Anna Rose-Tree/Lettre 22

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Veuve Duchesne (p. 117-118).


XXIIme LETTRE.

Émilie Ridge,
à Mylord Clark ;
à ***.

Je ne ſais ſi j’ai tort, Mylord, de vous écrire. Mais mon cœur me dit que non. Miſtreſs Bertaw eſt de mon avis, ainſi la faute, ſi j’en fais une, ne ſera pas à moi. Je ſuis très-reconnoiſſante des peines que vous avez priſes pour rendre mon ſort plus ſupportable pendant mon ſéjour à Joint-Stool. J’ai été infiniment malheureuſe ; la cataſtrophe qui a terminé mon eſclavage eſt, à la vérité, une énigme pour moi, & je vous ſerois obligée de me l’expliquer : ma haine a ceſſé avec la vie de Spittle ; & je ſuis ſincérement affligée de ſa fin terrible, bien plus encore depuis que j’entrevois que j’en puis être la cauſe innocente. L’aveu qu’il en a fait à ma Mère, à l’article de la mort, a rempli mon ame d’affliction ; il vous a auſſi nommé, & elle a juré de le venger. J’ai donc à craindre, & pour vous, & pour moi. Votre perſévérance me flatte, cependant la haine de Mylady devroit étouffer le plus petit eſpoir ; je ne me repens pas de l’aveu que je vous ai fait. Mon inclination a été prévenue par mon eſtime, & l’une & l’autre ne s’éteindront dans mon cœur qu’à la mort.

Émilie Ridge.
De … ce … 17