Anatomie (Gilkin in chrestomathie de Sensine)

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Anatomie[1].

Dans la rue, au théâtre, au bal, je décompose
Les visages. Toujours j’y retrouve le Mal,
Qui sous les teints cuivrés, la graisse ou la chlorose[2]
Découpe en grimaçant un profil d’animal.

La brute qui végète au fond de l’âme, impose
Au galbe lentement son rictus bestial ;
L’être humain se dissout et se métamorphose
En chien, en bouc, en porc, en hyène, en chacal.

L’Avarice, le Vol, la Ruse et la Luxure,
Sous Le faux vernis des civilisations
Trahissent lâchement notre ignoble nature ;

Les muscles vigoureux et les carnations
Superbes font aux os d’inutiles toilettes,
Où transparaît l’horreur intime des squelettes.

  1. Extrait de La Nuit. Ce morceau est un de ceux où l’on sent le plus l’influence baudelairienne.
  2. Du grec χλωρός, vert : étiolement des femmes caractérisé par une pâleur verdâtre.