur.
Laissons-les remplacer, ces Catons d’un autre âge,
La gloire par l’estime et l’adroit par le sage,
Et la morale aussi par la moralité,
Eux qui s’en vont criant à la stérilité,
Et pensent follement qu’indomptable et sauvage
L’esprit n’engendre pas hors de la liberté.
Le présent seul est vrai, le reste n’est que cendre.
Le présent ! mais c’est l’or du guerrier d’Alexandre.
Donc, prenons ce qui peut en tenir dans nos bras,
Remercions ceux qui, lourds de nos embarras,
Jusques à s’en charger veulent bien condescendre,
Et tâchons d’être heureux pour n’être pas ingrat !
Il était une fois — avant-hier, peut-être, —
Un homme qui vivait dans le ravissement :
Ni beau ni laid d’ailleurs, et fait tout simplement,
Ainsi que vous et moi, lecteur, nous pouvons l’être ;
Il se nommait Pangloss, et vraisemblablement
Comptait qui vous savez pour aïeul et pour maître.
Il avait comme un autre, étant un écolier,
Appris beaucoup de mots d’une grande ressource
Qu’il s’était comme un autre empressé d’oublier ;
Sa langue, pas ou peu, cela coule de source ;
Quant à l’arithmétique, on l’enseigne à la Bourse…
Il n’était pas savant, il était bachelier.
Sur tout il tenait prêt un avis net et fade,
Et savait à propos mettre un mot sur un nom,
Qu’il s’agit de Vichnou, de Kant ou de Ninon :
« Owen ? un fou, monsieur ! Et Jean-Jacques ? un malade…
« Fourier ? ah ! oui, Fourier, la mer de limonade… »
Ce n’était pas un sot que Pangloss : ah ! mais non !
Sa politique était d’ignorer et d’attendre.
Du reste, libéral, comme on doit le savoir :
Quatre vingt-neuf ! oh ! oh !… Cependant le pouvoir…
Une main ferme… Bref, un Shahabaham tendre
L’eût nommé grand vizir, s’il avait pu l’entendre,
Et baisé sur le front s’il avait pu le voir.
Pour sa religion, ce n’est pas un mystère
Qu’il pensait librement ; mais, soit dit entre nous,
Au fond, il n’était pas, vous savez, de ces fous
Qui… lorsqu’on le poussait, il aimait mieux se taire ;
Non qu’il crût, lui, Pangloss ! lui, le fils de Voltaire !
Mais le peuple, monsieur ; le peuple, y pensez-vous ?
Il suivait le droit fil de la route suivie
D’un pas inconscient, satisfait et certain…
La Bourse dans le jour, son journal le matin,
Et le soir… ah ! ma foi, le soir, l’âme ravie,
Il s’attardait gaîment aux faubourgs de la vie,
Homme d’ordre d’ailleurs, quoique fort libertin.
Quand il prit quarante ans, devenu sage en somme,
Comme il pesait du ventre et devenait affreux.
Sur conseil de notaire, il se dit amoureux
D’une vierge apportant, outre une forte somme,
Les qualités du cœur, bonheur d’un honnête homme ;
Il eut beaucoup d’enfants et vécut très-heureux.
Enfin, après sa mort, honorant sa mémoire,
On lui fit un convoi, je dis supérieur,
Flanqué d’un beau discours à la manière noire,
Dans lequel un monsieur très-chauve et point railleur
Lui donnait rendez-vous dans un monde meilleur,
Ce qui dut l’étonner. — Là finit mon histoire.
« — Quoi ! c’est là ce récit ? — Je viens de l’achever.
« — Quoi ! c’est là ce héros ? — Sans voile ni lacune.
« — Mais il n’arrive rien qui ne puisse arriver ?
« — J’en suis sûr. — C’est banal. — D’accord. — Si c’en est une,
Cette histoire, après tout, est l’histoire commune ?
« — Hélas ! c’est justement ce qu’il fallait prouver. »