Analyse du Kandjour/Mdo/07

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Csoma de Körös
Traduction par Léon Feer.
Texte établi par Musée Guimet, Paris (Tome 2p. 244-249).
VOLUME VII — (Ja)

Il y a dans ce volume six ouvrages ou Sûtras distincts. En voici les titres en sanscrit et en tibétain :

1. Sad dharma Pundarika, tib. Dam-pahi chos padma-dkar-po. དམ་པའི་ཆོས་མད་མ་དཀར་པོ : « Un lotus blanc ou la vraie religion. »

2. Sarva-dharma-guna-vyuha-râja, tib. Chos-thams-cad-kyi-yon-tan-bkod-pahi-rgyal-po ཆོས་ཐམས་ཙད་ཀྱི་ཡོན་ཏན་བཀོད་པའི་རྒྱལ་པོ : « Description capitale des bonnes qualités de toutes les lois morales ».

3. Sukhavatî-vyûha, tib. Bde-va-can-gyi-bkod-pa. བདེ་བ་ཅན་གྱི་བཀོད་པ « Description de l’heureuse résidence » (celle d’Amitâbha).

4. Karaṇḍa-vyûha, tib. Za-ma-tog-bkod-pa. དཀོན་མཅོག་ཟ་མ་ཏོག​ : « Le vaisseau préparé ».

5. Ratna-Karanda. tib. Dkon mchog za-ma-tog. དཀོན་མཅོག་ཟ་མ་ཏོག​ : « Le précieux vaisseau ou dépôt ».

6. Ratna-Kotnî, tib. Rin-po-chehi-mthah. རིན་པོ་ཆེའི་མཐའ​ : « La précieuse limite ».

Tous ces Sûtras, en général, roulent sur des sujets moraux et contiennent plusieurs enseignements sur la doctrine bouddhique.

1. Le premier, intitulé : Sad-dharma puṇḍarîka, occupe les feuillets 1-281. Contenu : Bcom-ldan-hdas ou Bhagavat (Çâkya) prononça ce Sûtra étant sur le Bya-rgod-phung-pohi-ri (Sk. Grd/ira-kida-jMrcatd) près Bujagrha eu Mitf/adJia, en présence de douze mille prêtres aux grandes perfections (voir folio 2). Parmi ceux ci ses principaux disciples sont énumérés ; en tète viennent les noms des cinq qui devinrent à Vârânasi les premiers disciples de Çâkya, savoir : 1° Ajnâna-Kaundinya (tib. Kun-çes-Kaundinya ; ཀུན་ཤེས་ཀོནྡིནྱ ; 2° Açvajit (tib. Rta-thul རྟ་ཐུལ​ ; 3° Pâcya ; (tib. Rlangs-pa ; རླངས་པ) ; 4° Mahâ-Nâma (tib. Ming-chen, མིང་ཆེན​) ; 5° Bhadrika (tib. Bzang-po བསང་པོ). Katyâyana, Kapphina, Bharadhvaja y sont aussi mentionnés. — Folios 2-3, énumération de toutes sortes d’auditeurs, par exemple : des Bodhisattvas parmi lesquels Manjuçri-kumâra-bhuta, Avalokiteçvara et Maitreya : འཇམ་དཔའ་གཤོམ་ནུར་གྱུར་པ། སྤྱན་རས་གཟིགས་དབང་ཕྱུག། པྱམས་བ​། des dieux de rangs divers et de différents cieux, toutes sortes de demi-dieux et de démons et Ma-skyes-dgra མ་སྐྱེས་དགྲ (Sk. Ajâtaçatru), roi de Magadha. — Méditation profonde et extase de Çâkya. — Effets merveilleux d’un rayon de soleil qui sort du milieu de son front. Grand étonnement que provoque ce phénomène chez tous les auditeurs assemblés. Maitreya (tib. Byams-pa) questionne, en vers, Manjuçri (tib. Hjam-dpal) sur la signification et la raison de ces miracles. Leur entretien sur les six vertus transcendantes, la charité, la moralité, la patience, l’application et l’activité, la méditation et l’habileté, ou l’esprit, ainsi que sur les procédés dont plusieurs Tathâgatas se sont servis pour enseigner le même Sûtra à toutes sortes d’êtres animés. Cette introduction (Gleng gji གླེང་གཞི) finit à la feuille dix-neuvième. Alors Çâkya, s’adressant à Çârihi-bu, un de ses principaux disciples, le chef de ceux qui ont l’esprit pénétrant, lui explique combien il est difficile pour eux de comprendre et d’apprécier la sagesse du Buddha, de même que les diverses qualités et propriétés des choses en général. Çârihi-bu admire beaucoup l’excellence de cette doctrine ; il prononce plusieurs vers à sa louansre et le prie de leur donner une instruction plus étendue. Plusieurs de ses principaux disciples prennent la parole, ce sont : Hod-srung, Gang-po, Katyayâna, qui, entendant Çâkya parler des grandes perfections et des procédés habiles des Tathâgatas, font leur éloge en vers. Folios 80-87. Çâkya prédit que cinq de ses principaux disciples seront des Bodhisattvas de premier ordre. Belles actions qu’il a faites autrefois lui-même.

Ts’angs-pa (Sk. Brahmâ) et d’autres dieux exhortent plusieurs Tathâgatas à faire tourner la roue de la loi, ou à enseigner leur doctrine et sauver tous les êtres vivants. Çâkya prédit à plusieurs de ses disciples, sur leur propre demande, qu’ils atteindront, dans l’avenir, tel et tel degré de perfection. Mérites moraux et religieux de plusieurs individus dans des vies antérieures : perfection et bonheur qu’ils olitienrh-dut dans des existences futures. Plus d’un Tathâgata du temps jadis a enseigné ce Sûtra. Importance de ce grand Sûtra. — « Spyan-ras-gzigs-dvang-phyug », sous plusieurs formes. Aide puissante qu’il procure à ceux qui l’invoquent dans leur détresse. Çâkya raconte plusieurs histoires à ses auditeurs pour leur faire connaître les mœurs et les pratiques des hommes vraiment sages. Ce Sutra est divisé en vingt-sept chapitres. Traducteurs : le Pandit indien Surendra et le Lotsava tibétain Ye-çes-de[1].

2. Le second Sûtra de ce volume, intitulé : Sarva-dharma-guna-vyûha-râja, va du folio 281 à 306. À la requête de deux Bodhisattvas, Vajrapâni et Avalokiteçvara, Çâkya donne des explications sur divers sujets. Ils admirent l’excellence de sa doctrine et la déclarent digne de tous respects et hommages et utile pour le salut.

3. Le troisième Sûtra, intitulé : Sukhâvati-vyûha (tib. Bde-va-can-gyi-bkod-pa) occupe sept feuilles (306-313). Sujet : Çâkya, s’adressant à Çârihi-bu, lui donne une description de l’heureuse demeure, ou de la province d’Amithâba, à l’ouest, bien au delà d’un nombre infini d’autres régions ou provinces. Grand bonheur et lumière intellectuelle dont on y jouit ; point de misère, point de mauvais milieux de transmigration, grande abondance de toutes sortes de choses précieuses — étangs et réservoirs ornés de métaux précieux et de joyaux, — excellents oiseaux.

Ce Sûtra commence par une énumération des auditeurs de Çâkya : parmi lesquels seize de ses principaux disciples appelés Gnas-brtan. Ce sont :

1. Çârihi-bu,
ཞྰརིའི་བུ
9. Dgah-vo,
དགའ་བོ
2. Mongal-Gyi-bu,
མོངལ་གྱི་བུ
10. Kun Dgah-vo,
ཀུན་དགའ་བོ
3. Hod-srungs-chen-po,
འོད་སྲུངས་ཆེན་པོ
11. Sgra-gcan-hdzin,
སྒྲ་གཙན་འཛིན​
4. Kâtyâhi-bu,
ཀྰཏྰའི་བུ
12. Ba-lang-bdag,
བ་ལང་བདག​
5. Kapphina,
ཀ་ཕི་ན
13. Bharadhvaja,
བྷ་ར་དྷྦ་ཛ
6. Gsus-po-che,
གསུས་པོ་ཆེ
14. Hchar-byed-nag-po,
འཆར་བྱེད་ནག་པོ
7. Nam-Gru,
ནམ་གྲུ
15. Vakula,
བ་ཀུ་ལ
8. Lam-phran-bstan,
ལམ་ཕྲན་བསྟན​
16. Ma-hgags-pa,
མ་འགགས་པ

Traducteurs de ce Sûtra et du précédent ; les pandits indiens Prajna-varma et Surendra et le Lotsava tibétain Ye-çes-sde^^1.

4. Le quatrième Sûtra, intitulé : Karanda-vyuha, va du folio 313 à 391, Çâkya le prononça à Mñan-yod (Sk. Çrâvasti en Koçala). Il avait pour auditeurs, outre nulle deux cent cinquante prêtres, un nombre immense de Bodhisattvas, Devas, Nâgamjas, démons, etc. Contenu : 1° description des divers miracles arrivés à cette occasion dans ce Vihâra et provoqués par un rayon de lumière émis du sein de l’enfer par Avalokiteçvara ; 2° À la demande d’un Bodhisattva, སྒྱིབ་པ་ཐམས་ཙད་རྒམ་པར་སེལ་བ, Çâkya lui expose les mérites moraux infinis de ce saint, ses grands efforts pour faire venir à maturité ou à perfection ceux qui sont dans l’enfer, et ceux qui sont parmi les Yidags (ou Tantaluses). C’est en général un exposé des diverses bonnes qualités de Spyan-ras-zigs-dvang-phyug, qui est le patron des Tibétains, en sorte que ce Sûtra est tenu parmi eux en haute estime et révérence. Il a été traduit par Çàkya-Prabha et Ratna-Raxita^^2.

5. Le cinquième Sûtra intitulé : Ratna-Karanda, a été également prononcé par Çàkya dans un parc voisin de ÇravasCi en Koçala (tib. Mnanyod). Il y est traité de métaphysique et de morale. L’orateur est, en général, Manjuçri-kumâra-bhuta. Au commencement du SCitra, ce Bodhisatlva a une discussion avec SuuiiUTi (tib. Rab-hbyor) : རབ་འབྱོར​, disciple favori de Çâkya sur cette question : quels sont les vases dignes de recevoir les doctrines du grand Véhicule de Çâkya ? - Ensuite Çâkya lui-même, raisonnant avec Sr’nm.Ti l’t Man.ii’i'ui, di>nue |ilusi(>nrs enseignements sur la partie morale et métaphysique de sa doctrine.

1 Ce Sûtra est en connexion étroite avec le texte j du kon-tseos, Amitdbha-vyùhu, dont roiiginal sanscrit est intitulé Huhhaeati-vyûha. Il coii’esponJ au Sùtra chinois 0-mi-lo fo hing traduit par M. lieal(rat « nn, p..378-83) et qu’il ne faut pas conCoJidreavec le Ta-O-mi-to-fo Ai » ; /, correspomlaiit : iu texteD du kon-tskos. — M. Miix.Mnller u traduit notie SiUra en anglais d’npivs lo letxe sanscrit retrouvé récemment au Japon (Journ. de Londres, avril 1880). On en verra la traduction française p. 1 de ce volume. (L. p.)

2 Burnouf (Introd. à l’Hist. du Bud. ind., p. 169 et suivants de la reiin|Mcssioii) a donné l’analyse de ce Sùtra d’après le texte sanscrit. Il dit qu’il eu existe deux : l’un en vers plus développé, l’autre en prose. Le sujet est le même dans l’un et dans l’autre. Leur titre commun est Karanda vyûha ou Guna Karanda vyûha. (L. F.)

Il y a aussi plusieurs discussions de Manjuçri et d’autres sur l’état d’esclavage causé par les chaînes des passions et de rif^norance et sur l’afFranchissement et la délivrance de cet état. Le moyen le plus sûr d’obtenir cette délivrance et d’arriver à la perfection consiste dans ces deux choses : application courageuse et pureté de vie (tib. Brtson-hgrus-dang-bag-yod-pa), བརྩོན་འགྱུས་དང་བག་ཡོད་པ.

6. Le contenu du sixième Sùtra intitulé : Ratna-Kolni (folios 400-474) est un petit entretien spéculatif que Çâkya a sur le Gṛhdra-kuta-parvata (près Râjagṛha) avec Mañjucri Kumâra-bhuta, འཇན་དཔལ་གཞོན་ནུར་གྱུར་པ Bodhisattva de premier ordre, et avec Çârihibu, le plus sagace de ses disciples, sur la racine primitive ou la cause première de toutes choses (Dharma-dhâtu). — Traduit par le Pandit indien Prajna-varma et l’interprète tibétain Ye-çes-sde.

  1. Le Sad-dharma-pundarîka, dont le texte sanscrit a été conservé, est un des neuf ouvrages capitaux révérés au Népal sous le titre de Dharma. Il est maintenant bien connu et a acquis une nouvelle célébrité par la traduction française qu’en a donnée Eugène Burnouf sous le titre de Lotus de la bonne Loi et qui a été la dernière publication de l’illustre indianiste.

    Ce Sûtra est en Chine l’objet d’une vénération particulière, et on en trouve des exemplaires sur les autels des pagodes. Il en existe plusieurs rédactions chinoises. Selon Wassilief, le contenu de ce Sûtra peut se résumer ainsi :

    « Tous doivent devenir Buddhas ; il n’y a pas à proprement parler trois Véhicules ». — Série de vieilles légendes et de prédictions pour l’avenir. — « Il y a longtemps que le Buddha a atteint la voie ». Cette donnée s’accorde avec l’enseignement mystique sur l’Adibuddha. Tout le livre est plein d’allégories ; du reste, il n’offre aucun résultat particulier. La pensée qu’il y a non pas trois Véhicules, mais un seul, se trouve aussi dans d’autres Sûtras (Le Buddhisme, etc., p. 151. (L. K.)