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Analyse du Kandjour/Mdo/01

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Csoma de Körös
Analyse du Kandjour : section Mdo, vol. I

Annales du Musée Guimet
Traduction par Léon Feer.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Tome 2p. 212-216).
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V. MDO


La cinquième grande section du Kah-hgyur s’appelle Mdo-sde (Sk. Sutranta) ou simplement Mdo (Sk. Sûtra), mot qui signifie « traité » ou « aphorisme » sur un sujet quelconque. Dans un sens général, quand on divise le Kah-gyur tout entier en deux parties, Mdo et Rgyud, toutes les autres divisions, à l’exception du Rgyud, sont comprises dans la classe Mdo. Mais dans un sens particulier, il y a divers traités qui ont été arrangés ou mis sous ce titre. Ils s’élèvent au nombre de deux cent soixante-dix et occupent trente volumes, distingués par les trente lettres de l’alphabet tibétain. Le sujet des ouvrages compris dans ces trente volumes est varié. Ils sont, en général, attribués à Çâkya et ont été compilés immédiatement après la mort de ce sage par Ananda (tib. Kun-dga-vo), un de ses principaux disciples, son cousin et son compagnon préféré. La plus grande portion consiste en exposé de la morale et de la métaphysique du système bouddhique ; en récit légendaires de la vie de plusieurs individus, avec des allusions aux soixante ou soixante-quatre arts, à la médecine, l’astronomie et l’astrologie. On y trouve beaucoup d’histoires destinées à montrer par des exemples les conséquences des actions accomplies dans des transmigrations précédentes ; des exposés de théories orthodoxes et hétérodoxes ; des lois morales et civiles ; l’énumération des six sortes d’êtres vivants, des lieux où ils habitent et des causes pour lesquelles ils y sont nés ; la cosmogonie et la cosmographie conformément aux notions bouddhiques ; la description des provinces de plusieurs Buddhas ; le tableau de la vie exemplaire d’un Bodhisattva ou saint[1] ; et en général des spécimens des douze espèces d’écritures bouddhiques. Il y a aussi plusieurs traités exposés à la demande spéciale de quelques individus réels ou imaginaires. C’est chez les bouddhistes, la manière généralement employée pour expliquer ou démontrer un dogme établi, les coutumes ou les mœurs.

Voici le contenu de cette section, suivant l’ordre des trente volumes :

VOLUME I. — Ka

Il a pour titre Bskal-bzang, བསྐལ་བཟང, « le bon ou heureux âge », ou plus complètement, en tib. Hphags-pa bskal-pa-bzang-po-pa ǰes-bya-va theg-pa-chen-pohi-mdo འཕགས་པ་བསྐལ་པ་བཟང་པོ་པ་ཞེས་བྱ་བ་ཐེག་པ་ཆེན་པོའི་མདོ (Sk. Arya-bhadra-kalpika-nâma-mahâyâna-sûtra). « Le vénérable Sûtra du grand Véhicule » intitulé : « l’âge excellent et heureux. » Il y a sur la première page deux figures représentant Çâkya et Maitreya. La salutation est en ces termes : « Adoration à tous les Buddhas et Bodhisattvas. » (Tib. Sangs rgyas dang byang-chub-sems-dpah thams-cad la phyag-hts’al-lo).

Bchom ldan hdas (Çâkya) prononça ce Sûtra au lieu appelé Ts’al chen po, « le grand parc », en allant de Çrâvasti (tib. Mñan-yod) à Vaiçalî (tib. Yangs-pa-can, la moderne Allahabad), à la demande d’un Bodhisattva (appelé en tibétain Mchog-du-Dgah-vahi Rgyal-po). Il avait pour auditeurs un nombre immense de religieux et de laïques des deux sexes, de Bodhisattvas, de dieux et de démons de plusieurs catégories.

Après quelques instructions dogmatiques et morales sur la perfection et la conduite du Buddha ou Jina données par Çâkya (folios 4-150), à la demande du Bodhisattva sus-mentionné, d’abord en prose et ensuite en vers répétant la prose, le sujet consiste dans l’énumération de mille Buddha dont quatre ont déjà paru, et le reste à partir de Maitreya doit apparaître ultérieurement. La liste de ces Tathâgatas commence par Kakutsanda (tib. Hkhor-va-hjig) et spécifie quinze particularités ; sur chacun d’eux de la manière suivante :

1. Son nom
10. Le plus habile de ses disciples pour faire des miracles ou des prodiges
2. Son lieu de naissance
3. Sa tribu ou sa race
11. Le nombre de ses disciples formés en assemblée
4. L’étendue ou la sphère de ses rayons lumineux
12. La mesure ou l’étendue de sa vie dans cet âge
5. Son père
13. La durée de son établissement religieux
6. Sa mère
14. Ses reliques
7. Son fils
15. Le monument ou reliquaire (sk. caitya, tib. mchod-rten) construit pour ses reliques.
8. Son acolyte
9. Le plus perspicace de ses disciples

Comme ce sujet est entièrement imaginaire ou fantastique, il est bien inutile de traduire la totalité ; il suffira de reproduire les cinq premiers noms avec leurs quinze attributs depuis Kakutsanda jusqu’à Maîtreya. Ces détails sont donnés dans le tibétain sous forme de réponse à autant de questions posées à propos des quinze articles sus-indiqués :

1 2 3 4 5
Kakutsanda Kanakamuni Kaçyapa Çakya Maitreya
01. Hkhor-va-hjig Gser thub Hod-srung Çâkya-thub-pa Byams-pa (cam-bâ)
02. Rgyal-pohi pho brang grong-khyer bzang po grong-khyer lnga-pa ts’etana ser-skyahi gnas (Sk. kapila) rgyal-pohi pho-brang grong khyer tog-gi blo-gros.
03. Çâkya-pa (de race Çâkya) brâhmane brâhmane rgyal-rigs (Xatriya, descendant de Gotama) brâhmane
04. Dpag ts’ad gcig (4000 brasses) Dpag ts’ad phyed (2000 brasses) 500 brasses 1 brasse ou 2 yards 4000 brasses
05. mchod spyin mes-byin ts’angs byin (sk. Brahmadatta) zas-gtsang-ma ts’angs-bzang
06. ts’angs-rgyal bla-ma nor-hdag-ma Sgyu-hphrul Ts’angs-bdag-ma
07. bla-ma rnam-par rgyal-vahi sde ded-dpon bsod-nams-stobs
08. blo-rdzogs bkra-çis-ldan kun-gyi bçes gñen kun-dgah-vo rgya-mts’o
09. dge-slong mkhas-pa mechog-ma bharadwaja ñe-tgyal ye-çes-hod
10. bsñen-pa rgyal skar-vgyal pang-nas-skyes brtson-hgrus
11. 40,000 70,000 20,000 1250 960,000,000
12. 40,000 années 30,000 20,000 100 84,000
13. 80,000 années 4,000 70,000 5,000[2] 80,000
14. en une masse globuleuse en une masse globuleuse en une masse globuleuse en grande abondance en une masse globuleuse
15. déposées dans un seul mchod-rten ou caitya déposées dans un seul caitya déposées dans un seul caitya ou mchod-rten déposées dans plusieurs caityas ; mais ce point n’est pas noté dans l’original. déposées dans un seul caitya.

L’énumération de ces Tathâgathas fantastiques et la détermination des attributs exposés ci-dessus occupent 300 feuilles de ce volume. De la feuille 150 à 158, on n’énumère que les noms des Tathâgathas et ensuite (folios 159-459) leurs noms et les autres points. Leurs noms sont, en général, des mots qui ont une signification et désignent soit une vertu ou une bonne qualité, soit un objet naturel, beau, agréable, grand, précieux, etc.

Voici les noms de quelques autres Tathâgatas postérieurs à Maitreya, reproduits d’après le tibétain et accompagnés d’une traduction.

06. Senge-ge le lion 24. Hod-bzang bonne lumière
07. Rab-gsal le très clair ou pur 25. Mya-ngan-med exempt de chagrin
08. Thub-pa le puissant 26. Skak-rgyal prince des étoiles
09. Me-tog Fleur 27. Rab-gsal le très clair
10. Metog-gnis-pa Fleur II 28. Phreng-thogs qui porte un chapelet
11. Spyan-legs bel-œil 29. Yon-tan-hod lumière des bonnes qualités
12. Ded-dpon conducteur en chef 30. Don-gzigs qui conçoit le sens
13. Lag-chen grande main 31. Mar-me Lampe
14. Stobs-chen grande force 32. Mthu-ldan puissant
15. Rgyu-skar-rgyal-po Prince des étoiles mouvantes 33. Sman-pa qui guérit les maladies
16. Rtsi-sman essence médicinale 34. Des-pa brave
17. Snanpa-tog Le principal ornement de la célébrité 35. Mdzod-spu cheveu de trésor
18. Hod-chen-po grande lumière
19. Grol-vahi-pung-po corps affranchi 36. Brtan ldan permanent
20. Rnam-par-sñang-mdzad L’éclaireur 37. Lhahi dpai prospérité divine
21. Ñi mahi-sñing-po L’essence du soleil 38. Gdul-dkah difficile à subjuguer
22. Zla-va La lune 39. Yon-tan-rgyal-mts’an étendard de (bonnes) qualités
23. Hod-hphro répandant la lumière 40 Sora-can (sk. Râhu) nom d’une planète

et ainsi de suite.

Du folio 459 à la fin du volume, Çakya redit, à la demande du Bodhisattva ci-dessus mentionné, quand ces Tathâgatas éprouvèrent les dispositions d’esprit qui les firent arriver à la suprême sagesse, ou devenir Bodhisattvas et ce qu’ils offrirent aux Tathâgatas en présence desquels ils firent leurs vœux et formulèrent une prière pour obtenir en conséquence de leurs mérites moraux la délivrance finale ou arriver à la perfection.

Ce volume renferme 547 feuilles et vingt-six bampos ou divisions artificielles. Le Sûtra a été traduit par le Pandit indien Vidyâkara Siddha et le Lotsava Bande Dpal-gyi Dvyangs : il fut revu et arrangé depuis par Dpal brtsegs[3].

  1. Csoma traduit toujours bodhisattva par « saint ». Un bodhisattva est un individu appelé d’ores et déjà à être Buddha dans un avenir plus ou moins éloigné ; — C’est un futur Buddha. (L. F.)
  2. Il y a 500 ans dans le texte anglais ; il est certain qu’on a oublié un zéro. — Le lecteur peut remarquer combien les nombres appliqués à Çâkyamuni sont raisonnables, comparés à l’extravagance des autres.
  3. Le texte sanscrit du Bhadra-Kalpika existe ; on en connaît aussi une traduction chinoise, ou du moins on trouve dans la littérature bouddhique de la Chine la liste des noms des mille Buddhas.