Anna Rose-Tree/Lettre 103

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Veuve Duchesne (p. 158-159).


CIIIme LETTRE.

Mylady Clemency,
à Miſtreſs Mountain ;
à Break-of-Day.

Mylord Clark habite un appartement dans l’Hôtel, ma chère Anna, & c’eſt mon Époux qui l’a exigé. Il m’a paru étonnant qu’il ait quitté ſa Femme, & à toutes mes queſtions à cet égard, on ne m’a fait aucune réponſe. J’avois vu quelquefois un jeune Italien chez Madame Dubois : je m’appercevois bien qu’il faiſoit la cour à Joſephine, ſa Fille cadette ; mais mes propres affaires m’empêchoient de ſonger à celles des autres : aujourd’hui que toutes mes peines ſont évanouies, je m’occupe de ce qui m’entoure, & n’ai pas appris ſans ſurpriſe que cet Italien, qu’on nomme le Chevalier Barrito, eſt le Beau-frère de Mylord Clarck. Il n’attend que la réponſe de ſon Père, à qui il a écrit, pour épouſer Mademoiſelle Dubois. Mylord Clemency eſt extrêmement lié avec les deux Beaux-Frères, il les a préſentés à ſa Mère & à moi, en nous priant de les regarder comme ſes véritables Amis. Mylady Clemency ne comprend pas mieux que moi ce que tout cela ſignifie : mais la ſatisfaction de mon Époux nous en cauſe infiniment à toutes deux, &, ſans rien conſidérer, nous rempliſſons de notre mieux ſes intentions. Alexandrine, de qui j’ai l’entière confiance, m’a fait part de ſes peines, la douceur, l’eſprit, & les ſoins de M. Wiſdom ont fait impreſſion ſur ſon cœur. Il paroît lui-même fort épris ; mais il ne s’explique pas : le bruit de mariage dont je vous avois parlé dans mes précédentes Lettres, ne venoit que des domeſtiques, qui veulent toujours deviner la penſée de leurs Maîtres. La continuation de votre bonheur me cauſe un plaiſir ſenſible : je partage bien ſincérement le déſir que vous témoignez pour notre réunion, elle ſeule peut combler les vœux

d’Émilie Clemency.
De Paris, ce … 17